Un dernier Mô

 

Un dernier Mô

Tout a commencé par des mots. Tes mots, Mô.

Ce blog, sur lequel tu faisais transpirer ce qui faisait ta personnalité. L’humanité de ceux qui traversaient ta vie d’avocat.

C’est un point commun que nous avions, que d’écrire, déposer une partie de notre sac, sur un blog. Même si j’étais loin d’avoir ton talent.

Est arrivé l’oiseau bleu, Twitter. Tu as été un des tout premier que j’ai suivi. Toi l’avocat, moi le flic. Et puis un jour, tu as lancé un pari, avec d’autres de tes confrères. « Une bouteille ». Oh, pas de pari pour moi, mais je suis intervenu dans cette conversation « je ne veux pas parier, mais je veux bien boire un coup ». Du second degré. Mais pas pour toi. Je ne sais plus qui a gagné ce pari, mais il a été tenu. La bouteille (les, devrais-je dire) était au rendez-vous. Et tu as insisté pour que je sois là aussi. C’est à cette occasion qu’est né ce petit groupe d’amis. Que des avocats, et moi, au milieu, le flic. Mais en réalité, ce ne sont que des mecs bien, avec qui j'étais, surtout. Au-delà de leurs jobs. Un groupe d’amis.

De ce jour-là, ont eu lieu un certain nombre de « bonnes bringues », comme tu me l’as écrit en dédicace de ton livre.

Que de fous-rires. Que de vins natures, que tu aimais tant ironiser, en charriant Eric.

Le rire, c’est ce qui te caractérisait, aussi. Les bons mots, les vannes… mais toujours avec beaucoup de bienveillance. Que de souvenirs… La soirée « poubelle », comme tu en riais, lors d’une belle soirée auprès d’Eric. Les restaurants parisiens, desquels, il faut le dire, nous ne sortions pas des plus frais. La surprise que nous t'avions faite, pour tes 50 ans, à Lille... Que de bons moments.

Et puis est arrivé mon projet de livre. Je cherchais une préface originale, comme une forme d’équilibre. Lorsque, timidement, je te l’ai demandé, tu n’as pas hésité un instant. « L’avocat de la défense en dernier ».

« je hais les jugements caricaturaux, je hais les généralités aveugles », as-tu écrit, lors de cette postface, comme tout le respect qui était le tiens pour la profession de policier.

Aussi, tu es de ceux qui m’ont fait grandir, m’écarter de certaines généralités, caricatures, à propos de la profession que tu exerçais, et probablement de façon bien plus générale.

Le jour où j’ai organisé une petite soirée dédicace, tu es venu à Paris. Exprès. Juste la soirée. 2h de train, 2h sur place, et à nouveau 2h de train… C’est aussi ça, un ami… Et j’ai à peine eu le temps de te voir, que tu étais déjà bien… heureux, et que tu as dû repartir… quel rire, encore…

Je te l’avoue, maintenant, tu étais un exemple, pour moi. A tant d’égards. Un grand Homme.

J’ai aussi ce souvenir d’une intervention commune à l’ENM, à Bordeaux. Avant et après l’intervention, toutes et tous venaient t’entourer. Ton charme, ton charisme happaient forcément. J’étais là un peu comme si j’étais celui qui portait tes valises. Cela nous a fait beaucoup rire, depuis. Souviens-toi de ma cravate, que tu m’as tant moquée. C’était avant ma chemise à carreaux…

Allez, merde. C’est bon, reviens. Je vais les porter tes valises, je m’en fous, en vrai. Du moment que je peux passer un peu de temps à tes côtés, à rire aux larmes, boire jusqu’à plus soif, enfin vivre, quoi.

Reviens, promis, on les enverra chier, avec leur COVID, qui fait qu’on ne voit aujourd’hui les potes qu’à l’occasion des mauvaises nouvelles… On va bien trouver un troquet qui a quelques bouteilles… et se la boire, cette coupette (enfin ces).

Non, je sais bien que tu ne reviendras pas…

Je te souhaite d’être en paix, là où tu es. J’ai des grosses pensées pour tes enfants. Ils auront de quoi être fier de leur papa, des valeurs que, je suis sûr, tu leur a inculquées.

Chienne de vie, quand-même. On ne le dira jamais assez, ce sont les meilleurs qui partent en premier. Une fois de plus ça se vérifie. Merde.

Ce soir, je suis effondré. Tu n’es plus là. Je lis tous ces gens qui te connaissaient, et énumèrent leurs anecdotes avec toi, ce que tu leur inspirais. Des centaines de messages. J’alterne les larmes et les rires.

Voilà, c’est mon dernier Mô.

Il y a peu de gens qui font l’unanimité, dans la vie, et c’est bien normal. Mais quelques uns, rares, la touchent presque. Tu faisais partie de ces gens-là.

Au-revoir, Jean-Yves Moyart,

Au revoir, Maitre,

Salut, Maitre Mô,

Adieu, mon Ami.

Je t’aime. Et tu me manques tant. Déjà.