Les bagages sont faits ? Avant de partir, n'oubliez pas d'y glisser au moins un des titres de bande dessinée (tous genres confondus) que Pop Up', votre dealer de pop culture préféré, vous conseille avec ferveur. Amour, complot, utopie, histoire, thriller, etc., on met nos mains à couper que vous trouverez forcément votre bonheur parmi cette sélection de treize titres calibrés pour vous faire passer un bel été. De quoi vous faire patienter en attendant notre rentrée !
Si vous avez envie de tout plaquer : "Ma vie dans les bois"
Mangaka depuis 30 ans, Shin Morimura décide de quitter le confort de la vie moderne pour aller s’installer avec son chien (et son épouse qu’il va falloir convaincre)... dans la forêt. Au milieu d’une nature pas toujours friendly, il trouve un endroit complètement perdu, le défriche et commence à bâtir sa maison en rondins. Entre manuel des Castors Juniors et bouquin de développement personnel, Ma vie dans les bois est une ode au DIY (Do It Yourself) joyeuse qui vante les mérites d’une slow life sous forme d’un récit écolo biographique.
Et si vous pensez qu’un one-shot suffit amplement à raconter cette drôle d’histoire vraie, c'est mal connaître la pugnacité de son auteur. Une fois sa maison construite, Shin Morimura apprend à pêcher, et surtout, à fumer son propre saumon, à cultiver ses champignons et même à fabriquer son propre charbon (la question que vous vous êtes sûrement un jour posée en allumant le barbecue). Il fait surtout le difficile apprentissage de la vie en autonomie, et affronte même quelques vrais coups durs. C’est aussi drôle que passionnant (même si c’est parfois un poil technique). A lire en rêvant d’une vie plus saine où le gaspillage n’aurait pas sa place.
Ma vie dans les bois par Shin Morimura, quatre tomes en cours aux éd. Akata, environ 150 p. et 7 euros le tome. Le tome 5 paraîtra le 30 août 2018.
Si vous avez envie de vous bidonner sur votre serviette de plage et susciter la jalousie de vos voisins qui font des mots croisés : "Il faut flinguer Ramirez"
Attention, ovni. C’est l’histoire d’une bande de mafieux mexicains qui laisse tout tomber (y compris un juteux trafic de poudre blanche) pour débusquer l’homme qui les a trahis, voilà quelques années. Son nom, Jacques Ramirez. Son look, un croisement improbable entre les Jackson Five et Jean Rochefort. Sa couverture : concepteur d’aspirateurs chez Robotop, qui est à l’aspirateur ce qu’Apple est aux téléphones, y compris pour le portefeuille de ses clients. Son véhicule : une Renault 5 jaune canari. Signe particulier : muet.
Bande dessinée à lire avec une barrique de pop-corn sous la main, Il faut flinguer Ramirez vous surprendra jusqu’à la dernière page, par son concentré d’action, ses répliques cinglantes et ses personnages secondaires improbables. Pour une première bande dessinée, Nicolas Petrimaux signe une entrée en fanfare dans le neuvième art. Bientôt le septième, si un Quentin Tarantino a vent de l’album…
Il faut flinguer Ramirez de Nicolas Petrimaux, éd. Glénat, 144 pages, 20 euros environ. Il existe une version Canal BD de l’album avec des bonus qui est presque épuisée. Presque.
Si vous ne supportez pas de passer l’été sans Chuck Norris et Steven Seagal : "Apocalypse sur Carson City"
Carson City, Nevada. 113 000 âmes, mais pas mal de damnées, pourrait-on lire sur un panneau dans un album de Lucky Luke. Nous sommes en 1982, et tout est calme près du Lake Tahoe, à quelques kilomètres de la ville. Un pêcheur en barque sur le lac, une gentille famille qui y pique-nique… Soudain, la barque et son occupant disparaissent brutalement.
- P’pa … le monsieur a disparu dans l’eau avec son bateau… tu crois que c’est les poissons qui l’ont mangé ?
