Je l'ai croisée la première fois sur les réseaux sociaux, en comprenant rapidement qu'elle était "de la maison" (comprendre, "de la police"). Son pseudo : @MadamePimpon ( probablement mon coté enquêteur m'a-t-il aidé lol). En discutant avec elle, je me suis dit qu'il serait original d'avoir la vision d'un élève en cours de scolarité. Ses impressions. Au début de la scolarité. Et tout au long, jusqu'à sa première affectation. Le temps d'obtenir les autorisations administratives nécessaires, et là voilà. Je lui laisse la plume, pour ce premier épisode. J'espère que nous pourrons faire un point régulier sur la scolarité, son suivi...
D'avance, je remercie la DRCFPN (la Direction de la formation de la Police), l'Ecole Nationale de Police de Sens, ainsi que le SICOP, qui ont tous joué le jeu. Et, je le précise, sans aucune modification apportée au texte original. C'est important.
Mais surtout, je la remercie elle. C'est un exercice pas évident du tout, que d'écrire ses impressions sur un blog, de se livrer à la lecture (et parfois au jugement) d'autrui, et c'est très courageux.
La plume est à @MadamePimpon:
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Janvier 2019, cela fait désormais quatre mois que j’ai débuté ma formation à l’école de Police de Sens. Formation prévue pour une durée de douze mois au terme desquels j’en ressortirai Gardien de la Paix (stagiaire certes, mais Gardien de la Paix). Cela signifie tellement pour moi... Petit retour en arrière sur comment je suis arrivée jusque là.
Les métiers « d’action » m’ont toujours intriguée; l’absence de routine, l’imprévu, l’adrénaline, sont, en quelque sorte pour moi l’assurance de vivre un nouveau métier tous les jours. Sans que je ne sache trop pourquoi, je suis également très touchée par les atteintes physiques aux personnes; agressions, viols, meurtres; et elles sont nombreuses. L’actualité médiatique relative à ces faits me met toujours hors de moi et le travail d’enquête effectué pour parvenir à retrouver l’auteur des faits, en partant parfois de rien, ne cesse de me fasciner.
La première fois que j’ai voulu m’engager dans la Police, c’était en 2014-2015, juste avant les attentats. A l’époque, les aléas de la vie ont fait que je ne pouvais envisager de partir un an en école de Police, en internat, loin de chez moi. Tant pis, ce n’était que partie remise. Alors en 2017, lorsque l’occasion s’est représentée je ne l’ai pas laissée filer et je me suis inscrite en tant qu’externe au concours "Gardien de la Paix". Je me souviens pourtant avoir été à 2 doigts d’y renoncer, tant je ne me sentais pas vraiment à la hauteur; je ne savais pas par quel bout commencer. « C’est à ta portée, tu as largement les capacités pour réussir » me disait une proche déjà dans la police. Mon entourage me soutenait et m’encourageait. Je me rends compte aujourd’hui de la chance que j’avais et que j’ai toujours; j’ai en tête certains exemples de personnes pour lesquelles la famille aurait coupé les vivres à l’annonce d’un engagement dans la Police.*
Première étape: sortir du lot, le concours
Nous sommes en juillet 2017, l’écrit, qui constitue la première épreuve du concours, est prévu dans 3 mois, pour le 14 septembre 2017. Fondamentaux scolaires, culture générale, commentaire composé et tests psychotechniques sont au programme. J’ai la chance d’être à mon compte et de travailler à domicile à cette époque, j’ai donc la possibilité de gérer mon temps de révision comme bon me semble. Pour autant, j’alterne les phases de motivation et de doutes. Je me sens parfois dépassée, les 12 années passées dans la vie active me rappellent que le bac et le temps des épreuves est bien loin... Le jour J arrive. Je décide de prendre une chambre d’hôtel près du lieu où se déroulent les épreuves écrites, à Rungis. En bonne superstitieuse que je suis, j’écoute toujours l’intégrale de QUEEN sur la route avant une échéance importante. On est beaucoup de candidats, l’épreuve se déroule sur toute une journée. J’en ressors plutôt satisfaite.
