Si j'étais... Ministre de l'Interieur

Voilà dix jours que le poste de Ministre de l'intérieur est vacant au sein du gouvernement d'Edouard Philippe... dix jours que les policiers tournent en rond, à chaque mission, ce demandant ce qu'il est bon de faire...Nous en sommes donc à la limite du climat d'insurrection, tant les "bleus" sont perdus, les enquêtes stagnantes. Le messie est attendu.

Aussi, devant les difficultés rencontrées par le Gouvernement à trouver l'homme idoine, j'ai décidé d'envoyer mon CV au Président de la République. Ou plutôt ma lettre de motivation.

Monsieur le Président,

Voilà dix jours que M. Collomb a fait le choix d'une ville plutôt que celui d'une nation, et de la direction de ses forces de sécurité. Oh, elles ne sont pas orphelines, contrairement à ce que certains aiment à imaginer. La Police Nationale ainsi que la Gendarmerie Nationale sont des institutions solides, capables de surmonter beaucoup de choses, y compris si le pire devait arriver.

Pour autant, ces deux corporations, aussi vénérables soient-elles, doivent, plus qu'être dirigées, avoir à leur tête quelqu'un qui trace un chemin. Celui qu'elles devront suivre dans dix, quinze, ou vingt ans. Oui, c'est une vision d'avenir, une vision à long terme que nous devons avoir dans le cadre de la sécurité nationale. Quelle sécurité voulons-nous mettre en place dans notre pays? Quels moyens allons-nous allouer afin que chacun puisse jouir de la devise nationale, "liberté - égalité - fraternité" ?

Et pourtant, des changements structurels sont nécessaires. Et ils ont besoin d'être pensés maintenant pour être mis en pratique au plus vite.

Vous avez, Monsieur le Président, lancé la police de sécurité du quotidien. C'était un de vos thèmes de campagne. Et les français, en vous élisant, l'ont donc accepté. L'idée ne peut qu'être saluée, tant le dialogue entre une partie de la population et les forces de l'ordre doit être relancé. Certes, la cote de popularité des policiers avoisine les 80%, mais ne nous leurrons pas, ce chiffre chute lorsque l'on se rapproche de certains quartiers sensibles, que l'on appelle communément "cités". Et c'est principalement dans ces villes que nous devons investir. A la fois restaurer l'ordre républicain, tout en gagnant la confiance des habitants qui sont les premiers à subir l'insécurité de quelques uns.

Ayons tout de même la conscience que réinvestir là où plus personne n'ose aller prendra du temps. A ce jour, intégrer, du jour au lendemain, des policiers dans certains quartiers serait plus que risqué; avant tout pour leur intégrité physique. Aussi, soyons clairs, il s'agit d' avancer par paliers. Et donc, faire fi du "temps politique" qui ne doit pas, comme cela a trop souvent été le cas, être la priorité de l'action. Non, si les choses sont faites comme il se devrait, votre quinquennat ne pourra jouir de la réussite de ce plan d'action. Tout juste devriez-vous voir (sauf réélection) le projet mûrir, comme le printemps succède à l'hiver. L'été et ses beaux jours viendront un peu plus tard.

Cette PSQ devra faire le lien entre ses acteurs, avec des policiers qui soient bien plus que des policiers. De vrais relais. Etre au carrefour de tous les signaux faibles... repérer un gamin qui ne va plus en cours, qui décroche, être au contact autant avec les services de l'éducation nationale que la famille, un autre gamin qui est harcelé, la voisine du 5ème qui est menacée si elle n’obéit pas aux bandes locales... Il devra aussi être l'observateur des incivilités quotidiennes auxquelles il devra trouver une réponse adaptée; bref, connaître la population du quartier dans lequel il est amené à évoluer; distinguer les quelques uns qui pourrissent la vie des autres au quotidien. Etre un vrai relais pour les services d'investigation, qu'ils soient locaux ou régionaux, mais aussi les services de renseignement, dont il sera le premier agent. Mais aussi avec d'autres administrations, institutions, voir associations locales. Au contact de tous, pour faire circuler l'information, que chacun prenne part à la restauration de ces quartiers, en tirant vers le haut ceux qui pourraient vouloir entendre les sirènes de l'argent facile et de la délinquance.

