Cette semaine télévisuelle nous aura apporté ce que la télé poubelle fait de mieux en 2018. Leur point commun: Thierry Ardisson, et la chaîne C8.
Première séquence, samedi 15 septembre. Eric Zemmour, polémiste, est en plateau face à Hapsatou Sy, lorsque, au coeur du débat, il lui répond d'une phrase cinglante:
"Mademoiselle, c'est votre prénom qui est une insulte à la France".
Séquence qui sera d'ailleurs coupée au montage, mais révélée par Hapsatou. Sy. S'en suivra une semaine de débats au cours de laquelle on verra Eric Zemmour invité dans tous les médias pour s'expliquer.
Sur cette émission, je vais juste dire que Eric Zemmour, comme à son habitude, dit beaucoup de choses qui n'ont pour seule vocation de jouer sur les peurs, et attiser la haine. Chacune de ses interventions ne fait qu'en réunir les ingrédients, dont le principal est diviser, poussant les uns à se méfier des autres.
Assimiler l'identité française à un prénom, c'est probablement en ignorer la plus grande des parties pour ne regarder les faits que par un petit bout de la lorgnette...
Je n'irai pas plus loin sur ce propos, je n'ai ni l'argumentaire ni les connaissances pour aller plus loin; simplement l'idée que je m'en fait. Et je crois que tout le monde a déjà tout dit sur le sujet; dans un sens ou d'autre.
Une semaine plus tard, c'est Yann Moix qui est invité chez Thierry Ardisson, dans un débat sur la police, à l'occasion de la sortie du livre de Frederic Ploquain "La peur a changé de camp".
"... j'ai l'impression du pilote d'Air France qui vient se plaindre des turbulences, de chirurgiens qui ont peur de la vue du sang, du boxeur qui aurait peur d'hématomes; si vous venez dire ici que les policiers ont peur, vous savez que la faiblesse attise la haine et vous savez très bien que dire que vous chiez dans votre froc et que vous faites et que vous faites un métier qui devrait prendre en compte la peur - la peur est humaine, et ça je ne vous reproche pas la peur - vous devriez l'intégrer.. "
Je passe l’aparté au sujet de l'affaire "Benala", qui à mon sens n'a rien à faire dans ce débat...
"la police française est une des plus violentes d'Europe. Dans les manifestations, vous sortez des LBD40 contre des gamins de 16 ans dans des manifestations contre la loi travail, les Préfets encouragent le bloc à bloc et tous les manifestants vous diront que jamais les coups de matraque et les utilisations de flashball n'ont été si violents, et je trouve franchement que vous victimiser à longueur d'émission de télévision vous ridiculise auprès de la population, mais vous ridiculise au carré auprès des populations que vous asseyez à longueur de journée par des humiliations, parce que vos cibles préférées sont les pauvres et les milieux défavorisés, et moi-même, comme tous les français, le plus souvent spectateur du harcèlement que vous pratiquez sur des gens inoffensifs... parce que effectivement, la peur au ventre, vous n'avez pas les couilles d'aller dans les endroits dangereux".
La séquence est accessible en replay ici.
Et là, j'ai un peu plus de choses à dire.
Je ne vous cache pas mon sentiment premier à l'égard de ces propos qui m'apparaissent haineux au plus haut point ! Mais, au-delà de la réaction à chaud, autant réfléchir, et démonter les arguments, pour mieux en montrer le ridicule.
Tout d'abord... les comparatifs. Simplement, comparer le chirurgien et la peur du sang, avec le policier qui a peur... pour son intégrité physique, voir sa vie ou celle de ses proches. C'est déjà une base juste tronquée, comparer ce qui n'est pas comparable! Il faut tout de même rappeler que les policiers œuvrent pour, notamment, la sécurité des personnes, des biens, et des institutions". Autrement dit pour le bien public, pour les autres. Y compris M Yann Moix. Ils donnent donc (certes contre rémunération) d'eux-mêmes. A la différence de M Moix qui ne va sur les plateaux que pour son seul égo, sa seule personne. Les "autres" il ne sait pas trop ce que c'est ! Si encore ses "sorties" avaient la volonté de faire réfléchir, avancer les choses, l'on pourrait comprendre, mais ça n'est pas le cas. Il ne vient sur les plateaux que pour "clasher", casser, et ensuite, une fois le "buzz" réussi, il peut se faire inviter dans d'autres émissions pour s'en expliquer, et ainsi attirer un peu plus de téléspectateurs... Et sa marotte, depuis quelques mois, c'est la police.
Il faut juste avoir conscience que, chaque jour, des policiers (certes pas de façon constante) prennent des risques dans le cadre des interventions. Et chaque instant est susceptible de basculer. Probablement Yann Moix fait-il une sévère allusion à la problématique calaisienne. Mais alors, d'une part, il tire donc une généralité sur l'ensemble d'une profession, et d'autre part, sa vision est tronquée, au moins partiellement, par son idéologie.
Ce que ne semble pas avoir compris M Moix, c'est que, lorsque les policiers viennent "à longueur d'émission" parler de leur mal-être, c'est surtout parce que, au quotidien, ils ont l'impression de ne pas pouvoir travailler comme ils devraient le faire. Et ceux qui en pâtissent, au-delà des conditions de travail, ce sont les citoyens.
