Malaise autour du jeu "Rainbow Six Siege" après les attentats de Paris

Mauvais timing. Tom Clancy's Rainbow Six Siege est sorti mardi 1er décembre sur consoles et PC et ce nouvel opus de la franchise d'Ubisoft est plutôt réussi. Nerveux et efficace malgré des graphismes un peu légers, ce jeu de tir à la première personne (FPS) a tout du bon petit blockbuster destiné à remplir la hotte du père Noël.

Le hic, c'est qu'à moins d'être un fan de la série ou de suivre quotidiennement le planning des sorties de jeux vidéo, vous apprenez seulement son arrivée dans les bacs en lisant ces lignes. Rainbow Six Siege ne bénéficie en effet d'aucune campagne publicitaire en France, que ce soit sur le web, à la télé, dans le métro ou dans les journaux. Un peu comme si Marvel décidait de ne pas assurer la promo de Captain America : Civil War. Impensable... Et pourtant totalement compréhensible au vu du contexte qui règne en France depuis les attentats du 13 novembre.

"Nous avons décidé de suspendre toute forme de marketing"

Car le principe de Rainbow Six est de proposer des situations ultra-réalistes dans lesquelles les joueurs incarnent des membres des forces spéciales (GIGN, Swat, Spetsnaz...) qui s'affrontent dans des modes de jeu qui mettent en scène des prises d'otages, par exemple. Rien de bien nouveau en somme dans l'univers des FPS, où ce type d'affrontements existe depuis près de vingt ans avec la saga Counter Strike, mais les récentes attaques meurtrières qui ont ensanglanté la capitale donnent une teinte particulière à ce Rainbow Six.

Si bien qu'Ubisoft a tout simplement décidé de faire l'impasse sur la promotion de son jeu en France alors qu'une campagne de pub était déjà dans les cartons, comme on peut le voir avec ce spot mettant en scène l'acteur britannique Idris Elba.

"Tout ce que je peux dire c'est que l'on a annulé toutes les campagnes marketing et télé en France et que nous ne ferons aucune communication proactive", a expliqué à Pop Up' un porte-parole d'Ubisoft. Une gêne partagée par d'autres éditeurs de FPS comme Bethesda (Fallout 4) ou Activision (Call of Duty : Black Ops III), qui ont eux aussi décidé de faire profil bas après les attentats de Paris, comme le rappelle Le Figaro.

Une action trop contemporaine et réaliste

Mais le cas de Rainbow Six est plus symptomatique de ce malaise chez les créateurs de FPS car si des titres comme Fallout 4, Black Ops III ou même Star Wars : Battlefront appartiennent à la même famille, aucun d'entre eux n'affiche un tel degré de réalisme et n'est aussi contemporain que le titre d'Ubisoft.

D'ailleurs, manette en main, cette sensation de malaise est rapidement palpable. Le jeu est bien fichu et quand on se retrouve arme au poing derrière un coéquipier qui progresse dans un couloir avec un bouclier sous le feu de l'ennemi, l'immersion est totale. On ne peut alors s'empêcher de penser au récit du Monde sur l'intervention du Raid au Bataclan ou à Saint-Denis. Même sensation lorsqu'on tente d'exfiltrer un otage alors que les terroristes font tout pour vous en empêcher.

Heureusement, le titre d'Ubisoft ne permet pas d'incarner directement des terroristes : les parties en multijoueurs opposent toujours des membres des forces spéciales répartis en deux camps (assaillants et défenseurs) qui se disputent un objectif. Et dans le mode "chasse aux terroristes", ces derniers sont toujours incarnés par l'intelligence artificielle.

Quelles conséquences sur les ventes ?

En fait, Rainbow Six Siege est victime de ses qualités. Il retranscrit assez fidèlement ce que peut être un assaut mené par les forces spéciales face à des hommes retranchés dans un bâtiment ou un avion. Et s'il était sorti quelques mois plus tôt, nul doute qu'on aurait pris beaucoup plus de plaisir à enchaîner les parties en ligne. Reste à savoir si les ventes du jeu vont pâtir de cette situation. Les quelques joueurs rencontrés sur le Xbox Live au cours de parties en multijoueurs assuraient dans leur ensemble que les attentats du 13 novembre ne les avaient pas empêchés de jouer à Rainbow Six Siege. Même si certains confiaient tout de même que "ça faisait un peu bizarre lors des premières parties".

En attendant, les ventes de jeux de tir à la première personne ne semblent pas avoir souffert du contexte actuel, si l'on se fie au classement du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, qui sur la semaine 16 au 22 novembre place cinq FPS en tête.