Violences à l'encontre les policiers: une réponse politique efficace?

La police nationale a vécue, en quelques semaines, deux drames des plus difficiles, ayant conduit à la perte de deux des siens.

Tout d’abord dans les Yvelines, au travers de ce qui semble être un acte terroriste. Puis à Avignon, au cours d’un contrôle opéré sur un point de deal.

Deux familles qui ne reverront pas un de leur rentrer à la maison.

La "famille" Police, est, elle aussi endeuillée; les policiers se sont réunis, par deux fois, dans chaque service du territoire, dans un moment de recueillement. Ces instants si douloureux, où chacun se retrouve face au drame, face à lui-même, à se dire, au travers de tout ce qui peut passer par la tête, « ça aurait pu être moi », tellement les deux situations dramatiques sont de celles que tout à chacun peut vivre plusieurs fois tout au long de l’année.

Mais tout cela intervient également au cœur d’un phénomène qui voit, chaque soir ou presque, des policiers attaqués par l’usage d’engins d’artifice. Attaques qui mettent en danger les policiers, aussi.

A ce stade, nous ne disposons d’aucune donnée chiffrée qui puisse permettre d’affirmer qu’il y a plus de violence aujourd’hui qu’il y a cinq ans. Pour autant, un magistrat révélait cette semaine, sur une chaine d’information que, de façon empirique, en ayant évoqué la problématique avec un certain nombre de procureurs de la République, ceux-ci estiment à une montée des incidents de violence de 20% environ depuis quelques mois. Une statistique qui relève de l’expérience de chacun, de façon empirique, donc.

L’émotion suscitée, bien évidemment légitime, est des plus fortes au sein de la police nationale, et les syndicats de policiers s’en sont, assez naturellement, emparés. Il est de leur rôle que de se faire la voix de ceux qu'ils représentent.

Le 10 Mai, le 1er Ministre, Jean Castex, annonçait ainsi un certain nombre de mesures : le durcissement des peines, s’agissant des atteintes aux policiers, la suspension automatique du permis de conduire en cas de refus d’obtempérer, et saisie du véhicule, la suppression des rappels à la loi pouvant être ordonnés par l'autorité de poursuite, le parquet..

Voilà donc l’ensemble des mesures qui permettront aux policiers d’être en sécurité dans leur travail quotidien. Parce que, prenons un peu de hauteur, et c’est bien de cela dont il s’agit, non ? C’est bien l’objectif que de faire en sorte que les policiers soient moins agressés, dans le cadre de leurs missions quotidiennes ?

Nous voilà rassurés, le gouvernement a répondu aux attentes.

Enfin presque.

En effet, les syndicats ont appelé à la tenue d’une manifestation citoyenne de soutien aux policiers, le 19 Mai prochain. Et c’est une très bonne chose. Chacun doit pouvoir apporter son soutien aux forces de sécurité du pays, policiers et gendarmes, lesquels, chaque jour, prennent des risques personnels, pour, précisément, protéger les citoyens. Et les policiers ont besoin de sentir que les citoyens respectent cette prise de risque. La reconnaissent.

Mais, cette intersyndicale est allée plus loin puisqu’elle demande au gouvernement de prendre des mesures par lesquelles des peines minimales (également appelées « peines plancher ») soient appliquées, en cas d’agression de policiers. Un retour à ce qu’avait mis en place Nicolas Sarkozy, dans les années 2000, mesures qui ont été abrogées lors du quinquennat suivant, puisqu’il avait été établi qu’elles n’avaient pas d’incidence sur la récidive.

Entendons-nous bien, le fait que les agresseurs de policiers soient condamnés plus durement écartera ces personnes de la société un temps plus long. Soit. Une partie de l’objectif que doit être celui d’une peine est rempli. Mais une partie seulement. On punit; et on écarte de la société. Mais c'est tout. Parce que rien ne fait en sorte, dans ces mesures, à la fois que la personne prenne conscience de ce qu’elle a fait, et rien n’empêche non plus qu’elle récidive.

Mais, selon moi, pire encore : les mesures annoncées ne protègeront pas les policiers. Aussi, la situation restera totalement inchangée. On a pris, ici, des mesures, dans un moment d’émotion (légitime), en urgence, sans même se demander quel sera l’impact réel de ces mesures.

Et puis, des drames, malheureusement, il en surviendra encore. Et alors ? Que fera-t-on ? Que se passera-t-il lorsque les policiers se rendront compte (et ça ira vite) que ces mesures ne fonctionnent pas ? Devra-t-on encore une fois alourdir le catalogue des sanctions ?

Et pour ce qui est de refus d’obtempérer, lesquels sont effectivement un vrai sujet, et qui mettent en danger des policiers et gendarmes chaque jour… est-ce que la suspension automatique du permis et la confiscation du véhicule feront baisser ces chiffres ? J’en doute fortement, mais je peux me tromper, et si c’est le cas, je viendrais m’en excuser sans aucun problème.

