Faites place à Jean-Luc 1er

C'est ainsi qu'il faut désormais appeler Jean-Luc Mélenchon, nouveau monarque de la République, cinquième du nom, ne lui en déplaise.

Mardi 16 Octobre 2018, dès potron-minet, les policiers de l'OCLCIFF (Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales), accompagnés d'un magistrat du parquet de Paris, se présentent au domicile de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que dans les locaux de son parti, aux fins d'y mener des perquisitions.

Vous me trouvez une drôle de tête, c’est parce que je fais l’objet d’une perquisition depuis 7 heures du matin chez moi, ainsi qu’au siège du Parti de gauche ainsi qu’au siège de LFI... Toute ma maison est remplie de gens : s’il vous plaît, dites partout que ceci est un acte politique, une agression politique ... Vous voyez, je ne me soustrais pas à la loi, elle s’applique. Les gens fouillent chez moi et je ne dis rien. Il ne me reste qu’une chose : ma dignité de parlementaire et d’homme politique. Et maintenant je me défends avec la seule chose que je peux faire : protester. »

Voilà donc Jean-Luc Mélenchon qui filme la perquisition faite chez lui, avec ses commentaires sarcastiques qui, déjà, en disent bien long sur l'image qu'il a de la police, et de la justice.

Mais jusque là, disons que ce n'est pas étonnant, juste à l'image de l'homme que l'on connaît, ses extravagances. Soit.

Et pourtant, il ne s'arrêtera pas là. Une fois la perquisition de son domicile terminée, il se rendra au siège de son parti, La France Insoumise, où, là aussi, une perquisition est en cours. Plus que des mots, les images parlent d'elles-même:

L'après-midi, lors des questions au gouvernement, le sieur Mélenchon 1er s'en prendra naturellement au gouvernement. C'est de la politique, son petit jeu...

Et plus tard, c'est donc le magasine télé "Quotidien" qui nous apprendra qu'en fait, la perquisition n'a pas été menée à son terme, sous la pression des personnes présentes, dont les cadres, Jean-Luc Mélenchon, et Alexis Corbière.

LE DROIT

Rapidement, un point sur le droit. Et je vais reprendre ce qu'a dit un utilisateur de twitter"@bordelaw" dans un thread que vous pouvez retrouver ici; par facilité de lecture, je vais juste le recopier, j'espère qu'il me pardonnera.

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"Ce fil a pour objet de faire la lumière sur quelques principes de procédure pénale et de prouver que, non, il n'y a pas de complot politique du pouvoir en place contre le leader de la @FranceInsoumise
Bref rappel des faits : Jean-Luc Mélenchon fait l'objet de 2 enquêtes préliminaires ouvertes à son encontre. L'une concerne des soupçons portant sur "une éventuelle violation des prescriptions du code électoral relatives au financement des campagnes électorales".
L'autre enquête préliminaire concerne quant à elle des soupçons d'emplois fictifs portant sur certains attachés parlementaires européens du groupe de M. Mélenchon au Parlement européen.

Je ne suis pas parvenu à trouver la qualification exacte des faits reprochés à M. Mélenchon et c'est normal puisqu'une enquête de police judiciaire n'a pas vocation à être étalée sur la place publique. C'est le principe même d'une enquête.
Je tiens à rappeler dès maintenant que M. Mélenchon bénéficie de la présomption d'innocence et que ces mesures ne veulent en aucun cas dire qu'il est coupable de quoi que ce soit. Pour autant, son statut de député n'interdit nullement qu'une enquête soit diligentée contre lui.

L'immunité parlementaire n'interdit pas non plus que des perquisitions soient effectuées à son domicile (lire cette fiche :  et il n'existe pas de régime particulier de protection des parlementaires concernant les perquisitions effectuées à leur domicile.
Donc M. Mélenchon peut brandir son écharpe de député de la Nation, cela ne changera strictement rien en l'espèce. Bref, passons!