- Mais oui, ma chérie, il faut bien qu’ils se nourrissent …
Vous l’aurez compris, il y a quelques chose de pas net dans ce lac, et ce quelque chose va rapidement débarquer en ville. Guillaume Griffon, au cours des huit tomes de cette saga hilarante parvient à y caser des zombies comme s’il pleuvait, des corps déchiquetés comme il en pleuvait, Chuck Norris, Steve Seagal, une floppée d’acteurs de série Z habitués à Nanarland, et le formidable général Matthews, chouchou de tous les lecteurs de la série, qui vous surprendra jusqu’à la dernière page du dernier tome. Le dessin est d’une richesse formidable, les dialogues ringardisent gentiment Michel Audiard, et la narration, entrecoupée de fiches personnages à mourir de rire, tient en haleine les 800 pages de récit. Une merveille injustement méconnue, à se procurer d’urgence (sauf si vous ne supportez pas la vue du sang, là, malheureusement, passez votre chemin).
Apocalypse sur Carson City de Guillaume Griffon, huit tomes chez Akileos avec des titres plus évocateurs les uns que les autres, tous les tomes sont à 16 euros. Notez qu’il existe un chouette jeu de société dérivé de la série.
Si Hergé vous manque : "L’Histoire des 3 Adolf"
Dans le Japon des années 30, deux jeunes garçons d’origine allemande sont les meilleurs amis du monde. Adolf Kaufmann, fils d’un haut dignitaire nazi et Adolf Kamil, fils d’un boulanger d’origine juive. Au même moment, en Allemagne, un journaliste japonais décide d’enquêter après le meurtre très suspect de son frère, accusé d’activités communistes. Evidemment, ces deux histoires sont liées par un secret dont on dit que sa révélation pourrait renverser le régime d’Hitler.
C’est se sachant atteint d’un cancer qu’Osamu Tezuka a attaqué cette œuvre monumentale (sa dernière achevée) de près de 1400 pages qui, à travers le destin de quelques hommes, nous raconte le Troisième Reich et ses horreurs. Une fresque publiée entre 1983 et 1985 que les éditiosn Delcourt Tonkam rééditent aujourd’hui à l’occasion des 90 ans de la naissance du "dieu des mangas". Un chef d’œuvre indispensable.
L’Histoire des 3 Adolf d’Osamu Tezuka, intégrale en deux volumes parue chez Delcourt Tonkam, 624 et 736 p., environ 30 euros le volume.
Si vous cherchez une BD pour toute la famille : "Les Beaux étés"
L’été, c’est le moment des programmes qui rassemblent : feu les sagas de l’été sur les grandes chaînes, la Coupe du monde ou le Tour de France, si vous n’avez pas été traumatisé par vos grands parents qui vous l’imposaient tout en ronflant devant le poste. C’est aussi le moment des voyages interminables à s’entasser les uns derrière les autres sur la Nationale 7 ou sur l’A6 pour défendre ses cinq mètres carrés de plage pendant trois semaines.
C’est un peu tout ça que raconte la série Les Beaux étés, qui suit une famille de Belges dans son périple annuel vers le sud de la France dans une 4L rouge fatiguée. L’histoire oscille entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, le ton se veut volontairement léger, en fond sonore on perçoit la bande son sucrée des tubes de l’été, et la carte nostalgique est un rien surjouée. N’empêche, ça marche. Ce qui fait le charme de cette série, c’est que la famille vieillit au fur et à mesure des épisodes (publiés dans un joyeux désordre chronologique). Les gentils enfants du tome 1 sont devenus des ados remuants qui n’obéissent plus au doigt et à l’oeil dans le tome 4, mais la mécanique bien huilée de gentils gags éprouvée lors des tomes précédents, fonctionne toujours aussi bien. Comme disait un reporter portant houpette, une BD à lire de 7 à 77 ans.
Les Beaux étés par Jordi Lafebre et Zidrou, éd. Dargaud, quatre tomes de 54 pages chacun, 14 euros environ.
Si vous aimez les histoires qui font mouiller les yeux : "I Kill Giants"
Lancée en catimini l’an passé, la collection Hi Comics que l’on doit à l’éditeur Bragelonne a fait parler d'elle cette année en rééditant un des plus beaux comics de ces dernières années, sous l’impulsion du film qu’il a inspiré : Chasseuse de géants (sorti directement en DVD chez nous il y a quelques semaines). L’histoire de Barbara Thorson, une collégienne vénère qui explique à qui veut bien l’entendre qu’elle est en mission pour tuer les géants qui menacent la terre. Fantasme, réalité ? Que cache la détermination de cette ado à la répartie facile ? Et pourquoi a-t-elle si peur des escaliers de sa maison ?
Vous le découvrirez en dévorant cet album incroyable, tout en noir et blanc, qui choisit la plus géniale des métaphores pour parler d’un sujet difficile. C’est brillant, sensible et drôle. Bref, un petit bijou que l'on redécouvre en un seul volume, et c'est beaucoup mieux ainsi.
