Les attentats.
Les grands événements sportifs (euro de foot) et G7.
Les manifestations sur la loi travail.
Le mouvement des gilets jaunes.
La réforme des retraites.
Et aujourd'hui, voilà que c'est la crise sanitaire mondiale qui vient s'ajouter à cette - trop - longue liste d’événements auxquels les policiers doivent faire face, depuis 5 ans.
Tout cela s'ajoute, bien évidemment, à ce qu'ils font au quotidien, aux appels "police-secours", aux événements habituels, bien plus classiques, au travail d'investigation, de renseignement...
Cette fois-ci, ce sont nos soignants, qui sont au première ligne, de l'épidémie. Dans ce qui fait leur fonction, soigner les malades, sauver des vies.
Pour autant, une fois encore, les policiers vont être mis à contribution, dans un rôle différent, à compter de ce jour. Celui de faire respecter un confinement. Si la grande majorité des français et résidents français ont compris, il en reste, ci et là, qui ne veulent pas comprendre, ou font mine de ne pas comprendre.
Il semblerait que la stratégie se fasse en deux temps. D'abord, de la pédagogie. J'en profite donc pour m'y associer. Que chacun reste chez lui. Ne sortez que pour ce qui est absolument nécessaire. Votre travail, si vous n'avez d'autre choix, faire une activité sportive EN SOLO, aller chez le médecin, faire quelques courses. Tout le reste est à proscrire. Il en va de votre sécurité, mais aussi de celle de tous ceux avec qui vous rentreriez en contact.
Et puis, si cela ne devait pas être compris, il sera question d'une contravention de 135€, depuis la publication du Décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d'une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population.
Et puis, s'il est nécessaire de le préciser, à ceux qui feraient de fausses attestations, ou en feraient un usage inexact, il vous en coûterait un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, en application de l'article 441-7 du Code Pénal.
Je me permet d'ailleurs de noter que, comme de nombreux soignants, les policiers n'ont, trop souvent, aucun équipement, pas de masque. Et cela sans compter certains directeurs (difficile de connaitre le niveau de décision) qui ont ordonné à leurs effectifs de ne pas porter de masque. J'ose espérer qu'un jour on demande à ces personnes de rendre des comptes.
Cette crise met le doigt sur quelque chose qui est su de tous les professionnels depuis des années. Mais cette fois-ci, le politique, qui botte en touche depuis trop longtemps, y est confronté en direct. Il doit faire. Et avec peu. Prendre des décisions directement en fonction des manques dans les services. Et cela, il n'avait pas trop eu l'habitude de le faire jusqu'ici.
Certaines administrations sont au bord de la rupture. Et il n'est pas question de la simple rémunération des fonctionnaires, même si j'ai envie d'avoir une pensée pour les infirmières, dans le domaine de la santé, ou des personnels de greffe, du ministère de la justice.
Non, le plus souvent, ce sont les moyens qui leurs sont donnés pour travailler. Au premier rang, le système de santé. Les soignants. Les fermetures de lits subies depuis des années, le manque de matériel. L'on a d'ailleurs eu l'occasion d'entendre, depuis des semaines, des mois, les urgentistes, appeler au secours. C'est un comble, n'est-ce pas. Et pourtant, qui les a entendu? Il ne s'agit pas de jeter la pierre à ce gouvernement. En tous les cas, pas uniquement à lui, puisque jusque là, il n'a finalement pas fait mieux que ses prédécesseurs.
Cela fait au moins dix ans que l'on veut gérer les hôpitaux, ainsi que les autres administrations, comme des entreprises, pour faire de la rentabilité, en faisant la course aux réductions d'impôt. Parce que oui, ne nous leurrons pas. Nous avons aussi, nous tous, notre responsabilité. Tous, nous demandons, partout, des réductions d'impôts. Voilà où cela nous conduit. Alors, vous me répondrez, et partiellement à juste titre, qu'il s'agit aussi de mieux gérer cet argent des impôts. Oui, mille fois. Mais nous sommes dans un pays paradoxal. Nous voulons un système de soins pris en charge par l'assurance maladie, une prise en charge sociale partout où les besoins s'en font sentir, une justice qui fonctionne, des poliiers en nombre... Bref, nous voulons tout un tas de choses. Mais, surtout ne pas payer pour cela. Il va falloir prendre conscience que cela n'est pas possible. Et faire des choix.
Il y aura, et le Président de la République en a déjà parlé dans son discours du 12 Mars, un "avant et un après COVID 19". Espérons, tous, qu'il ne s'agira pas là, uniquement de mots, mais que tout cela sera suivi d'effet.
La justice a besoin de budgets, et pas uniquement dans les prisons, mais pour avoir plus de professionnels, de magistrats, de greffiers, de SPIP. Et plus de moyens, aussi (peut-être surtout) pour développer les peines alternatives à la prison.
La police a besoin de plus d'effectifs. Et là, nous sommes aux devants de plein de paradoxes.
Le niveau du concours est, en ce moment, assez faible. Et pourtant, nous avons besoin de sang frais, d'effectifs, dans les services. Comment faire, donc, pour recruter plus et mieux? Complexe.
Il faut aussi que ces futurs policiers soient mieux formés. Ici, l'on peut se poser la question des futures scolarités de policiers, qui ont été raccourcies, de sorte à ce que le dernier "stage" de formation se déroule déjà dans les services d'affectation. Difficile, à ce jour, d'avoir confirmation du contenu des futures formations. Pour autant, on peut se dire, mathématiquement, qu'en formant moins longtemps, on ne formera pas mieux.
Le calcul qui est fait à ce jour est juste comptable. Là où une école de police pouvait incorporer deux promotions d'élève, elle pourra en incorporer une troisième. Il s'agit donc de former à la chaîne. Et pour cause, beaucoup de centres de formation de la police ont fermé, il y a quelques années. De fait, les structures qui restent n'arrivent pas à suivre.
Les voilà, les paradoxes. On a besoin de plus, et de mieux. Mais on n'a ni le temps, ni, encore une fois, les moyens...
Je sais que je me répète, j'en ai conscience. Mais il va falloir que quelqu'un ai ce courage politique, que d'envisager un grenelle de la sécurité. De prendre le temps de réfléchir, consulter, dans et hors la police. Parce que ces réflexions ne peuvent et ne doivent pas se faire en mode "fermé". Quelle police veut-on? Pour quelles missions? Avec quels moyens?
Et ensuite, il va falloir prendre des décisions dont on ne pourra pas mesurer l'efficacité avant plusieurs années. C'est à dire au-delà du temps politique d'un quinquennat.
Alors certes, il y a encore quelques jours, on parlait du "livre blanc de la sécurité". On peut se poser la question de savoir s'il est toujours d'actualité. La manière dont il a été conçu. Avec quels objectifs? Probablement qu'il n'a pas pris en considération le cas typique de ce genre de crise. Peut-être est-il l'occasion de voir plus loin?
Il y aura, à n'en pas douter, un avant et un après, je l'ai déjà dit. Il faudra, une fois la crise terminée, plancher sur le fonctionnement de nos administrations. Avec honnêteté. Faire le point sur ce qui a fonctionné, et ce qui n'a pas fonctionné, ou mal. Il ne s'agira pas forcément de pointer des personnes. Mais des fonctionnements. Y compris jusqu'à la classe politique.
Mais qui aura le courage?
En attendant, en un mot comme en trois: RESTEZ CHEZ VOUS