L’écrit est passé. En attendant les résultats, je commence à me préparer à la seconde épreuve, le sport. Au menu : test de Luc Léger , (du même nom que son créateur) qui est un test physique permettant de calculer la vitesse maximale aérobie et la consommation maximale d’oxygène d’une personne, ainsi qu’un parcours d’habilité motrice composé d’une dizaine d’ateliers à passer le plus vite possible. Pour une non-sportive comme moi, ça promet... J’ai la chance de pouvoir bénéficier de conseils très utiles d'un policier en charge de la préparation des Adjoints de Sécurité au concours Gardien de la Paix. Exercice en fractionné, renforcement musculaire, course à pied, je suis de très près le programme qu’on m’a donné.
Les résultats de l’écrit tombent entre temps; bonne nouvelle, je suis pré-admise. C’est le gros soulagement. Mais alors que je poursuis mon entrainement pour le sport, et à tout juste quinze jours de l’épreuve, c’est le drame : je me blesse à la piscine en plongeant. Cervicales bloquées, douleurs dorsales intenses, je ne peux même plus bouger la nuque ni fermer l’oeil de la nuit tellement j’ai mal. L’IRM confirme une entorse des cervicales. Certains diront que je somatise...Toujours est-il qu’à deux jours de l’épreuve, mon dos se débloque. Avec mon intégrale de QUEEN dans les oreilles, je me rends à l’épreuve sportive. Cette fois, pas de suspense lié à l’attente des résultats puisque le barème nous permet immédiatement de voir si oui ou non nous partons pour la dernière épreuve et pas des moindres, l’entretien avec le jury. Ce sera mon cas.
Mon oral est prévu pour février 2018, au moment ou la France entière est bloquée sous 20 cm de neige, comme si ma jauge de stress n’était pas déjà à son paroxysme. Prudence est mère de sûreté, je prends donc à nouveau une chambre d’hôtel la veille à proximité du lieu de l’épreuve. Inutile de préciser que je me rends sur place toujours avec la voix de Freddy Mercury dans les oreilles...
Une fois l’oral de langue et l’épreuve de questions-réponses interactives passées, je passe donc le fameux entretien. Je commence par me présenter au jury. Qui suis-je, quel est mon parcours personnel, mon parcours professionnel, quelles sont les raisons qui m’ont encouragées à m’engager dans la Police. Puis on passe aux mises en situation avec des cas concrets. On me demande sur quelle intervention je me rendrais en premier si j’étais appelée pour une découverte cadavre, une violence conjugale et un braquage en cours dans une banque. Ou encore comment je réagirais face à un chien d’attaque m’empêchant de pénétrer dans un appartement où une femme en danger appelle au secours. Bien sûr je n’ai jamais été confrontée à ce genre de situation auparavant. Sans forcément chercher à donner la bonne réponse, j’essaye simplement de fournir une réponse logique, qui a du sens pour moi. Le jury ne me contredit pas, l’entretien se passe plutôt bien... de mon point de vue en tout cas, je ne suis pas particulièrement stressée. J’avais même plutôt hâte d’y être, à dire vrai. Malgré cela j’en ressors totalement dubitative. Impossible de savoir ce que les membres du jury ont pensé de moi, fidèle à ce qu’on attend d’eux, ils ne laissent absolument rien transparaître. L’attente jusqu’au 30 mars, jour des résultats, est IN-TER-MI-NABLE. Je n’en dors pas la nuit, et lorsque j’y arrive, je rêve tantôt que je ne suis pas admise, tantôt que je le suis.
Six mois viennent de s’écouler entre le premier jour de l’épreuve, et le jour des résultats définitifs. Je me connecte pas loin d’une trentaine de fois depuis 9h du matin sur le site de la Police Nationale en espérant que la liste ait été publiée entre temps. La liste sort enfin. J’essaye de trouver mon nom de famille mais avec le stress je ne parviens même plus à chercher par ordre alphabétique. Je ne le vois pas apparaître. Je pars en tachycardie, lorsque enfin je tombe dessus : nom de famille, prénom, ville, tout correspond. Je suis dans le premier tiers des 1084 reçus. Une fois la visite médicale et l’enquête de moralité passées, je reçois ma convocation en école de Police. Ce sera l’école de Sens pour moi.
