Une fois n’est pas coutume, c’est d’un livre, dont je vais vous parler. Et pas n’importe lequel, puisqu'il s’agit du dernier épisode du triptyque qu’ont réalisé le documentariste, Raynal Pellicer, et son illustrateur Titwane. Cette œuvre, puisque c’est de cela dont il s’agit, c’est « Brigade des Mineurs ».
Si vous avez déjà parcouru les deux premiers volets, « Enquêtes Générales » ou « Brigade Criminelle », vous vous y retrouverez très rapidement mais, avec cette fois-ci, un docu-littéraire qui touche l’humain. En fait, qui touche ce qu’il y a de plus humain, l’enfance. Et plus particulièrement l’enfance meurtrie, parfois dévastée. Ce qu'on pourrait, en se laissant - trop - aller, à de l'inhumain.
Ce livre vous parlera prostitution des mineurs, enfance maltraitée, en vous mettant aux prises, non seulement avec les victimes, mais également ceux qui ont abusé de ces enfants. Sexuellement, oui, bien souvent usant de leur bas âge, de leur fragilité, pour à la fois commettre leurs méfaits, mais aussi, parfois, leur mettre la pression pour ne pas parler. Et puis, l’on voit aussi ces hommes, ces femmes qui, parfois, prennent pleinement conscience de leur acte face à ces enquêteurs. La dégringolade, l’inavouable. Celui qui cherche à faire de longues phrases pour se justifier de mots que la langue française, riche, a su incarner : pénétration, fellation. Ces mots que l’humain ne peut décemment assumer face à la justice qui le rattrape. L’inavouable.
Vous continuerez (si vous avez lu les deux premiers tomes, sinon c’est une découverte), à vous familiariser avec les procédures traitées par la PJ, les acteurs extérieurs qui interviennent ; notamment les avocats qui, eux aussi, sont confrontés, là, au pire. L’on sent, quelque part, que, là aussi, en ces circonstances, pour celui qui doit accompagner le mis en cause, il est difficile de regarder la vérité en face, il y a ce malaise. Encore une fois, c'est l'humain, ça touche. N'importe qui.
Et puis, il y a ces professionnels, qui sont là pour aider les enquêteurs. Parce que oui, certes, l’enquêteur doit savoir un peu tout faire, mais il n’est, par exemple, pas médecin.
La justice des mineurs a cette particularité qu’elle est spécialisée à tous les niveaux ; qu’il s’agisse de la médecine légale, des enquêteurs, mais aussi des magistrats. Parquet des mineurs, juge pour enfants, tribunal pour enfants… Et c’est tant mieux. Peut-être est-ce le seul regret que j’ai, par rapport à ce livre ; qu’il ne nous amène pas dans la continuité de ces spécialistes qui ont aussi leur vécu. Mais, comme je puis comprendre Raynal et Titwane. L’on ne peut tout faire avec des contraintes diverses et variées.
Enfin, à travers ce livre, c’est un grand coup de chapeau que j’aimerai faire. A ces policiers, enquêteurs, hommes et femmes qui, à longueur d’année côtoient l’indicible. Parce que je persiste à le dire, il faut « en avoir », pour rentrer tous les soirs avec ce sac sur le dos, et surtout dans la tête. Combien de collègues ai-je pu croiser, et entendre dire « moi je ne pourrais pas y aller, j’aurais du mal à me contenir ». Oui, il faut être bien dans sa tête pour participer à cette justice que celle de nos enfants, mineurs, victimes.
Il est d’ailleurs assez étonnant qu’un tel service ne soit pas « plus » et surtout « mieux » mis en avant par nos autorités, et hiérarchies ! L’on parle tellement des trafics de stups, et autres braquages… mais si rarement de la justice des mineurs, qui, de mon point de vue, en dit long sur notre société.
Enfin, il eut été facile, et presque automatique, en touchant une telle matière, de verser dans le voyeurisme ou le pathos… mais non, rien de tout cela. Les affaires et le fonctionnement du service sont juste « factuels », censés représenter au mieux l’activité d’un service de police judiciaire. A chacun, ensuite, de se faire son avis.
