Mathieu Kassovitz: de la liberté de penser ou d'expression, à celle d'insulter. Le pas est franchi.

C'est un peu, aujourd'hui, la trêve des confiseurs. Une bien belle expression. L'occasion de se demander d'où elle vient, d'ailleurs. Pour cela, un petit tour sur Wikipedia qui, mine de rien, peut nous apprendre bien des choses de ce que j'appellerais "de premier niveau". Cela ne manque pas, je cite:

L'expression est apparue en France vers 1875, à l'occasion des vifs débats, à la Chambre, entre monarchistes, bonapartistes et républicains, sur la future constitution de la Troisième République. En décembre 1874, « d'un commun accord, tous les groupes de la Chambre jugèrent que l'époque du renouvellement de l'année était peu propice à des débats passionnés. À cette occasion la presse satirique imagine le mot de « trêve des confiseurs » »1 (Jules Lermina, Fondation de la République française, 1882).

« Aux approches de Noël, par une sorte d'accord entre les parlementaires, on ne soulève pas de questions irritantes, qui, troublant l'esprit public, nuiraient aux affaires. Et même, afin de mieux vivre en paix, on se sépare, on se donne des vacances. Donc, point d'aigres propos et pendant cette accalmie, les marchands de sucreries, de gâteaux, de friandises, font, tout doucement, leur petit commerce. Les confiseurs jubilent, profitant de la suspension des hostilités à la Chambre, et cette tranquillité dont ils bénéficient s'est appelée la trêve des confiseurs2. »

T. Pavot, L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, questions et réponses, communications diverses à l'usage de tous, littérateurs et gens du monde, artistes, bibliophiles, archéologues, généalogistes, etc. Volume 38, 20 septembre 1898

Une pause, donc. Une période, qu'est celle de la fin d'année, où l'on évite les sujets trop fâcheux, pour ainsi profiter des fêtes. Bien sur, la société continue de tourner normalement. Des crimes se commettent, bien des délits également. Des gens sont sans abri, d'autres meurent... oui, le monde ne s'arrête pas, certes.

Et puis... les cons restent cons, aussi (après tout, nous sommes tous le con de quelqu'un, parait-il). C'est le cas de Mathieu Kassovitz, lequel, par l'intermédiaire de son compte Twitter, s'est fendu d'une sortie que l'on pourrait qualifier de presque "coutumière" chez lui:

Capture

Je vais assez rapidement mettre de coté l'objet même de son tweet, et cette affaire de Nantes, où une opération de police s'est déroulée dans un hôpital. Ce n'est pas l'objet du message que je veux faire passer. Et il importe peu, en fait, ce que l'on pense de cette opération. Que l'on soit ou non d'accord, chacun a son opinion et est libre de l'exprimer.

Mais Mathieux Kassovitz n'en était pas à son coup d'essai, et l'on voit très bien l'image qu'il se fait de la Police Nationale, comme ici:

Il est dommage, d'ailleurs, que dans ce tweet, son auteur écorche le nom de la cause qu'il aurait voulu défendre; c'est d'ailleurs probablement à la hauteur de sa connaissance du dossier. Tout comme le dossier relatif à Antonin Bernanos, en fait !

Je pourrais aussi parler de cette "sortie" suite au vol dont a été victime Kim Kardashian en 2016

Et pourtant, je fais une différence entre les "sorties" ! Si je ne peux que constater la bêtise, sur le fond des deux dernières... et ce que je considère une insulte envers ma profession pour la plus récente.

"tu es susceptible" me répond-on, ou encore "ce n'est qu'une peccadille". C'est probablement la pensée dominante "bah, laisse tomber, Chris, tu ne peux pas relever tous les outrages, un de plus ou un de moins"... Oui, mais non. Lorsque l'on est acteur (et bon acteur, en plus), on a une parole publique. Et cette parole est relayée, a donc de l'écho. Que Mathieu Kassovitz pense cela de la police, qu'il la déteste, m'indiffère un peu (quoique). Il en a le droit. Dans un pays de liberté, l'on a droit de penser ce que l'on veut, même si c'est de la merde. Et c'est heureux.