Mais que se passera-t-il ? Le permis sera donc suspendu. Et puis ? Croit-on encore que la suspension du permis empêche ceux qui le veulent de conduire ? Une petite partie, oui. Mais regardons les choses en face : il y a, en France, des milliers de personnes qui conduisent chaque jour sans permis. Et donc, pire, plus on aura de personnes sans permis, et plus on verra des gens ne pas vouloir se faire contrôler par la police, et donc faire un refus d’obtempérer. Bref, le serpent qui se mord la queue.

Et puis, autre question, doit-on punir de la même manière celui qui, une fois dans sa vie, va « peter les plombs » pour des raisons qu’il peut expliquer, dans un contexte de sa vie difficile, là où une autre personne, fera la même chose, tout en ayant déjà un certain catalogue de délinquance à son actif ? Parce que l’automaticité des peines, c’est ça, aussi. C’est faire en sorte que les circonstances et la personnalité de celui qui est accusé soient totalement mises de coté.

Que les choses soient bien claires : à aucun moment, je ne cherche à défendre ceux qui s’attaquent aux policiers et gendarmes. Bien mal m’en prendrait.

Par contre, ce qui me préoccupe, c’est la difficulté dans laquelle ils se trouvent. Et le fait de savoir si les mesures prises feront en sorte que ces violences baissent. Et, au-delà de l’effet d’annonce, je n’en suis pas certain.

Parce que la problématique est bien plus large que celle des policiers. Ils ne sont pas les seuls à être attaqués, sur lesquels s’abat cette violences. Dont on ne sait pas encore, à cet instant, si elle est, statistiquement plus importante qu’il y a quelques années.

Parce que ça, c’est aussi un problème. Les outils qui sont en place sont encore si peu précis, qu’il est impossible qu’on ait, tout, de façon simple, une même lecture des éléments statistiques. Chacun peut y aller de son interprétation, et nourrir un débat de façon différente. Là où les chiffres devraient permettre d’être clairs sur un constat pour que, plus tard, la classe politique, dans la diversité qui est la sienne, fasse ses propositions.

Difficile aussi de ne pas se poser la question de savoir si l’année que l’on vient de passer, au cœur d’une crise sanitaire, n’a pas quelque chose à voir dans ce qu’on pense être une montée de la violence ? Tout le monde est extenué, avec cette crise. Confinement, déconfinement, reconfinement partiel, puis total, déconfinement progressif… Depuis plus de 12 mois maintenant, tout le monde est usé, lassé de cette forme de vie, au rythme des statistiques du COVID, des masques, gestes barrières, là où chacun est partiellement empêché de vivre.

Alors, me répondra-t-on probablement : cette montée de la violence a commencé avant le COVID. Peut-être. Mais, et c’est là tout à fait personnel, j’y vois quelques chose de spécifique aux manifestations, un mouvement, là aussi particulier.

De son coté, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, impute la montée de cette violence à la lutte contre les stupéfiants, et notamment le harcèlement quotidien des points de deal. Je ne vais pas lui affirmer le contraire, n’en ayant pas les outils. Pour autant, j’aurais aimé qu’il nous en soit fait la démonstration.

Parce que, soyons honnête, l’annonce qui tend à une analyse globale de mouvements particuliers, aussi rapide, et non explicitée ne m’est pas suffisante. Et je crois que, au contraire, la réalité, comme souvent, est bien plus complexe qu’une analyse des plus simples.

Enfin, je dirais que le gouvernement offre, ici, une réponse « facile », à une situation générale, sociétale, des plus difficiles. Et souvent, pour ne pas dire à chaque fois, la solution à apporter n’est pas si simple, et nécessite de réfléchir un peu plus.

Et puis, je me répète une nouvelle fois, mais ne trouver QUE des solutions d’un durcissement pénal à une problématique sociétale est tout à fait illusoire. Coire que police et justice règleront à elles toutes seules ces problématiques, c’est un peu se mettre le doigt dans l’œil.

A moins qu’il ne s’agisse que de faire croire ?

Parce que, à un an d’échéances électorales, l’important c’est de montrer qu’on agit. L’efficience réelle des mesures passe sur un second plan.

L’approche de cette échéance nous conduit dans un nouveau concours Lépine de celui qui tapera le plus dur. Des annonces de mesures impossible, voir déjà existantes, mais peu importe. Nos politiques veulent juste montrer que eux aussi proposent, comme le RN. Et, mathématiquement, tout le monde ou presque, s’en approche.

Et c’est là ma crainte la plus profonde : je n’ai jamais cru qu’un parti extrémiste puisse arriver à l’Elysée. Jamais. Jusqu’à aujourd’hui. Et toute la classe politique fait ce qu’il faut pour.

En attendant, rendez-vous, tous, le 19 Mai, dans cette manifestation nationale, à la fois en hommage à ceux qui nous ont quitté, mais aussi pour tous ceux qui, chaque jour, sont là, pour aider, tout un chacun, dans la détresse de ce qui peut arriver, parfois au risque de leur propre sécurité.

Soyons unis. Et Solidaires (quand bien même l’on peut ne pas être en accord avec les revendications de l’intersyndicale, je crois que ça n'est pas le sujet).