Cela fait quelques semaines maintenant qu'est apparue une nouvelle idée. Ou plutôt une idée ancienne, recyclée par certains candidats à la présidentielle, qu'il s'agisse de Benoit Hamon, Jean-Luc Mélanchon ou encore Emmanuel Macron. La "Police de Proximité", ou tout autre système portant un nom différent mais visant le même objectif. Pour en parler, j'ai décidé de faire appel à Jean-Pierre Havrin qui, l'on s'en souvient, avait été fustigé par NIcolas Sarkozy, alors ministre de l'interieur, alors qu'il était Directeur Départemental de la Sécurité Publique, en Haute Garonne. Il est l'un des concepteurs de cette "pol-prox". Retour sur cette polprox version 2017; bonne idée ou fausse bonne idée à remettre au gout du jour?
Q: Avant tout, dores et déjà, quel a été votre parcours professionnel (sans rentrer dans le détail)
Q: Vous êtes reconnu comme le concepteur de la Police de Proximité, mise en place fin des années 90; quelle est l'origine de cette réflexion, et conceptualisation?
Q: Quel en était l'objectif?
L'objectif est de rapprocher la Police et la population
Q: A cette époque-là, j'étais jeune gardien de la paix, et j'ai vu arriver cette "polprox"; mais ce que j'en retiens, c'est que l'on a pris des effectifs ailleurs, et on leur a donné une nouvelle mission; en gros, une nouvelle politique, mais sans moyens. Pour faire court, tous les moyens qui étaient arrivé à l'époque étaient destinés à ces unités; les autres services n'avaient plus rien. Est-ce une réalité ou une idée que j'ai pu me faire?
La question des moyens est réelle; ils doivent être en adéquation avec les besoins et ne pas être pris aux dépend d'autres services. Tout cela doit être pensé globalement dans une forme de police nouvelle.
Q: Patrice Bergougnoux, ancien DGPN affirmait que le coût de la Polprox la rendait difficilement réalisable. Or, nous sommes dans un contexte économique encore plus difficile. Comment concilier la Polprox avec les budgets?
Bien sûr il faut des moyens c'est au pouvoir de décider si il veut vraiment mettre les moyens pour mettre en oeuvre sérieusement cette réforme indispensable pour une véritable amélioration de la sécurité des français ou alors on reste dans le discours et les voeux pieux. Il faut assumer ce choix et rendre la Police aux citoyens ! De plus rendre leur travail et leur dignité aux policiers aura un effet bénéfique sur le comportement et l'efficacité de la Police.
Q: ne croyez-vous pas que la police de proximité s'attarde à concilier l'image de la police, mais que c'est au détriment des résultats à proprement parler, de la baisse de la délinquance?
La police de Proximité est bien sûr un vecteur essentiel du rapprochement avec la population assurance de l'efficacité réelle de l'action policière mais c'est aussi une garantie d'une véritable assurance d'une meilleure sécurité pour la population, ce n'est pas une vaine promesse électorale ,c'est un vrai contrat entre nous
Q: A cette phrase de Nicolas Sarkozy, prononcée à votre encontre "les policiers ne sont pas là pour jouer au foot", quelle est la réponse que vous pouvez apporter aujourd'hui, avec le recul ?
Sarkozy a voulu ridiculiser la Police de Proximité pour des raisons politiques privilégiant son intérêt personnel à l'intérêt général. Les flics de la Police de Proximité étaient de vrais flics et le sport ils le faisaient en plus du boulot. Ils avaient compris le rapport entre le sport avec ses règles du jeu et la vie en société. Les flics arbitres, gardiens de la paix ! Sarkozy porte une lourde responsabilité d'avoir détruit cet outil qui serait bien utile aujourd'hui pour la lutte contre le terrorisme.
Q: à ceux qui font le constat que rien à changer depuis vingt ans, vous répondez, j'imagine, que la fracture vient précisément, en partie, du fait de l'absence de cette police de proximité. Vos contradicteurs diraient plutôt qu'il y a une absence de réponse de la justice; ce qui est parfois qualifié de "laxisme"; quel est votre sentiment, par rapport à cela?
Le combat police justice est le plus mauvais qui soit -on les arrête ils les relâche - c'est le degré zéro de la compréhension du problème. Donnons des moyens à la justice et faisons en sorte de travailler ensemble nous sommes dans la même galère.
Q: nous sommes vingt ans plus tard. A l'aube de cette nouvelle élection présidentielle, cette idée est reprise par plusieurs candidats. Comment voyez-vous cela? Vous ont-ils contacté, par ailleurs?