Par contre, lorsque l'on en vient à parler de "bâtards", s'agissant de policiers, cela ne m'indiffère plus du tout. Et à vrai dire, même, cela me touche. Je n'étais pas de cette affaire nantaise, et je ne travaille pas non plus dans cette région. Et pourtant... je n'en reste pas moins solidaire de mes collègues. Je serais de ceux-là, j'aurais déposé plainte.

Ma première réaction a été de penser que ce tweet pouvait être constitutif d'un outrage. Mais, comme me l'a rappelé Maitre Eolas:

Et si je me reporte à l'article 433-5 du Code de Procédure Pénale, il est question des "paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics...".

Elle est donc là, la faille. S'agissant d'un tweet public, cela exclue donc l'infraction visée par l'article.

Reste tout de même les infractions liées au droit de la presse. Et l'on est alors dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 dite "des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication". Et plus précisément, il me semble, dans la diffamation, s'agissant d'une allégation (bâtard) de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne, ou d'un corps; en l’espèce, la Police Nationale (puisque M kassovitz la cite, nommément). Infraction qui peut être punie, selon les articles 32 et 33, de 12000€ d'amende lorsque les propos sont proférés dans un lieu public. Ce qui est bien le cas.

J'ose espérer que le Ministère de l’intérieur ne laissera pas passer de tels propos, et qu'une plainte est déposée en ce sens. J'attendrais d'en voir la suite, et j'avoue que je serais bienheureux de voir le sieur Kassovitz devoir payer une amende, aussi risible soit-elle au regard des moyens qui sont les siens, à, par exemple, l'Orphelinat de la Police Nationale.

D'ailleurs, allons plus loin. A la vue de la méconnaissance de ce qu'est notre institution, j'invite Mr Kassovitz à venir découvrir nos métiers. Si je reste seul dans cette initiative,nul doute que la Police Nationale ou la Préfecture de Police de Paris (par exemple) sauront donner une certaine suite à cette idée. Peut-être (c'est loin d'être certain, mais pourquoi ne pas essayer) que Mr Kassovitz comprendra un peu mieux le fonctionnement de nos institutions, et qu'il verra alors que les choses ne sont pas si simplistes qu'elles ne lui paraissent. Et que tout n'est pas aussi noir qu'il veut bien lui paraitre; il y a bon nombre de nuances de gris. Même si, probablement, tout n'est pas aussi blanc qu'on l'aimerait.

Voyez, Mr Kassovitz... en commençant ce billet, j'avais l'envie de vous y insulter. J'aurais probablement failli à mon obligation de réserve, même si, certes, j'ai un peu mordu la ligne. Mais finalement, j'en arrive à vous inviter, vous offrir l'occasion de ne pas rester sur des à priori. Peut-être qu'en acceptant, vous aurez un dixième des "corrones" que vous semblez avoir dans votre rôle de la série "Le bureau des légendes" (série où votre interprétation est superbe, comme celle de vos collègues acteurs). Mais chez nous, nulle légende, Monsieur. Que des hommes et des femmes qui travaillent, au quotidien, pour leur pays, et surtout pour ses citoyens. Pouvez-vous en dire autant? Que faites-vous pour les autres? Pour quel salaire, monsieur?

mise à jour du 29 décembre 2017

De son coté, Mathieu Kassovitz continue dans sa croisade...

De son coté, le Directeur Général de la Police Nationale, Eric Morvan a indiqué que les policiers avaient déposé plainte pour outrage...

Je ne manquerai pas, de mon coté, de suivre cette affaire comme je le pourrais. Par principe, je trouve ces propos, et leur publicité, inadmissibles, eu égard à a personnalité publique qu'est Mathieu Kassovitz... j'ose espérer qu'il sera, d'une manière ou d'une autre, poursuivi et surtout condamné. Symboliquement.

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