Vous trouverez au détour de ces 206 pages, de superbes aquarelles de Titwane. Pour rappel, lui n’est à aucun moment au contact des enquêteurs, faisant ses illustrations à partir des photos prises par Raynal Pellicer lors de son immersion. Et que dire des textes de ce dernier. Simplement… justes. Fort de ses deux expériences en immersion, le voilà qui vient de parachever un joli tour de la PJ. Nul doute que, pour le profane que j’ai vu arriver voilà 6 ans, le vision de la PJ a dû (enfin, surtout, je l’espère) changer.
Petite interview de Raynal Pellicer :
Q: on va commencer par la grande identité: nom, prénom, date et lieu de naissance, profession (une idée rapide de ce que tu faisais avant, ou ce que tu fais "à coté" ) ?
Raynal Pellicer né en 1966 dans le val de marne. Auteur, réalisateur. Sans « à côté »
Q: Est-ce que je dois faire une audition de "chique" ou on passe de suite au vif du sujet?
Le vif ! À vif !
Q: J'ai tout de suite envie de dire... à quel service de PJ va s'attacher le Tome 4 ?
Pas de tome 4. Une nouvelle trilogie en perspective, toujours avec Titwane, mais plus auprès d’un service de PJ. Lors de ma première immersion à la BRB, un OPJ me disait à quel point il était las de ces journalistes qui vivent "sur le dos de la bête ». Alors, on change de bête. La suite s’écrira loin de la PJ !
Q: te voilà à éditer ce dernier opus "Brigade des Mineurs"; qu'est-ce qui t'a le plus frappé, lors de cette immersion?
Le spectre des affaires traitées par la BPM. De la fugue aux affaires de proxénétisme. 1600 affaires par an. Mention spéciale aux affaires intra-familiales. Avec pour principale matière (voir unique) : les auditions. À la BPM l’humain côtoie le sordide. Chaque jour.
Q: ce que tu as découvert était-il fidèle à l'idée que tu t'en faisais de ce service ?
Je commence toujours mes immersions sans idée préconçue. Ces reportages sont avant tout une somme de rencontres. Inoubliables.
Q: te voilà probablement un de ceux qui a le plus "infiltré" la PJ parisienne. Que retires-tu de ces expériences? Quelle différence y a-t-il entre ce que tu as découvert, au cours de ces 3 incursions, avec l'idée de la police que tu te faisais auparavant?
Quelle idée me faisais-je de la police ? Une image préfabriquée. Véhiculée par la presse, ou par la fiction. Roman, cinéma, séries (séries américaines!)... Ces trois immersions relatent du quotidien des services de PJ. La réalité y est moins cinématographique, mais elle dépasse souvent la fiction en terme de contenu !
Q: ton meilleur souvenir, das ces immersions? le pire?
Mes meilleurs souvenirs sont retranscris en trois volumes. Mes pires souvenirs m’échappent.
Q: le plus drôle? triste?
Le plus drôle : Arriver chaque jour à la BRB avec mon Libé !
Le plus triste : la somme des drames relatés.
Q: un personnage ?
Les personnages traversent les fictions. Je n’ai rencontré que des personnes. Difficile d’en retenir un seul. Disons que j’aimerais poursuivre mes conversations avec le commandant Lemoine des Enquêtes G...
Q: rassure-nous... votre duo, avec Titwane, ne va pas s'arrêter là. Donc, si vous avez fait "le tour" de la PJ... quel sera votre prochain sujet? Quel univers?
Le duo continue. Nous préparons une nouvelle trilogie en reportage dessiné, comme je l'ai dit plus haut. Trois immersions dans autre part, ailleurs… Nous sommes en attente d’accord. Contre toute attente, certains domaines sont moins accessibles que les services de PJ ! Donc impossible d’en parler pour l’instant.
Q: bon, le coffre-fort... raconte... Qu'est-ce qui s'est passé?
Un mauvais geste. Un jour d’ennui. Un coffre fort clos, malgré moi. Les Enquêtes G ont une mémoire de poisson rouge. Ils ne souviennent pas de la combinaison de leurs coffres !
Disons mettre fin à la garde à vue de M Pellicer, sur les instructions du magistrat mandant.
M Pellicer fera l'objet d'un rappel à la loi. A la seule condition qu'il continue à nous donner de ses nouvelles, avec un contrôle judiciaire très stricte.
Bon vent, l'ami.