I Kill Giants de Joe Kelly et Ken Nimura, éd. Hi Comics, 184 p., environ 20 euros.
Si vous trouvez que l’été manque de complots financiers internationaux : "Ghost Money"
C’est l’histoire de Chamza, une riche citoyenne de Dubaï, qui fricote d’un peu trop près avec des jihadistes, à commencer par son mari. C’est aussi l’histoire de Lindsey, une jeune Anglaise que Chamza prend sous son aile dans le monde futuriste, mais pas trop, des années 2020. A moins que ce ne soit celle de Kendricks, un vétéran de la deuxième guerre d’Irak, qui a constitué autour de lui une équipe d’anciens pour résoudre un mystère que la CIA n’arrive pas à résoudre. Non, c’est l’histoire du fabuleux trésor qu’Al Qaida a amassé en spéculant en bourse juste après le 11-Septembre… que convoitent tous ces protagonistes, dans un remarquable thriller financier concocté par Thierry Smolderen et merveilleusement mis en dessins par Dominique Bertail. Pour ceux qui avaient raté la parution en album, s’échelonnant entre 2008 et 2016, Dargaud propose une belle intégrale à glisser dans la valise.
Ghost Money intégrale, par Thierry Smolderen et Dominique Bertail, éd. Dargaud, 320 pages, 39 euros.
Si vous pensez que l’amour donne des ailes : "Après la pluie"
A 17 ans, Akira Tochibana n’a pas tout à fait les mêmes préoccupations que ses copines de lycée. Ancienne espoir du club d’athlétisme, elle a dû renoncer à ses rêves de carrière sportive après une blessure. Privée de son activité favorite, la course à pieds, elle travaille désormais après les cours dans un café restaurant dirigé par un quadragénaire timide et maladroit. Fraîchement divorcé, Masami Kondô a bien du mal à s’en sortir, entre des employés peu respectueux et un jeune fils qu’il a du mal à occuper. Pourtant, c’est de cet homme pas spécialement attirant qu’Akira va tomber amoureuse, faisant fi de leur différence d’âge.
Si le pitch peut faire tiquer, Après la pluie n’est en rien une histoire d’amour glauque entre une ado et un homme qui pourrait être son père. C’est même tout le contraire (il est d’ailleurs publié dans la catégorie seinen chez Kana et non en shôjô). Grâce aux sentiments amoureux que porte Akira à cet homme qui se refuse à elle et n’abuse jamais de sa position de force, ces deux êtres que tout oppose vont chacun puiser la force de traverser la période difficile dans laquelle ils se trouvent. C’est extrêmement touchant, souvent drôle et très rafraîchissant. Notez que la première saison de l’animé, lui aussi très réussi, est disponible sur Amazon Prime Video.
Après la pluie de Jun Mayuzuki, six tomes en cours (sur les dix que compte la série) aux éd. Kana, environ 160 p. et 7 euros le tome.
Si vous pensez que le couple est une vaste imposture : "Moins qu’hier (plus que demain)"
On ne va pas se mentir, Fabcaro est l’un des auteurs de BD les plus drôles de sa génération. Alternant les récits autobiographiques où il met en scène ses angoisses (Pause, Steak It Easy) et les récits où l’absurde tient lieu de scénario (Zaï Zaï Zaï Zaï, Et si l’amour c’était aimer), le Montpelliérain débarque chez Glénat en baptisant leur nouvelle collection humour baptisée très à propos GlénAAARG!
En reprenant le modèle de son précédent opus paru chez 6 pieds sous terre (une planche, une histoire, une chute, un fou rire garanti), Fabcaro continue de disséquer le couple. C’est toujours aussi drôle, et si Fabcaro ne réinvente pas la roue, il parvient toujours à nous surprendre avec ses punchlines qui font mouche.
Moins qu’hier (plus que demain) par Fabcaro, coll. GlénAAARG! aux éd. Glénat, 64 p., environ 13 euros.
Si vous pensez que Trump va mettre le feu à l’Amérique, "DMZ"
DMZ est l’acronyme de "zone démilitarisée" en anglais. On pense aussitôt au 38e parallèle, à la frontière entre les deux Corées. Pas dans l’uchronie signée Brian Wood et Ricardo Buchielli. Ils imaginent un monde où les Etats-Unis sont toujours le gendarme, mais trop accaparés par leurs missions aux quatre coins du monde, ils en ont négligé les milices intérieures qui provoquent une guerre civile. C’est ainsi qu’un front s’ouvre en plein New York. Après des années de guerre, les habitants parviennent à survivre tant bien que mal dans un décor qui fait plutôt penser à Stalingrad en 1942.