Ces hommes et ces femmes doivent devenir indispensables. Mais pour ça, ils vont devoir être formé. Ils devront être au cœur d'une préparation complémentaire à celle reçue en école. Ces effectifs devront être panachés, comprenant aussi bien des effectifs confirmés, que des jeunes. Mais surtout, ils devront être volontaires pour exécuter cette mission, avoir un profil ad-hoc, croire profondément en leur mission. Sa réussite en dépend. Le tout en veillant à ce que chaque PSQ ait une marge de manoeuvre qui lui est propre; la décentralisation des décisions, du fonctionnement, est devenue une absolue nécessité.

De son coté, le futur Ministre de l'Interieur devra aussi faire face aux problématiques d'organisation du temps de travail, même, parfois, les conditions de travail en elles-même. Il ne reste plus acceptable de voir tant de services dans un état lamentable, ne voyant le coup de pinceau cache-misère qu'à la visite d'une autorité. La question des moyens reste centrale; tant en ce qui concerne, donc, les moyens materiels, que les moyens humains.

Matériels, s'agissant de mutualiser ce qui peut l'être, oui; mais à condition que cela ne desserve pas les services. Humains parce que nombreux sont les "trous" qui doivent être comblés. Peut-être est-ce aussi l'occasion de revoir le positionnement de certains postes? Probablement est-il des fonctions occupées par des personnes qui n'ont pas vocation à avoir une tâche qui leur est trop administrative? Chaque corps de la police porte en son sein, ses instances représentatives, un certain nombre de doléances. Engageons, ensemble, ce grand chantier de réforme de l'institution "Police Nationale"; la rapprocher de la Gendarmerie tout en sachant conserver les spécificités de chaque arme, sans les opposer sans cesse.

Ne serait-ce pas non plus le moment de tourner le dos à la politique du chiffre? Plus que de rechercher la quantité, atteindre la qualité. Cela passera par la mise en place de nouvelles mesures de la qualité du service public. Et, j'en suis conscient, par le fait d'ouvrir les services à la statistique. Mais pas celle que l'on demande, jour après jour, semaine après semaine, aux actifs; ce qui, de fait, empiète sur leur temps effectif à faire du travail... de policier. L'occasion, donc, d'integrer des personnels ayant vocation à rechercher ces éléments utiles à une bonne compréhension de l'activité de police. En adéquation, donc, avec ce que l'on en attend.

Cet homme devra connaître cette maison, l'avoir pratiquée, l'avoir sentie... de l'intérieur. Et, de mon petit point de vue, ce que je connais un peu mieux, il devra aussi renouer avec l'investigation. Ou plutôt faire renouer avec l'investigation. Celle qui, chaque jour, est un peu plus dégradée, gagnée par le désamour de beaucoup de ceux qui la composent, et attirant de moins en moins ceux qui auraient pu s'y reconnaître, la rêver, mais apeurés devant ce qu'elle est aujourd'hui. Déshabillée, dépassée par les contentieux de masse, des piles de dossiers qui s'accumulent... la désertification de l'investigation, son désamour, ne sont pas une vue de l'esprit. Malheureusement, pour un métier si passionnant.

L'investigation, nécessairement un des maillons utiles, nécessaire, à la justice de notre pays, il serait également de bon ton de rapprocher ses acteurs avec le Ministère de la Justice, que chacun apprenne à se connaître. Les liens doivent être resserrés. Ce n'est qu'en se connaissant que l'on peut travailler de concert, efficacement. Opposer magistrats et policiers ne doit pas avoir de sens. Quand bien même, tous humains, avec nos sensibilités, nous avons le droit à nos différences, et c'est probablement cela même qui doit nous enrichir plutôt que nous déchirer.

Le travail ne manque pas, dans ce ministère, tant la tâche qui attend le futur locataire de la place Beauvau, est lourde. Je n'ai, ici, que dressé un nombre limité de ce qui attend cet homme.

Dès lors, je suis certain que vous saurez me contacter utilement. Mon téléphone est toujours branché, le réseau est très bon, et la batterie tout ce qu'il y a de plus pleine.

Pour autant, si vous deviez choisir M Péchenard à la tête de ce ministère, je saurais utilement m'effacer.

L'impatience de lire le nom du futur "Premier flic de France" étant à son paroxysme, je reste tout de même dans l'attente de vos nouvelles. Vous priant d'agréer, monsieur, l'expression de ma respectueuse considération.

* message subliminal à l'attention de la team premier degré... ma candidature est, précisément, du second degré... bon.. si on m'appelle, bien sur que je répondrais, hein 😉

** la première personne que j'embaucherais serait celle chargée de me relire, tant ça m'énerve de laisser passer quelque faute ou coquille