Sans emploi, Saitama décide de tuer le temps en devenant un super-héros. Après un entraînement intensif (qui provoque la perte de ses cheveux), le jeune homme devient si puissant qu'il est invincible. Il lui suffit d'asséner un seul coup de poing (“one-punch”) pour terrasser n’importe quel ennemi.
C’est avec ce pitch simplissime que One-Punch Man est devenu un phénomène au Japon avant de déferler sur la France le 14 janvier dernier. Meilleur démarrage de la décennie pour un manga, il aura suffi d’un seul week-end pour écouler la quasi-totalité des exemplaires tirés. Vrai chef d'œuvre ou emballement incompréhensible ? Les explications de Pop Up’.
Oui, c’est un ovni dans le monde du manga
Les newbies du manga n’en ont pas conscience mais One-Punch Man est une petite révolution au pays des mangas pour jeunes adultes auxquels appartiennent Dragon Ball, Naruto ou One Piece, les titres les plus connus du grand public.
Avec un super super-héros que rien ni personne ne peut vaincre, One-Punch Man prend le contre-pied de tous les autres mangas d’action ainsi que des comics américains Marvel et DC. Car en supprimant le suspense quant à l’enjeu des combats, One-Punch Man place son intérêt ailleurs. Invincible, Saitama est le super-héros par excellence mais il est également le parfait anti-héros, limite dépressif avec son crâne d’œuf et son physique de gringalet totalement anticharismatique. Une représentation qui a su séduire la jeunesse japonaise, aussi désabusée que ce héros pour lequel ces combats ne sont qu'un long tunnel d'ennui.
“Cette histoire illustre à merveille l’adage 'A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire'”, explique au Monde Grégoire Hellot, directeur de collection chez Kurokawa, l’éditeur du manga en France. “Cette série est très particulière : elle reprend les codes classiques du manga seinen [pour jeunes adultes] mais les détourne. Ce qui ne pourrait être qu’une vaste blague est en fait une excellente mise en abyme de la condition de super-héros.”
Mi-parodie, mi-hommage, One-Punch Man est également une réponse aux sentai, ces mangas d’action type Bioman en vogue dans les années 80 et 90 où les héros affrontaient des monstres hybrides. On découvre ainsi Saitama affronter un ennemi au patronyme aussi débile que Mante le jolie.
On doit cette idée un peu dingue à un jeune auteur amateur, ONE, qui a d'abord partagé les premières planches (mal dessinées) de son webcomic sur son blog en 2009 avant d’être repéré par un éditeur qui convainc Yusuke Murata (Eyeshield 21) de l'appuyer. De sublimes dessins naissent sous la plume du célèbre mangaka, qui met son talent graphique au service de ce scénario en rupture avec la production de manga actuelle. One-Punch Man est né.
Oui, c’est un carton commercial
Sorti le 14 janvier en France, le premier tome de One-Punch Man, tiré (dans un premier temps) à 65 000 exemplaires par Kurokawa, est un succès phénoménal. Selon Adala News, il s’agit du meilleur démarrage de la décennie pour un nouveau manga en France et ce premier tome s’est hissé directement à la troisième place du classement des livres les plus vendus en France lors de sa première semaine, un exploit jamais réalisé par un manga. Si l’éditeur français Kurokawa n’a pas ménagé sa promotion, ce succès commercial est surtout dû au bouche-à-oreille, les lecteurs ayant depuis longtemps piraté sur le net les scans des planches traduites en anglais ou découvert la série via sa version animée, disponible depuis l'automne dernier.
Au Japon, où dix tomes ont déjà été édités, plus de six millions d'exemplaires ont été vendus et au moins 20 000 personnes visitent le blog de ONE chaque jour. En France, le deuxième tome paraîtra le 10 mars.
Bof, la série animée est plus drôle
Si les fans du manga vantent généralement son humour absurde, on reste un peu circonspect devant ce premier tome de One-Punch Man. Selon son éditeur, le succès de ce manga est à attribuer au retour de l’humour dans le genre. Mais, comme le précise Grégoire Hellot au Monde, "la parodie et la comédie romantique pour garçon s’exportent mal. Le genre s’est effondré chez nous à partir de 2006-2007." Le côté absurde de One-Punch Man suffira-t-il à captiver le lecteur sur la longueur ? Pas si sûr.
En revanche, la série animée, disponible gratuitement sur ADN en France depuis l'automne, met bien en avant le contraste plutôt poilant entre ce héros à l’allure grotesque et les combats ultra-dynamiques. Douze épisodes sont actuellement disponibles et certainement plus accessibles pour les néophytes, qui pourraient vite être déstabilisés par ces dessins d'affrontements ultra-détaillés et pas toujours très lisibles.
Non, le schéma narratif est trop répétitif
Une fois que vous connaissez le pitch de la série, son découpage est assez simple. Chaque chapitre correspond à un combat avec un monstre différent (et dont vous connaissez l’issue). Autant dire que si vous n’aimez pas les combats, passez votre chemin.
Au niveau du scénario, Saitama, surpuissant, trouve ces combats très ennuyeux, et il n’est pas le seul. Dans ce premier tome, on attend en vain qu’une histoire démarre, mais les 192 pages ne sont qu’une succession de combats. Habituellement, le premier volume d’une série sert à installer le décor. Ici, on ne sait rien de ces monstres que le héros affronte, d’où ils sortent et pourquoi ils attaquent. Ajoutons que Saitama n’a aucune marge d'évolution dans sa technique vu qu’il est déjà le plus fort (son entraînement préalable n'est pas raconté dans ce premier tome), ce qui limite les possibilités scénaristiques. En revanche, il hérite d’un faire-valoir disciple, Genos le cyborg, qui vénère son maître et s'avère beaucoup moins talentueux que lui. Peut-être une amorce d'histoire.
Car ceux qui ont vu l’animé insistent. C’est dans le tome 3 que One-Punch Man va vraiment devenir excellent. On nous promet de l’humour désopilant et une véritable histoire qui commencera à prendre forme. Attendons donc la suite avant de nous emballer...