La police au coeur des réseaux sociaux

Aujourd'hui, bien plus qu'il y a quelques années, le débat fait rage, lorsqu'il s'agit de parler "police". Il y a toujours eu les "anti", et les soutiens, chacun ayant son avis sur la question. Mais aujourd'hui, ce débat, ces discussions, se font sur les réseaux sociaux. Qu'il s'agisse de Twitter, ou d'Instagram ou Twitter.

Bien évidemment, les institutions ont, de leur coté, une communication bien rôdée, consistant à « vendre » les services, dans les missions qui sont celles des différents métiers, et surtout ce qu’il peut y avoir d’exceptionnel ; les grosses saisies de stupéfiants, le sauvetage d’une personne en proie à la noyade ou aux flammes… Bref, il faut positiver la "marque".

En porte drapeau, il y a le ministère de l’Intérieur, qui a son image propre, faisant à la fois la communication du ministre, mais aussi des administrations qu'elle dirige, qu'il s'agisse des Préfectures ou des institutions. Puis viennent la police nationale, ainsi que la gendarmerie nationale. Lesquelles déclinent des community manager (CM) au niveau départemental, voir local, pour les grandes agglomérations. De façon générale, l'information que l'on y retrouve est directement tournée vers les administrés, chacun s'abonnant donc au compte de son lieu d'habitation (le plus souvent). Et puis, il est certains comptes qui arrivent à aller un peu au-delà de leur mission locale, jouant, par exemple, avec l’humour, ce qui a pour effet que ces comptes, sont suivis par bien plus de monde que les personnes ayant un intérêt géographique. Certains comptes n'hésitant pas à lancer des défis à d'autres institutions, à l'image des pompiers, policiers ou gendarmes. Défis qui sont le plus souvent sportifs. C'est de bonne guerre.

Viennent ensuite les syndicats de police. Ils étaient auparavant sur Facebook, et sont désormais arrivés sur Twitter. Tous n’ont pas la même « ligne éditoriale », ni le même usage, mais de façon générale, il tendent, surtout, à défendre les policiers. C’est d’ailleurs le rôle d’un syndicat, que de défendre ses adhérents, et la profession. Ils essayent également d'avoir un rôle d'influenceur auprès de la population. Mais selon moi une question demeure: les syndiats sont-il influencés par leurs adhérents, ou est-ce l'inverse? Autrement dit, ont-ils une communication en étant "poussés" par leurs adhérents, ou la direction du syndicat qui a une communication par laquelle ils cherchent à gagner des adhérents?

Quoi qu'il en soit, de l’extérieur, pour les « non policiers », il me semble très difficile de faire une différence de fond quant à leur « ligne », tant ils donnent parfois l’impression de tous se courir après. Ce qui est, à mon sens, piegeux. Mais, après tout, ils sont libres, et n’ont de compte à rendre qu’à leurs adhérents.

Et puis, à coté de cela, il y a les policiers et les gendarmes, dans leurs individualités. Avec toutes les nuances que l’on peut avoir, fonction de leurs parcours, leurs âges.

J’ai la sensation, de façon générale, que les gendarmes sont plus discrets, et peut-être plus tournés vers une approche didactique. Peut-être une forme de reflet de la « vie réelle », puisqu’ils semblent quelque peu moins attaqués que ne peuvent l’être les policiers.

Les policiers, justement, sont chaque jour un peu plus nombreux, ce qui est observé par nombre d’observateurs, dont les journalistes. A la question que me posait l’un d’entre eux, sur le fait de savoir, s’il était normal que les policiers s’expriment, j’avais répondu qu’à mon sens, c’est le fait qu’ils ne s’expriment pas, qui serait anormal. Ils ne sont pas des sous-citoyens, et peuvent tout à fait jouer de leur liberté d’expression. Et de façon tout à fait logique, vis-à-vis de l’institution, et du devoir de réserve, tant que les propos de portent pas atteinte à l’institution, il n’y a pas grand-chose à dire. Même si, je vous l'accorde, il y aurait beaucoup à dire sur cette notion d'atteinte à l'institution. Chacun pouvant la voir à la lumière de son propre prisme. S’agit-il de la critique de l’institution , et/ou d’avoir un comportement agressif, insultant vis-à-vis d’autres personnes ? Quelles sont les limites?

Ce qui est certain, c’est que cela a changé. Et il me semble que le tournant se situe au détour des manifestations hebdomadaires des gilets jaunes.