L'entrée en école de Police: le début d'une carrière
Nous sommes le 17 septembre 2018, quasiment 1 an jour pour jour après avoir passé la première épreuve du concours et je fais ma rentrée. Arrivée à l’école la veille, je m’installe dans ma chambre et je commence à ranger mes (nombreuses) affaires. Je découvre qu’on sera 6 filles dans la chambre, pour 2 douches dans la salle de bain. Il faudra donc bien communiquer. La première semaine est consacrée principalement aux formalités, présentation de la scolarité et de l’équipe pédagogique, démarches administratives, visite de l’école.
Très vite on enchaîne avec le programme. Tout commence par l’apprentissage des fondamentaux, c’est en quelque sorte la partie « théorique » de la formation. Les Services et Directions de la Police Nationale, le fonctionnement d’une Circonscription de Sécurité Publique, le code de déontologie, la procédure pénale et bien d’autres choses. En parallèle, on débute également les cours d’armement, la pratiques avec les premières manipulations du SIG SAUER SP 2022, l’arme en dotation individuelle dans la Police), les techniques et sécurité d’intervention, l’initiation à la Nouvelle Main Courante Informatisée (logiciel permettant entre autre de traiter les déclarations des usagers ou encore de gérer les évènements traités par les services de Police).
Ca va vite, très vite, peut être trop vite. Je me sens dépassée au bout du premier mois de cours. Tout est nouveau pour moi, je découvre la Police Nationale; à coté de moi, les deux tiers de ma classe sont d’anciens adjoints de sécurité, déjà rompus à tout cela. Ils ont déjà abordé certaines notions lors de leur scolarité d’adjoint de sécurité. De mon coté, j’ai encore tout a intégrer.
Octobre 2018, le niveau fini par s’équilibrer, les notions abordées en cours sont inédites pour tout le monde et je trouve enfin mon rythme de travail. Je me lève le matin à cinq heures, pour bosser pendant un peu plus d'une heure, et je reste parfois en salle de cours en fin de journée. Les deux heures de révisions quotidiennes me permettent d’assimiler les nombreuses notions à connaitre. L’école de Police de Sens est comme je l’avais imaginée. C’est une école à taille humaine. L’équipe pédagogique est bonne, il y’a un véritable suivi des élèves. Le fait que nous ne soyons que 120 élèves sur la 250ème promotion y joue également; on est bien loin des 500 élèves de l’école de Nimes...
Mais c’est à double tranchant également: on se connait tous de vue à défaut de connaitre les prénoms de chacun. La moindre boulette fait le tour de l’école en quelques heures. « Radio Police » fonctionne assez bien... Fin novembre, le contrôle des Fondamentaux commun à toutes les écoles arrive à grand pas. On vient de passer le contrôle blanc, je m’en sors avec un 90/100, le travail quotidien et le boulot du weekend portent enfin leurs fruits. Les premières tensions au sein de la section se font aussi ressentir, les masques tombent petit à petit, les personnalités se révèlent de plus en plus. La vie en communauté commence à atteindre ses limites et le manque d’intimité se fait ressentir. Malgré cela on s’efforce de resserrer les liens en organisant plusieurs fois par mois des restaurants, des bowlings, des laser game. Le groupe reste soudé, cela fait plaisir à voir.
Dernier vendredi avant Noël, toute l’école s’apprête à profiter des 15 jours de congés que le planning nous offre. C’est sans doute la dernière fois que j’aurai le combo Noël / Jour de l’an, alors j’en profite. Les vacances arrivent à point nommé, il était grand temps de faire un break. Nous reprenons les cours le 7 janvier 2019. La rentrée s’annonce chargée avec pas mal d’échéances à venir d’ici février : habilitation au SIG SAUER, "Contrôle National 1" blanc, contrôle nationale d’armement. Les vacances ont été bénéfiques mais il faut vite se remettre dans le bain. Entre temps les résultats du contrôle des Fondamentaux tombent, j’obtiens un 86/100. Etant très exigeante avec moi même je suis forcément déçue, ayant une note inférieure au devoir blanc. Mais je relativise; après tout, la scolarité est sur 1500 points, et la route est encore longue...