L’histoire est ponctuée de drôles de légendes. On raconte que la défaite française à Waterloo est à mettre au crédit de la violente crise hémorroïdaire qui affaiblissait Napoléon. Laissons les historiens s’entre-déchirer sur ce point très précis et posons-nous une vraie question. Et si l’empereur avait lu Anus Beauté, en aurait-il été autrement ?
Sorti l’an passé au Japon sous le titre Kiss my ass, l’improbable manga rebaptisé pour le marché hexagonal Anus Beauté (éd. Kurokawa) débarque en France. Un manga sans superhéros, où le seul combat livré est la lutte quotidienne d’un adolescent contre ses hémorroïdes. Véritable ouvrage médical ou blague potache, Pop Up’ se casse le cul pour vous en parler.
Oui, c’est drôle et instructif
La scène a de quoi surprendre. A quatre pattes, le jeune Mitsuki Yakushiji, héros malheureux de ce manga insolite, se voit déculotter par Shiori Miura, une camarade de classe soucieuse de photographier l’évolution des douloureuses protubérances. Ici, l’expression populaire "mater son boule" est dénuée de toute drague. Même si son uniforme d'écolière érotise toutes les scènes, la jeune adolescente, qui souhaite devenir proctologue, ne cherche qu'à "mater ses boules".
Complètement impudique, Anus Beauté est également drôle. Reprenant les codes classiques du manga, l'auteur caricature les hémorroïdes de Yakushiji en petit démon qui sort régulièrement et que le héros doit combattre en les confinant dans son anus. Et lorsqu'il découvre pour la première fois le soulagement apporté par des anti-inflammatoires, notre jeune héros se met à sautiller en braillant "Libéréééééé, délivréééééééé !".
Coaché par Miura, notre jeune Padawan apprend au fil des pages que ses toilettes à l’ancienne et ses repas trop épicés ne font qu’aggraver sa maladie. Un peu captain Obvious, mais Anus Beauté ne s’adresse pas non plus aux experts en fistules anales.
Non, c’est trop médical et très malaise
Vrai problème de société au Japon (l’auteur nous rappelle qu’une personne sur trois en souffre), les hémorroïdes seraient donc de véritables monstres, bien plus terrifiants que le Joker ou un autre villain. Alors que Le charme discret de l’intestin continue son OPA sur les ventes de livres sur la santé, Anus Beauté, préfacé par Marina Carrère d'Encausse (Le Magazine de la santé), pourrait bien devenir sa version jeune public. C’est intéressant et bourré de conseils, mais c’est aussi un peu chiant sur la longueur.
Riche en schémas scientifiques nous expliquant avec moult détails comment se forment les hémorroïdes dans le rectum, Anus Beauté n’épargne pas franchement les intestins déjà sensibles. Une lecture entamée de bon matin ou après un déjeuner chargé est à éviter.
Autre point de crispation, hormis des recommandations d’hygiène de vie plutôt basiques, la seule réponse à une crise hémorroïdaire semble être la chirurgie. Un conseil peut-être un peu radical lorsque l’on s’adresse à une population jeune. Espérons que le deuxième et dernier tome, à paraître le 8 septembre, nuancera un peu ce propos trop allopathique.
Anus Beauté de Takeshi Ohmi, disponible aux éditions Kurokawa le 14 avril 2016, 182 p., 8,90 euros.
