Que vous soyez juste intéressé par l'actualité généraliste, ou que vous parcouriez les "faits divers", une information ne vous aura pas échappée ces derniers jours, c'est la fin du "36". Enfin, plus exactement d'un "36", celui du quai des Orfèvres. L'on parlera désormais du "36, rue du bastion"; rue qui d'ailleurs, à ce jour, n'a aucun existence cadastrale.
Vous pouvez d'ailleurs, si vous l'avez manqué, réécouter l'émission en direct de France Inter, animée par Patrick Cohen, du 27 Juin 2017.
Un peu d'histoire
Lorsque l'on pense au "36", on pense naturellement, en tout premier lieu, à Jules Maigret, personnage de Georges Simenon, qui met en scène un commissaire au sein de la Police Judiciaire parisienne, dans quelque 75 romans et 28 nouvelles.
Je vous remet ici un petit extrait de la série télévisée dans lesquelles on aperçoit le "36" (05mn40)
https://www.youtube.com/watch?v=u4MbTpNmEGo
Et pourtant, plus qu'une œuvre de fiction, c'est bien dans la réalité, que la PJ parisienne s'est installée sur ce carré de l'ile de la Cité, le 1er Aout 1913, pour faire suite à un arrêté du Prefet Celestin Hennion (qui aura été Directeur de la Sureté Générale, sous Clémenceau, ayant commencé en tant qu'Inspecteur, et à l'origine des Brigades du Tigre). D'ailleurs, pour l'anecdote, à cette époque, la Police Judiciaire était alors dirigée par un magistrat, Henri Mouton (qui était d'ailleurs un ancien avocat).
Le 36, ce sont trois services qui cohabitent: la Brigade des Stupéfiants, la Brigade de Recherche et d'Intervention (BRI), et donc la célèbre Brigade Criminelle. En plus de la direction de la PJ parisienne. Mais d'autres services y sont rattachés, même s'ils n'y sont pas, physiquement; qu'il s'agisse de:
- "brigades centrales", telles la Brigade des Mineurs, la Brigades d'Exécution des Décisions de Justice, la Brigade de Répression du Banditisme
- de la Sous-direction des Affaires Economiques et Financières, avec la Brigade Financière, la Brigade de Fraudes au Moyens de Paiements, etc....
- l'identité Judiciaire
Le 36, ce sont des noms; quelques uns des plus "grands" criminels qui y sont passés, gravissant les quelque 148 marches de l'escalier en colimaçon, tels Landru, Petiot ou, encore Jacques Mesrine, Guy Georges... Mais il y a aussi, même si je n'aime pas l'expression, quelques "grands flics"... Robert Broussard, ou encore Martine Monteil, première femme nommée Directrice de la PJ parisienne, ou Frederic Pechenard, plus récemment.
Le 36, ce sont aussi, en plus de Simenon, des films, tels que l'éponyme "36 quai des Orfèvres" d'Olivier Marchal, lui-même ancien policier.
Et maintenant
Cette rue du Bastion existait voilà encore quelques mois sous la dénomination de " rue Mstislav-Rostropovitch"; ce nom de "Bastion" lui a d'ailleurs été donné pour rappeler les vestiges de l'enceinte de Thiers. Cette enceinte, qui correspond aujourd'hui à ce que les parisiens appellent "les Maréchaux", avait été construite entre 1841 et 1844, alors que Adolphe Thiers, était Président du Conseil des Ministres. Cette parcelle se trouve plus précisément sur l'emplacement alors numéroté "44" (il y en avait alors 95). Je vous renvoie à cette page Wikipedia pour en savoir un peu plus sur le sujet.
Ce sont donc quelque 1400 policiers qui vont (ou ont déjà) migré vers ce que l'on appelle communément "les Batignolles", mais plus précisément la Porte de Clichy. Certains arrivent donc du 36 quai des Orfèvres, d'autres, de bâtiments proches de l'ile de la Cité, ou encore certains du 13ème arrondissement parisien. Il faut bien le dire, ce n'est pas "les yeux fermés" que les policiers se dirigent vers le nord de la capitale. Encore récemment, des pétitions circulaient dans certains services, afin de retarder ce déménagement, et le calquer sur celui du palais de Justice, qui aura lieu au printemps 2018. Et ce pour des raisons multifactorielles:
- des problématiques d'organisation du travail (transferts de détenus, visites médicales des GAV, accès au site),
- pour des raisons du quotidien: peu de places de cantine, pas de stationnement pour les véhicules personnels, transports en commun éloignés
- pour des raisons personnelles: notamment ceux qui avaient investi dans le sud parisien et qui se retrouvent désormais à l'opposé...
- pour des raisons liées au moment choisi pour entrer dans les lieux, alors que des travaux sont encore en cours
- parce que nombreux sont les services qui devront se serrer, parfois dans des "open-space", alors même que les entreprises privées en sont revenues...
Bref, le raisons sont nombreuses et diverses. Certaines judicieuses, d'autres un peu moins.
Mais il est un fait. C'est parti. D'ici la fin du mois de Septembre, tous les services auront migré sur le 17ème arrondissement, à l'exception de la Brigade de Recherche et d'Intervention. Il a en effet été décidé que le fait de la conserver au centre de Paris permettrait d'être plus rapidement en capacité d'intervenir su l'ensemble de la ville. Les effectifs (qui ont triplé en deux ans) récupéreront d'ailleurs, à ma connaissance, les locaux de l'identité judiciaire.Nous voilà nombreux, les nostalgiques; et tout est fait pour que cela soit le cas... des émissions radios, des articles de presse écrite... Mais voilà; la police doit se moderniser. La PJ en fait partie. Et les locaux dans lesquels nous nous trouvions étaient, à la fois couteux, pour certains, mais aussi vétustes pour d'autres. Il est un fait, c'est un grand boulversement pour la PJ parisienne. Et il aura forcément des repercussions sur nos méthodes de travail, le fonctionnement des services... Mais le changement n'est pas forcément toujours aussi négatif qu'on veut le percevoir. Allons-y, et nous ferons le bilan, dans quelques mois. Et, même si tout n'est pas rose, loin de là, j'ai envie de rester positif....
Après tout, ce sont les hommes qui font les histoires. Et non pas les histoires qui font les hommes. Il est temps pour le 36 rue du Bastion, et tous ceux qui vont l'integrer, d'en écrire de nouvelles. Qui seront, elles aussi, j'en suis certain, riches.