Lorsque le réalisateur de "Podium" (probablement qu'il aurait dû en rester là) évoque les manifestations, il suffit de regarder les images, qu'elles soient diffusées sur les chaînes télé ou sur internet, pour se rendre compte que les choses ne sont pas si claires qu'il voudrait bien le dire. Qu'il y a des choses à redire sur des interventions, utilisations de lacrymogène, cela ne fait aucun doute; que ces manifestations soient utilisées, par le pouvoir, chacun y verra et pensera ce qu'il veut... Maintenant, aller au devant de manifestants type black-bloc avec des roses, je ne suis pas sur que cela soit très efficace! Mais j'encourage M Moix à s'essayer à l'exercice.
Il est un fait, dans nos sociétés, la pauvreté est un facteur qui amène, souvent, la violence. Cela ne signifie pas que l'argent l'exclue, c'est certain. Mais, ne pas avoir d'argent, devoir chaque jour se poser la question de la manière dont on va pouvoir nourrir sa famille, cela reste, quoi qu'on dise, un facteur de risque quand au passage à l'acte délictuel. Oui, ceux qui volent, le font parce qu'ils n'ont pas, souvent, la possibilité d'acheter. Ceux qui viennent chercher une terre d'asile ne sont pas, non plus des plus riches, bien au contraire. Ceux qui trafiquent, même s'ils gagnent de l'argent, ne sont pas, pour la plupart ce qu'il y a de plus insérés dans la société. De fait, nombre d'interventions policières, chaque jour, se font, par nature, au devant des populations en difficulté. Et, parmi toutes ces populations en difficulté, certains ne reculent pas devant la violence pour arriver à leurs fins. Les policiers sont-ils plus violents devant ces populations, par le simple fait qu'elles soient sans ressources, dans la difficulté? Non, évidemment que non. L'usage de la violence légitime policière ne répond pas à un facteur de classe, mais de circonstance. Pour autant, y a-t-il des dérapages? oui. Des bavures? oui. Cela suffit-il à généraliser et stigmatiser toute une profession. Clairement NON.
Je terminerai par le propos probablement les plus choquants de Yann Moix, lorsqu'il évoque des "policiers qui se chient dessus". J'imagine que M Moix ne s'est jamais retrouvé dans un véhicule sur lequel on a jeté des cocktails molotovs? Probablement n'a-t-il jamais eu à aller aux devants d'une bagarre entre personnes ivres? Ni-même à se rendre dans un appartement dans lequel l'on entend, de l'extérieur, les cris d'une femme, ou même d'un homme, sans trop savoir ce qu'il va trouver derrière la porte? Probablement non plus ne s'est-il jamais retrouvé seul face à un certain nombre d'individus qui aimeraient le corriger par la seule connaissance de son métier? Ses enfants ont-ils déjà eu à craindre de dire à leurs copains ce qu'il faisait comme métier? Combien d'amuseurs publics tels que M Moix sont blessés, chaque année, par la violence des autres? Combien se promènent, chaque jour, avec un gilet pare-balle toute une journée? M Moix a-t-il déjà eu à interpeller l'auteur d'un braquage à son domicile, sachant que celui-ci était armé? a-t-il déjà eu à devoir intercepter un véhicule dont on sait qu'il est rempli de produits stupéfiants?
La réponse est non. Yann Moix n'a eu le loisir de ne devoir assumer aucune de ces interventions, qui sont quotidiennes, pour les policiers. Effectivement, cela n'est pas son métier. C'est celui des policiers, et chacun le sien. Pour autant, qu'on ne vienne pas reprocher aux policiers d'avoir en eux, à un certain degré, cette peur. Parce que c'est probablement celle-ci qui a pu en sauver quelques uns.
Parce que, si peur il y a, elle ne prend pas le dessus. Parce que, pour autant, chaque jour, des dizaines de milliers de policiers et de gendarmes se lèvent tout de même. Et ils iront aux devants de ce pour quoi ils sont appelé, même lorsque la situation est risquée. La peur ils l'auront, parfois. Mais ils la maîtriseront. Par professionnalisme. Et même s'ils pleurnichent à longueur d'émission, ils continuent à se lever tous les matins, à travailler dans des conditions parfois indignes.
A l'instar de Mathieu Kassovitz, dont vous partagez probablement la haine, je vous invite à, une fois dans votre vie, passer quelques heures avec des policiers. Peut-être pourrez-vous alors, M Moix, mesurer l'étendue de votre bêtise.
Au final, vous êtes à la télé l'antithèse d'Eric Zemmour. Mais ce que vous n'avez toujours pas compris, tout comme lui, c'est que cela n'est certainement pas dans la haine des autres que notre société évoluera. Et à son instar, le jour où vous n'aurez plus de gens raisonnables entre vous deux. Alors, oui, vous pourrez craindre le pire. Parce qu'il ne restera alors que vos haines respectives. Et là, ce sera la loi du plus fort. Vous pourrez alors parler de violence. Et peut-être, à cet instant, vous saurez ce que c'est que de se "chier dessus".