Je me réjouis que plusieurs candidats intelligents aient compris la nécessité de ce recours à cette forme de police dans l'intérêt de nos concitoyens. Et si certains m'ont contacté je suis à la disposition de tous pour affiner leur connaissance du problème - sauf le Front National bien sûr -
Q: Si elle devait être appliquée aujourd'hui, le feriez-vous de la même manière que dans les années 90/2000? quels changements apporteriez-vous?
Pour étre efficace il faudra des effectifs importants et réinstaller une vraie philosophie de la Police de Proximité sur le terrain et dans la formation. Les politiques doivent aussi, pour une fois accepter une notion difficile pour eux - le temps - II faut le temps de reconquérir les territoires le temps de former les policiers, le temps à la population d'adopter leur flics et à terme tout le monde sera gagnant méme les politiques !
Q: lorsque je vois le fonctionnement de certains quartiers et l'accueil réservé aux policiers actuellement, je me dis qu'une telle mise en place serait une prise de risque physique pour les policiers, non?
Je connais bien le risque pour les fonctionnaires dans certains endroits. Je l'ai vécu à TOULOUSE au Mirail on a installé la Police de Proximité juste après des émeutes très dures. Les débuts ont été très durs - otni objets tombants non identifiés - poste de police brûlé deux fois etc...néanmoins au bout de quelques mois, les gars avec courage on fini par patrouiller à pied et en tenue normale. Lorsque l'affolé du karcher est arrivé, la Police de Proximité existait depuis 4 ans et les résultats étaient très bons. Les meilleurs avocats de cette réussite sont les habitants et les proximiers qui ont participé à cette aventure qui prouve que c'est possible !
Q: Que pensez-vous de l'idée avancée par certains (le général Soubelet, Francois Bayrou) selon laquelle les policiers devraient habiter dans ces quartiers difficiles?
Q: mais la police de proximité n'a pas, non plus, vocation à faire du judiciaire ! Donc, cette complémentarité pourrait peut-être se faire de la sorte; une PolProx assurée par la municipalité, qui fait aussi du renseignement
Q: le retour d'une police de proximité est-elle la seule chose à faire; on a l'impression que c'est vu comme LA solution mirable !
Le retour de la Police de Proximité n'est pas une solution miracle, en matière de sécurité le miracle - hélas n'existe pas - mais c'est la seule solution pour améliorer fortement la Sécurité et les rapports de la Police et de la population gage essentiel d'un e police clairvoyante et renseignée. Une Police dédiée au service de la population sera un moyen sûr d'accompagner une société désarçonné et inquiète pour sa Sécurité.
Q: comment articuler, justement, ce coté judiciaire et cette police de proximité ? on a souvent l'impression que l'un se fait au détriment que l'autre. Même si, j'entends bien, répression et prévention doivent s'articuler... comment ?
Non la Police de Proximité n'est pas un sous produit de la Police, c'est une philosophie globale de la Police . Tous les services de police sont au service affiché de la population ce n'est pas une simple adaptation, un bricolage c'est vraiment une autre vision du rôle de la Police.
Q: ne croyez-vous pas, en terme d'organisation, qu'il faudrait justement revoir celle de la police nationale? Un direction centrale la polprox, une de l'investigation (regroupant tous les services judiciaires... ) ?
Le judiciaire est une partie intégrante de la Police de Proximité je ne comprends pas que l'on puisse les dissocier (je pense que votre côté Pj vous donne une vision étrange de la sécurité publique ).Le judiciare, le maintien de l'ordre c'est le quotidien, c'est vraiment indissociable c'est une construction intellectuelle fallacieuse de les dissocier c'est impensable dans l'exercice quotidien de notre travail.
Séparer la Police de Proximité et le judiciaire n'a aucun sens. La police de Proximité ce n'est pas un service de la Police, c'est la Police dans son ensemble.
Q: ce n'est pas tant que j'ai une vision étrange de la sécurité publique. Mais de la manière dont a été pensée la polprox à l'époque, je pense que cela s'est fait au détriment du judiciaire. Précisément parce que les effectifs sont allés en polprox et que les services d'investigation ont été "dépoilé". De la même manière qu'en ce moment, la mode est au renseignement et à l'anti-terrorisme, et que le reste de l'investigation devient parent pauvre. Autrement dit, à chaque fois qu'il y a une priorité, c'est l'investigation qui "paye" l'addition, avec encore moins d'effectifs. Alors que, justement, elle a aussi besoin de plus de monde. C'est là mon inquietude, à vrai dire. Que la pol-prox se fasse au détriment de l'investigation, une fois encore:
Vous avez raison mais c'est là une dérive ,un dévoiement de l'application de la Police de Proximité, c'est ce que l'on ne doit pas faire. Des vrais moyens pour une politique nouvelle. Évitons de déshabiller Pierre pour habiller Paul sinon ça n'a pas de sens !
Tous mes remerciements, à Jean-Pierre Havrin, pour avoir répondu à ces quelques questions.