Le régime juridique de l'enquête préliminaire est fixé aux articles 75 et suivants du code de procédure pénale (CPP). Il ressort de cet article 75 que l'enquête préliminaire est conduite par des OPJ sous le contrôle du Procureur de la République.
Il faut savoir que les actes menés dans le cadre d'une enquête préliminaire doivent recueillir le consentement de la personne visée par ces mesures. C'est le principe même de l'enquête préliminaire. C'est d'ailleurs ce que rappelle l'article 76 du CPP en matière de perquisitions.

Pour autant, ce même article 76 nous dit que "si les nécessités de l'enquête relative (...) à un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à 5 ans l'exigent" la perquisition peut être effectuée sans l'assentiment de la personne visée par la mesure.

Pour ce faire, le Procureur de la République doit obtenir une autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD). Cette décision du JLD est écrite et MOTIVÉE. Contrairement au Procureur, le JLD est un magistrat indépendant qui ne tient d'ordre d'aucune hiérarchie.

En l'absence de qualification exacte des faits reprochés à M. Mélenchon, impossible de savoir si nous sommes dans le cas d'une perquisition consentie ou dans le cadre d'une perquisition autorisée par le JLD.

Pour autant il est possible de tirer 2 enseignements :
1/ M. Mélenchon a librement consenti à cette perquisition et dans ce cas sa stratégie de communication est complètement ahurissante ;
2/ Le JLD est passé outre le consentement de M. Mélenchon et a autorisé la perquisition.
Dans ce 2ème cas, les accusations de manipulation politique du pouvoir en place sont totalement infondées puisque la décision vient d'un juge impartial, indépendant, dont la fonction est de garantir les libertés individuelles et qui ne tire aucune instruction d'aucune hiérarchie".

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De mon point de vue, j'ajouterais une seule chose que l'on peut mettre, dans une certaine mesure, au crédit des élus de La France Insoumise (je passe les "mandats de perquisition", et autres joyeusetés). Ne vous emballez pas, j'ai bien dit "en partie". Je m'explique:

La pratique fait que, parfois, l'on oublie les textes tels qu'ils sont réellement. En effet, les perquisitions sont prévues par l'article 57 du Code de Procédure Pénale. Pour ce qui est de la flagrance. Et l'article 66 du même code dit que le procès-verbal, en l’espèce de perquisition, doit être rédigé sur le champ. Et, très clairement, c'est quelque chose qui ne se fait pas, ou très rarement. En effet, il est considéré que moins on passe de temps sur les lieux, et mieux c'est; question de sécurité.  Et on le voit bien sur les images. C'est aussi une question de matériel informatique, pas nécessairement à jour pour cela. Donc, sur place, les scellés sont faits. Et le procès-verbal en lui-même est rédigé au service. Il est alors présenté à la lecture de ceux qui ont participé à la perquisition, qui le signent, ou non. Il est à noter que, dans 99.9% des cas, cela ne pose aucune difficulté, il n'y a pas de litige quant à la perquisition.

Donc oui, selon le Code de Procédure Pénale, le PV devrait être fait sur place, et signé des parties présentes. Mais non, il n'y a pas, vis à vis de M Mélenchon et autres "camarades" de procédure particulière. En tout état de cause, si problème juridique il y a, il incombera à ses avocats de les soulever de façon légale devant les juridictions compétentes (celles qui ne sont pas à la botte du pouvoir, bien entendu).

LA MANOEUVRE POLITIQUE

Une fois l'argument de droit balayé, revenons-en à M Mélenchon; Nul  ne peut douter que l'homme connaît parfaitement le droit, et qu'il sait très bien ce qu'il dit. Et surtout qu'il énonce des énormités et des mensonges. Je passe le coté "la République c'est moi" ou "ma personne est sacrée", cela n'ayant  pour seul effet que de nous montrer l'ego totalement démesuré, hors sol, et l'estime de lui-même qu'a cet individu. Mais surtout qu'il se sent au dessus des lois.