C’est là qu’est parachuté Matty Roth, un jeune photographe stagiaire… dont le mentor est abattu en quelques pages. Le jeune homme va devoir s’adapter, et vite, dans cet univers hostile où chaque faux pas peut-être le dernier. Un comic oppressant qui s’étend sur plus de 1000 pages mais où les auteurs réussissent le tour de force de nous tenir en haleine jusqu’à la dernière minute.
DMZ de Brian Wood et Ricardo Buchielli, quatre intégrales de 400 pages disponibles dans la coll. Vertigo aux éd. Urban Comics à 28 euros pièce.
Si vous pensez que "mignoncité" rime avec "été" : "Yotsuba & !"
Yotsuba & !, c’est du choupi en barre, de la naïveté pas niaise et beaucoup de fou rire provoqué par les drôles de réactions de Koiwai Yotsuba, une petite fille aux cheveux verts, qui, du haut de ses 5 ans, découvre le monde à chaque coin de rue. Publié depuis 2006 en France aux éditions Kurokawa, la série compte pour l’instant quatorze tomes au Japon, un dernier tome étant paru récemment après plus de deux ans et demi de pause.
Ultra populaire dans son pays, la série, dont chaque chapitre comporte un thème façon Martine (Yotsuba & la chasse aux cigales, Yotsuba & la piscine, etc.) est une ode à l’innocence et à la spontanéité, quitte à mettre souvent dans l’embarras le père adoptif de Yotsuba ou ses voisins. Un perle de drôlerie et de fraîcheur à plaira aux petits comme aux grands.
Yotsuba & ! par Kiyohiko Azuma, treize tomes en cours aux éd. Kurokawa, environ 224 p., environ 8 euros le tome.
Si vous avez (presque) tué le père : "Jupiter’s Legacy"
On ne présente plus Mark Millar, scénariste star à qui l’on doit, entre autres, Captain America : Civil War ou Kingsman : Services secrets. A l’approche de la cinquantaine, le Britannique se pose vraisemblablement des questions existentielles comme le fait de vieillir, la paternité, l’héritage, le conflit inter-générationnel, etc. et transpose toutes ses interrogations dans une famille de super-héros.
Jupiter’s Legacy est une série bien plus politique qu’on ne le soupçonne au premier abord. C’est brillant, moderne, et on ne serait pas étonné si Hollywood s’en emparait prochainement, histoire de nous sortir des traditionnels blockbusters Marvel vs. DC Comics.
Jupiter’s Legacy par Mark Millar (scénario) et Frank Quietly (dessin), deux tomes en cours aux éd. Panini comics, environ 144 p. et 16 euros le tome.
Si décrocher la lune, ça ne vous fait pas peur : "Le Chant des souliers rouges"
De la même façon qu’Akira, l’héroïne d’Après la pluie renonce après une blessure à l’athlétisme, les héros du Chant des souliers rouges sont tout aussi déprimés lorsqu’ils réalisent qu’ils ne s’épanouissent pas dans leurs activités extra-scolaires, le basket pour le jeune Kimitaka et le flamenco pour la jolie Takara. Au hasard d'une rencontre, les deux jeunes gens échangent leurs chaussures, comme symbole d’un nouveau départ. Totalement ignorant de ce genre musical espagnol, Kimitaka décide alors de devenir danseur de flamenco en arborant fièrement ces souliers rouges, pourtant destinés à être portés par une femme. Un challenge qu'il finit par vivre, comme si sa vie en dépendait.
Oui, une passion, quelle qu’elle soit, peut nous sauver. Et c'est le formidable message d’espoir que ne cesse de nous compter Le Chant des souliers rouges. Car c'est bien le flamenco qui va peu à peu extirper l’adolescent de son profond mal être et lui permettre d’enfin se réaliser et croire en lui. Un manga puissant et tendre, qui ne cesse de nous rappeler à quel point on a besoin les uns des autres. Salvateur et inspirant.
Le Chant des souliers rouges par Mizu Sahara, six tomes au total publiés aux éd. Kazé, environ 192 p., environ 8 euros le tome.