Le 22 Juin dernier, le média en ligne « StreetPress » publiait un article intitulé « Comment un service de police a industrialisé le contrôle au facies ».
Dans cet article, il était fait état des révélations d’un policier faisant partie de l’Unité contre l’Immigration irrégulière, lequel dénonçait les méthodes utilisées par le service dont il fait partie.
Même si cela parait évident, il est bon de rappeler que, précisément, cette unité a la charge de procéder aux interpellations de personnes en situation irrégulière sur le territoire français.
Autre évidence : les policiers qui font partie de cette unité (tout comme les autres, d’ailleurs), n’ont, à aucun moment, la possibilité, le droit, d’avoir un avis quant à la politique d’immigration du gouvernement. Ainsi, les policiers se doivent d’appliquer les textes en vigueur, dans le cadre de leur mission.
Ainsi, eux sont chargés des étrangers en situation irrégulière comme d’autres sont chargés de traiter les accidents de la route, ou d’autres le trafic de stupéfiants. Bref, une spécificité parmi d’autres.
Un sujet bien complexe que l’immigration irrégulière. Comment savoir qu’une personne est en situation irrégulière ? Mission complexe.
Au-delà des enquêtes judiciaire, qui peuvent mettre à jour, par exemple, l’emploi irrégulier de personnes sans papier sur le territoire, c’est bien le contrôle d’identité qui va orienter les policiers.
C’est l’article L611-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile qui codifie cette pratique :- En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21(1°) du code de procédure pénale.
A la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent.
Les contrôles des obligations de détention, de port et de présentation des pièces et documents prévus aux deux premiers alinéas du présent I ne peuvent être effectués que si des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l'intéressé sont de nature à faire apparaître sa qualité d'étranger.
En ce qui concerne le dernier alinéa ci-dessus, il s’agit de ce que l’on nomme communément « les critères d’extranéité ». C’est la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation qui est venue préciser que la constatation de la qualité d’étranger devait se déduire « d’éléments objectifs extérieurs à la personne même de l’intéressé ».
L’objectif est, clairement, d’éviter les contrôles au faciès.
Une circulaire du Ministère cite alors quelques exemples de critères objectifs, tirés de la jurisprudence, au nombre desquels :
- l'apposition d'affiches en langue étrangère
- le fait d'être présent dans une voiture immatriculée à l'étranger
- l'entrée ou la sortie d'une ambassade ou d'un consulat étranger...
Par exemple.
L’article L611-1 cité plus haut explicite également le fait que, lors d’un contrôle d’identité effectué en application de l’article 78-2 du Code de Procédure Pénale, si la personne contrôlée n’est pas de nationalité française, les policiers sont en droit de lui demander son titre de séjour. De fait, la qualité d’étranger en situation irrégulière peut également se constater en l’absence de titre.
Pour autant, il est nécessaire que le contrôle d’identité soit initialement légal.
Plusieurs possibilités de contrôle, en fonction des circonstances. Tout d’abord, dans un certain nombre de situation entourant la commission d’une infraction. Mais également pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » ou encore vis-à-vis d’une personne recherchée ou qui a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle était soumise.
Et puis, il est un autre cas, particulier : lorsque, dans une circonscription de police, l’on constate la commission de délits de façon importante, récurrente, le chef de circonscription peut demander au Procureur de la République un « article 78-2 », c’est-à-dire un document autorisant de procéder aux contrôle de toute personne, dans un certain périmètre, et sur une période de temps donnée ».
Par exemple, les statistiques locales montrent que des vols à la portière (par exemple, un sac volé sur le siège passager d’un véhicule au feu rouge) sont commis de façon régulière à un grand carrefour de la ville, souvent autour de 19h. Le chef de service en fait part au Procureur de la République, lequel délivre alors une autorisation écrite.
C’est une pratique courante, qui a ici un objectif préventif.
Et c’est là, il me semble, que se situe la problématique des contrôles dont il est question dans l’article de Streetpress : le service en question (donc spécifiquement chargé de la lutte contre l’immigration irrégulière) se voit délivrer ces fameux « article 78-2 », du Procureur de la République, lesquels visent explicitement des infractions pénales délictuelles.
En d’autres termes, selon moi, on utilise ici un vecteur judiciaire, que l’on fourni à un service en charge uniquement de la lutte contre l’immigration clandestine, permettant de procéder de façon aléatoire, sans justificatif, à de nombreux contrôles d’identité.
Et il me semble que c’est ici un vrai problème. J’y vois un détournement de procédure.
Et l’article publie un extrait de procès-verbal dans lequel la pratique est explicite.
J’y vois, ici, une pratique directement reliée à ce qu’on appelle la « politique du chiffre », pratique qui n’a, soi-disant, plus aucune réalité, selon différents ministres de l’intérieur passés place Beauvau.
Et de l’autre coté, peut-être, de la part du Parquet, un manque d’attention portée à ces autorisations de contrôle d’identité.
Pour en revenir à l’article de Streetpress, le policier qui a dénoncé ces pratiques reconnait avoir, lui-même, de fait, procéder à des contrôles au faciès, par facilité. Et l’on voit donc, ici, face à quel problème l’on se trouve. Des pratiques que le Président Macron avait lui-même reconnues, lors de son interview auprès du média Brut.
Pour autant, l’article de Streetpress fait un peu comme un « flop », perd de sa crédibilité, puisqu’il veut absolument tourner son regard vers un racisme, lequel est dit « systémique », idée défendue par quelques avocats devenus, avocats d’une cause plus que des dossiers qu’ils défendent. Lesquels, à l’image du procès du journaliste Taha Bouhafs, tentent, par tout moyen, de rajouter à chaque fois quelque ligne à leurs arguments, cherchant à mêler tous les protagonistes pour faire dire à ces affaires ce que finalement, individuellement, elles ne disent pas toutes.
Et c’est ici la limite de ce nouveau journalisme militant. Il a une idée en tête. Ici, celle du racisme. Et lui aussi veut tourner toutes les informations dans ce sens. Alors même que les problématiques sont ailleurs. De fait, cela en décrédibilise le fond, sur lequel il pourrait, pourtant, y avoir à redire. Mais autrement. Mais, il faut le reconnaitre, c’est probablement moins vendeur, moins porteur.
Coté institutionnel, s'il n'y a pas lieu de juger du bien fondé politique, l'on peut, tout de même, s'interroger sur la façon de faire.