De façon très claire, dans le cadre d'une perquisition "classique" comme il y en a tous les jours, d'aucun auraient fait la moitié de ce qu'il s'est permis, tous auraient fait l'objet de garde à vue. La seule volonté de Jean-Luc Mélenchon a été de provoquer, en espérant qu'à un moment donné, quelqu'un lève la main sur lui. En cela, je tire un coup de chapeau aux collègues présents, qui ont su se tenir comme il se doit.

Néanmoins j'apporterai tout de même quelque critique. La première réside dans le fait que la perquisition ne soit pas allée à son terme, le procureur, sur place, ayant cédé à la pression mise par Jean-Luc Mélenchon. Quel visage cela donne-t-il de la justice? Qu'il suffit d'aboyer, d'éructer, pour que l'on arrête tout. De deux choses l'une; soit cette perquisition était superfétatoire, auquel cas, elle n'avait pas lieu d'être. Soit elle était utile à la manifestation de la vérité; et elle se devait d'aller à son terme. Mettre fin aux opérations dans ces conditions revient un peu à baisser son pantalon; pardonnez l'expression;

Un mot également pour ce qui est des policiers intervenant. Je ne comprends pas que le chef du dispositif n'ait pas demandé, lorsque la tension est montée, des renforts, afin que les lieux soient vidés des personnes qui n'avaient rien à y faire. Là encore, c'est quelque chose qui se fait de façon courante, dans le cadre de perquisitions où, la curiosité aidant, parfois l'envie d'aider, des badauds, ou amis, accourent sur les lieux. On sécurise le périmètre pour ne garder sur place que les enquêteurs, et les personnes assistant aux opérations de perquisition.

Cette journée me laisse un goût amer dans la bouche. C'est précisément dans ces cas-là que l'on montre, au visage de tous, que la justice n'est pas égale pour tout le monde; et que oui, certains sont donc "protégés". Et c'est précisément ce que veut démontrer Jean-Luc Mélenchon; C'est précisément son objectif que de mettre à mal les institutions, porter atteinte à leur crédibilité, dans la mesure où il prône une 6ème République.

Ce qui apparaît regrettable, c'est qu'il joue du populisme. Il joue du fait que ceux qui lui sont "fidèles" le croient sur parole, tel le messie. Que ces gens-là ne vont pas chercher à savoir s'il a raison ou pas, si la perquisition est justifiée ou pas. Dans leur esprit, il restera "l'acte politique du pouvoir en place", les magistrats qui seraient "aux ordres". Et ça, c'est dangereux. C'est précisément de cette manière que des partis extrémistes arrivent au pouvoir. Parce qu'on joue sur la méconnaissance des citoyens.

Lorsque l'on sait que M Mélenchon a été, déjà, candidat à la magistrature suprême, il y a de quoi se poser des questions. Que ferait-il de la police et de la justice, une fois élu? Comment se comporterait cet homme, élu président de la République? Et puis, au delà des actes, la manière. Lorsque l'on voit la manière dont il sort de ses gonds... c'est très problématique, à tous les points de vue.

Le but d'un parti tel que celui de Jean-Luc Mélenchon est bel et bien de tuer tout ce qu'il y a entre lui et l’extrême droite. De sorte à provoquer ce duo qu'il appelle de ses vœux. La part belle au populisme. Le paraître au mépris du savoir.

Malheureusement, de ces deux choix, aucun ne serait bon pour la démocratie. Tout aussi imparfaite soit-elle à ce jour avec les dirigeants que nous avons, ou avons pu avoir.

Pour terminer, un simple avis, direct, personnel: Monsieur Mélenchon, vous faites honte à l'écharpe que vous portez. Nous n'avons pas élu nos représentants pour qu'ils piétinent leur fonction, tel que vous le faites.