J'ai reçu, ces jours-ci, comme j'imagine tous les fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur, la feuille de route du Ministre, Mr Gérard Collomb. Un document de 23 pages, qui devrait, il me semble, tracer le chemin que devront prendre l'ensemble des policiers et gendarmes.
23 pages, donc, et 9 chapitres: le terrorisme, l'insécurité au quotidien, les moyens, la politique migratoire, la laïcité, l'adaptabilité des droits fondamentaux avec les évolutions sociales et technologiques, les notions de service, public, la réforme de l'administration territoriale, et enfin les relations de cette administration avec l'Etat.
Première remarque. Et cela n'a rien d'étonnant, rien sur le volet judiciaire. Qui est pourtant au croisement de bien des problématiques. Mais, comme d'habitude, peu de personnes pour s'en soucier. Rien qu'à lire ce plan, j'ai envie de dire "passons à la justice"... bref, continuons...
L’introduction use néanmoins d'un terme qui me plaît " le ministère de l’intérieur s’obligera à conduire une réflexion de moyen terme". Déjà, tant cette possibilité d'essayer d'anticiper les choses est complexe, dans un ministère... si, déjà, il y a une prise de conscience et une réelle volonté, on avance. Il nous est ensuite fait part d'une réelle volonté de décentraliser l'administration de l'intérieur, afin de responsabiliser les "décideurs locaux". Cela va, me semble-t-il dans le bon sens, encore faut-il voir de quoi il sera question. Sont évoquées les décisions de gestion de certains moyens matériels et immobiliers... A voir.
La police
La première partie de cette feuille incombe plus à notre administration policière. Il est donc, avant tout, eu égard à l'actualité, question de lutte contre le terrorisme. Et plus exactement de coordination du renseignement, tant au niveau intérieur quà l'international. Il est ensuite fait état des nouveaux outils législatifs introduits par le projet de loi antiterroriste. Bien évidemment, l'efficacité est moins prégnante si la prévention ne trouve pas son rôle. Il s'agit donc de développer les projets de "déradicalisation" ayant pu être expérimentés ici et là (automne 2017 pour la tenue d’un comité interministériel présentant le nouveau plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme).
La prévention est également présente au chapitre traitant de l'insécurité quotidienne, puisqu'il s'agit de traiter de la "Police de Sécurité Quotidienne", que le Président Macron appelait de ses voeux lors de la campagne présidentielle de 2017. Celle qu'on appelait, par le passé, la police de proximité, ou "PolProx" pour les intimes. Pour ce faire, une "large concertation des représentants d'élus, et de ceux des personnels de la filière sécurité publique de la police et de la gendarmerie", ouverte aux chercheurs et divers professionnels devrait être organisée, laquelle devra permettre l'élaboration d'une doctrine "'d'ici l'automne".
Et là, apparition d'un petit paragraphe "judiciaire", nous sommes "page 16", laquelle nous dit que:
L’ambition de restaurer la sécurité pour tous au quotidien ne peut être réalisée qu’avec la mise en place de nouveaux instruments de réponse pénale, autorisant des sanctions immédiates, notamment pécuniaires, et reposant sur une procédure simplifiée. Sont ainsi visées la forfaitisation de certains délits ou la possibilité de pouvoir solliciter de l’autorité judiciaire, dans des conditions simplifiées et pour une durée déterminée la fréquentation d’un lieu aux fauteurs de troubles à l’ordre public. Ces dispositions seront mises en oeuvre conjointement avec le Ministre de la Justice. De même, le chantier de la simplification de la procédure pénale et ceux qui permettront de restaurer la capacité opérationnelle des forces de sécurité seront ouverts, pour redonner aux policiers et gendarmes des capacités d’initiatives, en les déchargeant des missions où leur plus-value est la moins manifeste(1) et les recentrer sur le coeur de leurs tâches : protéger, prévenir, intervenir, enquêter.
Ne boudons pas notre plaisir, il y a au moins un peu de judiciaire, contrairement à ce que le plan laissait apparaitre. Pour autant, dans la mesure où il s'agit d'une matière transversale, il aurait pu être un peu plus mis en avant, et détaillé. L'on apprend, au rayon calendrier, la mise en place d'un "groupe de contact permanent intérieur / justice" à l'automne, lequel devra faire des propositions début 2018, pour ensuite présenter un projet de loi au premier semestre 2018.
La suite du chapitre est ensuite dédiée à la concertation entre les différents acteurs de la sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, des polices municipales, voir des sociétés privées de sécurité. Là encore, il s'agira d'être vigilant quant aux éventuels transferts de compétence que l'on pourrait voir. Je vous renvoie d'ailleurs à ce "thread", via Twitter, lequel vous explique les conséquences du passage, au privé, des contraventions établies par le biais des radars automatiques. Il est signé d'un magistrat professionnel, sous le pseudonyme de @Repris2Justesse .
La sécurité routière n'est pas en reste, devant la remontée, depuis trois ans, des tués sur les routes de France; là encore, prévention et répression.
L'administration globale de l'Interieur
La première étape, qui me semble importante, réside dans une vision globale de la sécurité "première de nos libertés", et des moyens qui lui sont alloués, qu'il s'agisse de capacités humaines ou matérielles. Le ministre souhaite que les personnels soient à même de pouvoir gérer plusieurs crises simultanées, de quelque nature qu'elles soient: "terrorisme, catastrophes naturelles, incendies, afflux massif de populations"...
Un plan d'action sur cinq est ensuite évoqué, afin de "cadencer le recrutement de 10.000 effectifs supplémentaires de policiers et gendarmes", qui correspond, là encore, aux engagements pris par le Président de la République lors de sa campagne. Comme j'ai déjà pu l'évoquer, il s'agira, là de regarder attentivement sur la nature des recrutements. il ne faudrait pas que soient privilégiés de recrutements à "bas coûts" tels que les Adjoints de Sécurité, largement moins bien formés que des Gardiens de la Paix.
Il n'y a pas de secret, le nerf de la guerre des gouvernements qui se succèdent réside également dans les économies de dépense. Elles ne sont donc, dans cette feuille de route, pas en reste, puisqu'il est question de "réformes de structures" par, notamment, la mutualisation des capacités de police technique et scientifique, ou encore la convergence des moyens aériens.... Je suis un peu dubitatif tant le judiciaire est tout juste abordé sur le fonctionnement global, mais par contre cité pour les économies de fonctionnement... Il est aussi question de substituer des personnels actifs par des personnels administratifs ce qui semble tout à fait faisable à certains postes. Ce plan quinquennal se termine par l'idée selon laquelle il faudra mettre en place des plateformes uniques d'appel d'urgence, à l'imagine, j'imagine, du 911, aux Etats-Unis.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de cette feuille de route, en version pdf, ici.
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Voilà donc les grandes orientations du gouvernement actuel, en matière de sécurité. Si l'on y voit la reprise du programme du candidat Macron, ce qui est normal, on arrive déjà à un peu plus de détails. Ce qui est certain, c'est que le dernier trimestre 2017, mais surtout le début d'année 2018, devraient être riches en propositions et en évolutions au sein du Ministère de l’Intérieur. Les chantiers sont à la fois nombreux et importants. Espérons qu'ils soient à la fois ambitieux, qu'ils se servent également des expériences passées. Le tout pour installer une police solidement ancrée, toujours au service du citoyen, et plus efficace encore qu'elle ne l'est.