Honte et dégout

"il sait pas nager... un bicot, comme ça, ça nage pas... t'aurais dû lui accrocher un boulet au pied'. 

Il s'agit-là d'une retranscription partielle de propos vraisemblablement tenus par des policiers, le 26 Mars dernier. A l'origine, un homme qui, fuyant une interpellation de police, se serait jeté à l'eau. Et qui en a été, si j'ai bien compris le contexte, sorti. De lui même? par d'autres personnes? des policiers? Je ne le sais pas, à cet instant.

Au cours de cette vidéo, la bande son laisse supposer que des coups seraient portés à un homme, qui crie. Et d'autres, autour, potentiellement des policiers, rient.

Je ne ferais pas de commentaire sur cette deuxième partie, dans la mesure où, même si l'on devine ce qu'il se passe, il me semble trop hâtif d'en tirer des conclusions.

Pour autant, les propos sont, eux, on ne peut plus clairs. Et à cet instant, j'éprouve un profond dégoût, une honte, que d'exercer la même profession que ceux qui ont proféré ces insanités.

L'on ne peut tout excuser. L'on ne peut tout justifier. L'on ne DOIT pas accepter cela.

Ces comportements, en plus d'être pénalement répréhensibles, portent atteinte à l'honneur de toute une profession. De tant d'hommes et de femmes qui, depuis plusieurs années, donnent d'elles-même, aux devant des multiples turpitudes traversant le pays. De tous ceux qui, chaque jour, se donnent du mal, risquent aujourd'hui leur santé, et celle de leurs proches, pour faire respecter ce confinement qui nous pèse, à tous, ce confinement pourtant si nécessaire.

J’aurais aimé entendre les syndicats de police se dresser contre ces propos. J'aurais aimé les entendre condamner cela, évidemment sous la réserve que tout cela soit avéré, par le biais des enquêtes qui devront être menées par les autorités administratives et judiciaires compétentes.

Malheureusement, la seule chose à laquelle j'assiste, à l'instant où j'écris ces lignes, ce sont les gémissements d'un syndicat qui préfère dénoncer certains hommes politiques ayant pris le parti de réagir, devant ces propos inqualifiables.

N'est-ce pas non plus le rôle des syndicats, que de guider leurs "troupes", mais aussi les prévenir de leurs propres dérives ? N'est-il pas compatible, à la fois de se battre pour les policiers, dans leur intérêt, mais aussi d'en dénoncer les abus? Parce que oui, c'est aussi dans leur intérêt. En plus de celui de la Nation.

Que l'on ne se méprenne pas; je n'ai aucune appétence pour ceux, qu'ils soient pseudo journalistes, hommes politiques, ou toutes personnes qui se prévalent de choses qu'elles ne sont pas, nourries par la haine, qui, toute l'année, jouent avec le feu, en usant, jour après jour, de provocations, ne servant que leurs propres intérêts, qu'ils soient politiques ou médiatiques, ne risquant qu'une chose, déstabiliser le pays, coûte que coûte.

Pour autant, ne peut-on pas, aussi bien dénoncer ces idiots utiles, amuseurs publiques, pompiers pyromanes, mais aussi, dans le même temps, dénoncer ceux qui, au sein de nos institutions, nuisent au travail du plus grand nombre, ceux qui, par des comportements particulièrement abjectes, démontrent qu'ils n'ont pas compris le sens de leur métier, et de leurs devoirs?

C'est ma conviction. Ni un extrême, ni l'autre.

Cela n'est plus à démontrer ; cela fonctionne depuis longtemps de la sorte. La haine appelle la haine. C'est ainsi. Faisons en sorte qu'elle ne gangrène pas cette profession de "GARDIEN DE LA PAIX".

Nous ne sommes pas un "camp". La police, comme la justice, ainsi que les autres institutions, se doivent de servir le pays, tout entier, sans distinctions. Quelles qu'elles soient.

En attendant, je ne suis pas juge, et n'ai aucune autorité administrative. Je laisse donc le soin à ceux qui détiennent ces "pouvoirs", de procéder aux enquêtes adéquates, et de prendre les décisions qui s'imposent, en fonction des éléments qu'ils auront recueillis.

En espérant également que le grand public soit informé des suites. En temps et en heure.

J'en profite pour aborder un point qui me semble fondamental. Je lis, trop souvent, et là encore, parfois de syndicats de police, des exemples qui sont cités, où l'on semble mettre sur le même pied d'égalité des violences illégitimes commises par des policiers, et des violences dont ils sont victimes. Il n'y a, à mon sens, pas lieu de mettre sur le même plan, ces deux notions. Comment peut-on mettre sur un pied d'égalité le "milieu délinquant" et la police? Il n'y a aucune comparaison entre les deux. Et la police, les policiers (et c'est bien sur pareil pour la Gendarmerie ou les polices municipales) se doivent d'être exemplaires. Parce que ces institutions sont dépositaires d'une force légitime, dans une forme de délégation de l'Etat, il est absolument nécessaire que les débordements soient également sanctionnés. Avec toute la précaution qu'il faut prendre quant aux circonstances, difficultés rencontrées; et c'est là le rôle qu'ont les enquêtes administratives et judiciaires, chacune pour ce qui les concerne. Les manquements à la déontologie, ou la commission d'infractions pénales. L'on n'a pas à attendre des délinquants ce que l'on est en droit d'attendre de l'institution. J'ajoute, et c'est fondamental, que nous ne sommes pas, nous, policiers, une bande contre une autre. Je me répète, mais contrairement aux propos tenus par un Préfet, nous ne sommes pas "un camp" contre un autre. Nous représentons l'Etat, pour faire appliquer les lois et règlements. C'est absolument fondamental. Mettre sur un pied d'égalité délinquants et policiers n'est certainement pas rendre service à notre institution, ni la défendre. Bien au contraire. Y compris pour les syndicats de police. Là aussi, l'on doit pouvoir se positionner en dénonçant les violences commises sur les policiers. Mais aussi dénoncer lorsque ceux-ci commettent des actes outrepassant leurs droits.

Pourtant, ce soir, j'ai mal à ma boite. D'autant plus que, si j'en crois l'article de presse cité plus haut, ces policiers appartiendraient au Commissariat de Police d'Asnières sur Seine. Circonscription de police dans laquelle j'ai commencé ma carrière de policier voilà plus de vingt ans.