20 ans plus tard

 

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C'est précisément il y a aujourd'hui 20 ans que je franchissais les portes de cette Compagnie Républicaine de Sécurité; laquelle abritait, à l''époque, un Centre de Formation de la Police Nationale. J'en suis donc, à peu de choses près, à la moitié de ma carrière. Je me dis que c'est, à la fois beaucoup... mais qu'il en reste encore à peu près autant... Et c'est beaucoup, aussi! L'occasion, une fois n'est pas coutume, de parler un peu de ce que j'ai pu faire...

Un coup d’œil en arrière... les débuts, l'humain

Beaucoup de souvenirs, de ces années passées. Un début en tenue, forcément formateur. Et très rapidement, je me suis tourné vers l'investigation. D'abord au sein d'un commissariat, pour traiter le judiciaire "local". Et plus particulièrement les violences aux personnes, intra-familiales, notamment. Et l'on touche à l'humain. Ce qu'il fait de pire, finalement. On y croise ces femmes, nombreuses, violentées; ça commence par des violences verbales... avant que cela ne se transforme en une "petite" gifle... et puis cela empire. Arrive un moment où elles déposent plainte, trouvent le courage. Et puis... elles renoncent. Par peur. Pour soi. Pour leur enfant. Du vide. Par espoir, un peu... elles retirent leur plainte. Cela se calme... le temps d'une lune de miel. Et tout doucement ça repart... Je pense uqe cela n'a pas beaucoup changé aujourd'hui, mais la difficulté, fin des années 90, résidait dans les solutions de déménagement à très court terme. Oui, quitter le domicile; Mais pour aller ou? Formateur, aussi...

Et puis, j'ai tenté ma chance au niveau départemental. On monte d'un cran dans l'importance des affaires que l'on nous soumet.J'y découvre le travail de groupe. J'essaye de trouver une utilité. Je continue à traiter l'humain, puisque je fais partie d'un groupe dit "criminel"; uqi traite à la fois les homicides et tentatives, mais aussi les viols. Le pire du pire... enfin, je le croyais.

J'ai en tête ma première astreinte criminelle. Je suis appelé. pour un homicide. Une femme, retrouvée morte à son domicile, lardée de plusieurs coups de couteau. Nous sommes deux policiers d'astreinte. C'est ma 1ère, je l'ai dit. Mais aussi celle du substitut du Procureur. Je le dis souvent, l'enquête judiciaire, ce sont quelques pasages obligés, mais surtout du bon sens, de la logique. On avance, pas à pas, du général au particulier.

Je découvre aussi, à l'occasion, les difficiles enquêtes de viol. Plus que dans l'humain, on est dans l'intime. Et par nature, peu de témoins, peu de preuves. Bien souvent la parole de l'un contre celle de l'autre. Les enquêtes les plus difficiles, où il est parfois on ne peut plus complexe d'avoir si ce n'est qu'un avis. Je découvrirais, là, la psychologie dont il faut faire preuve. Avec les victimes, mais aussi avec les mis en cause. Les longues auditions, interminables, mais au final qui apportent tant.

Mon pire souvenir? Cet appel du Parquet, qui se fait l'écho d'un appel d'un commissariat parisien; un homme, retrouvé mort chez lui, par suicide. Il laisse un courrier... et parle de sa fille, ses petits-enfants... qu'il aurait tué. Nous nous rendons à l'adresse. Pour y découvrir les corps sans vie d'une femme, et ses deux enfants. Etranglés... probablement pendant leur sommeil; Ils sont allongés, dans leur lit. Endormis.... probablement le moment le plus difficile que j'ai connu. Ou presque...

On s'éloigne de l'humain... les voyous

Et puis, j'ai évolué dans les services de Police Judiciaire. Au niveau régional, cette fois-ci. Des affaires de criminalité organisée. Du trafic auto. Entre la France, l'Afrique, ou encore l'Europe de l'Est. J'ai eu l'occasion de voyager un peu à l'est, ce qui permet d'échanger avec nos homologues, et comparer nos systèmes, à la fois judiciaires, mais aussi le fonctionnement des services de police. Puis j'ai intégré un groupe spécialisé dans les enquêtes relatives aux gros braquages, notamment les bijouteries. Alors, certes, on s'éloigne un peu de l'humain, mais on travail sur les organisations. Les voyous que l'on peut qualifier, souvent "d'habitude"; ceux qui comment ces infractions n'en sont pas à leur premier coup. L'idée est alors d'être plus malin qu'eux, et déjouer ce qu’ils ont préparé. Ce sont les belles bijouteries; Harry Winston, Cartier, Chopard... des équipes aux modes opératoires différents... trouver la taupe, l'organisateur, les receleurs... mettre la main sur le butin, ou ce à quoi il a servi...

Puis j'ai bougé un peu à l'aventure... les Antilles, et le trafic international de stupéfiants. On y retrouver les mêmes schémas, être plus "malin" que les voyous, mais cette fois-ci à une autre échelle. Et surtout, avec des moyens pas forcément en adéquation avec les besoins. Mais on s'adapte; en même temps que l'on se fait à cette nouvelle vie à des milliers de kilomètres de la métropole et de la famille. Un enrichissement humain, et professionnel. Mais pas forcément au plus près de l'image "carte postale" des vacances.

Et puis le retour métropole, qui se conjugue avec... les attentats. Charlie, le Bataclan. Je n'ai pas directement été exposé, contrairement à mes collègues de la Brigade Criminelle, ne suis pas directement intervenu, comme la BRI ou le RAID... Et pourtant la décharge émotionnelle est forte. Ce soir du 13 novembre restera à jamais dans ma mémoire. Tout comme la traque qui a fait suite à Charlie Hebdo... A chaque fois. On donne "un coup de main", mais on a envie d'être utile. Plus encore... des périodes où l'on tourne en rond, ne sachant trop quoi faire, où l'on a envie de tout, sauf retrouver ses "petits" dossiers habituels...

Et maintenant? C'est la question. Comment évoluer, les vingt prochaines années? Difficile de répondre à la question. Autant le dire, et être franc. Lorsque l'on a connu les plus belles affaires, lorsque l'on a eu les moyens les plus "riches" en terme d'investigation... Il est difficile que de retrouver du "commun". La police est, certes, riche de ses métiers... Mais il est difficile de trouver le bon... Il faut trouver une nouvelle motivation. Trouver un nouveau défi, peut-être. Pourquoi ne pas retrouver l'humain? L'avenir nous le dira... à court ou moyen terme... Avant tout, il s'agit de continuer à s'enrichir intellectuellement... Tout en user du savoir faire acquis durant cette première moitié de carrière.

Wait.. and see.