J’ai souvenir, il y a quelques années (je me rends compte que ça fait vieux con), alors que nous n’étions qu’une poignée de policiers, de l’un d’entre nous, convoqué à l’IGPN parce que son second degré l’était « trop » (il se reconnaîtra). Nous étions dans une période où twitter était encore assez peu connu, où nous étions, pour ceux qui s'étaient annoncé comme étant policiers, surveillés par l'inspection (ce qui en soit n'est finalement pas un mal, puisque ça oblige à réfléchir avant), ce qui n'est aujourd'hui plus possible.

Tant par le nombre de policiers désormais présents, et affichés en tant que tel, mais aussi, parce que l’outil s’est largement démocratisé dans la société. Je crois qu’il ne viendrait à l’esprit de personne, en 2020, de convoquer qui que ce soit pour des faits similaires.

Pour autant, il me semble que la vision de l’iceberg « police » que l’on peut avoir a quelque peu changé. Nous étions, il y a dix ans, une poignée à sortir la tête hors de l'eau, et oser parler de notre métier. Et la plupart du temps avec d'autres professionnels, voir des particuliers qui s’intéressaient à ces métiers, pour tenter de les comprendre, voir même les critiquer, de façon constructive.

Aujourd’hui, ce sont plusieurs dizaines, voir centaines de policiers qui s’expriment. La plupart du temps pour défendre leur métier, ce qui est normal; parfois sans nuance, juste pour défendre, ce qui l'est un peu moins. Et de l'autre coté, les contestataires à toute forme de police, de tous horizons, sans aucun argument constructif, faisant preuve de plus d'idéologie qu'autre chose, juste là pour critiquer. Et, comme dans toute "bonne" discussion, beaucoup de haineux, extrémistes, de droite ou de gauche, qui se mêlent aux discussions, toujours pour cracher la haine, et diviser.

Et la plupart du temps l’on peut assister à une forme de « bataille ». J’en use et – probablement – abuse, mais j’y vois très souvent un « camp » contre un autre. Un territoire qu’il faut conquérir, le net. Une forme de contre-offensive, ou contre-communication, c’est selon.

Il y a quelques mois, au cœur du mouvements « gilets jaunes », l’on voyait beaucoup d’images provenant de ce mouvement, ou d’observateurs, journalistes. Certains d’entre eux me paraissant bien plus acteurs d’une cause que vecteur d’information, mais ça n’est pas le sujet. Aujourd’hui, nombre de vidéos sont relayées par des policiers. Et les discussions des plus dures ne sont pas rares.

Et, à cette occasion, on retrouve fréquemment les mêmes modes de fonctionnement. Un tweet est repris par « un camp » ou un autre. C’est-à-dire, les policiers d’un côté, et les « opposants » de l’autre. Le tweet est critiqué (formule polie) par le "camp" d'en face. Et chacun vient alors y ajouter son « bon mot », pour « soutenir » celui qui a servi d’étendard. Et tout cela à la façon d'un PSG/OM et ses supporters de foot; il n’y a pas de discussion de fond. Et c’est probablement là mon regret. Il ne s’agit plus d’exposer des arguments, échanger (même parfois durement), mais plus d’assener sa façon de voir les choses.

Là où la discussion était la règle, et les échanges vifs, les disputes (voir plus) rares, tout a changé. Les niveaux se sont inversés. Il n’y a plus (ou peu), d’enrichissement, d’avis qui peuvent évoluer, voir changer. Chacun y va de son petit mot. Et derrière, une nuée d’opposants arrive pour contredire; en quelque sorte, un populisme contre un autre. A celui qui arrivera à être soutenu par le plus grand nombre de followers. Et chaque jour qui passe montre les mêmes discussions, les mêmes désaccords. Seules les situations servant d’exemple changent.

Ce qui est criant et me désole, le manque de nuance dans le propos.

Il est malheureusement passé, le temps où l’oiseau bleu était vecteur d’enrichissement. Il devient compliqué de pouvoir trier les vraies discussions de fond, entre personnes qui viennent aussi écouter l’autre, au milieu de cette bataille rangée de gens pleins de certitudes, et parfois agressifs dans leurs propos, des sarcasmes. Certains venant ensuite se plaindre du comportement de l'autre. Alors qu'au final, chacun "utilise" le camp d'en face, trop souvent pour se victimiser, peut-être, parfois, aussi, pour une question de notoriété.

Et pourtant, lorsqu'il s'agit de parler aux personnes individuellement, les choses sont tellement plus posées, réfléchies et discutées.

Sur twitter aussi, l'effet de groupe, ça existe.

Oui, je suis un vieux con. Et alors ?