Michel Neyret, image du flic "à l'ancienne"

Michel Neyret, ex numéro de la Police Judiciaire de Lyon, a été condamné aujourd'hui, par la 11ème chambre du Tribunal Correctionnel de Paris à une peine de 30 mois de prison. Peine qui est aménageable.

Il était poursuivi, avec trois autres policiers (Jean-Paul marty, condamné à 3 mois avec sursis, Christophe Gavat et Gilles Guillotin, qui ont été relaxés), des chefs de corruption passive de personne dépositaire de l'autorité publique (art. 432-11 du Code Pénal), frafic d'influence (art. 433-2 du Code Pénal), association de malfaiteurs (art. 450-1 du Code Pénal), violation du secret professionnel, et recel. La peine encourue la plus importante, parmi ces infractions étant dix ans de prison.

Le fond du dossier est pour le moins assez simple, puisqu'il peut se résumer à la gestion des informateurs qu'avait Michel Neyret. Ses méthodes pour obtenir des informations, et les rapports qu'il avait avec ces hommes, ainsi que leur rémunération.

Le tonton, sujet complexe, qui dérange

C'est un sujet toujours très complexe que celui de la gestion des informateurs. Les tontons, cousins, amis, aviseurs... peu importe leur appellation. Ils sont de nature différente. Les plus nombreux sont ce que je pourrais qualifier d' "agents d'ambiance". Ils vont nous parler de ce qu'ils ont vu, ou entendu. Telle personne dans telle voiture, ou avec X autre personne...  une "marchandise" qu'on aurait pu lui proposer... A l'autre bout, il y a celui qui est au contact des braqueurs, trafiquants de stups, au contact, donc, des plus aguéris. Et, au milieu, toutes les nuances qui existent, en n'omettant pas de passer par les mythomanes, qui sont bien présents également.

Tout le monde est bien d'accord pour dire que les informateurs sont nécessaires, dans les affaires judiciaires. Nombreuses sont celles qui ne seraient pas résolues sans cette source. Et d'ailleurs, sans trop m'avancer, je pense qu'il en est encore qui ne sortent pas, justement par le simple fait que certaines de ces informations nous arrivent parfois, et qu’il est absolument impossible de les utiliser et les faire apparaître sans faire prendre des risques inconsidérés à celui qui vient vers nous. Le système est ainsi fait que toute information ne peut pas être utilisée. Imaginez un méfait connu de trois seules personnes. Deux commentent un vol à main armée, et se font interpeller par les policiers comme des fleurs. Le troisième, comme l'on dit, porte dès lors un joli "sombréro", et doit être prêt à engager des formalités pour ses obsèques!

En ce qui concerne Michel Neyret, tout le monde s'accorde à dire qu'il a été un grand flic; il suffit de regarder le nombre d'affaires qui sont passées entre ses mains. A cela je mettrai juste une nuance; on a toujours, dans ces cas-là, envie de personnifier le travail. Alors que, précisément, la PJ est un travail où l'on ne fait rien tout seul. Jamais. C'est un travail de groupe. Alors oui, probablement que des actions individuelles, à un moment donné, engagent l'axe que prend une enquête, à des moments déterminants. Mais ce n'est pas un homme, seul, qui travaille. C'est dit.

Les besoins de l'informateur

L'on reproche, dans cette affaire, les contreparties données aux informateurs. C'est le cœur du problème... Celui qui vient donner des renseignements n'agit pas pour la cause, parce qu'il se sent tout d'un coup épris de justice. Il va demander un retour. Peut-être pas tout de suite. Mais il a un besoin. Et si le policier qui gère sa source, veut le fidéliser, il va falloir y répondre. Jusqu'où peut-on aller? L'on reproche aux policiers lyonnais d'avoir saisi des produits stupéfiants dans le cadre d'une affaire, et d'en avoir mis une partie de coté, hors toute procédure. Et cette marchandise aurait plus tard été rétrocédée à un informateur en contrepartie d'une information. Ou encore une consultation de fichiers...

Il faut bien comprendre que l'informateur n'a pas forcément toujours besoin que d'argent. Il veut qu'on règle ses problèmes. Une contravention, un permis de conduire, une difficulté quelconque... Aujourd'hui, l'on parle beaucoup d'argent. De rémunérer les informateurs. Même si c'est le cas de la grande majorité, certains n'ont pas besoin d'argent! Ou alors, les sommes engagées sont risibles au regard, à la fois des risques encourus, ou de ce que l'informateur se passe d'avoir (en n'agissant pas) avec les malfaiteurs qu'il côtoie. Oui, il faut en être conscient. Les informateurs sont bien souvent, eux-même, des malfaiteurs. Souvent, pour connaitre des voyous, il faut l'être soi-même (je vous vois venir.. je ne parle pas des policiers, hein) . Ce ne sont jamais des rencontres ou des connaissances fortuites, mais d'intérêt. Avec toute la nuance que cela suppose, l'informateur peut avoir des besoins particuliers. Pour peu qu'il se soit fait pincer, et soit aller en prison, il demandera un changement d'établissement... ou peut-être pour l'un de ses proches qui, lui, est incarcéré.. . Il ne s'agira évidemment jamais de couvrir un homicide, ou des violences, etc... Il y a des limites à tout, et c'est normal.

Pour en revenir à notre affaire, il semblerait qu'il soit reproché à Michel Neyret un peu de "légèreté", donnant la sensation d'avoir plus donné à ses informateurs (en tous les cas ceux en cause dans cette procédure) qu'il n'a pu "prendre" comme information... d'ailleurs, lors du délibéré, il a été dit que Michel Neyret était devenu "l'informateur des informateurs"... c'est effectivement soucieux. Par contre, il est une certitude absolue; la relation avec la source ne doit jamais être à l'origine d'enrichissement personnel. C'est évidemment une ligne à ne pas franchir!

A mon niveau, Michel Neyret m’apparaît comme ayant été un flic qui a probablement vécu sur l'aura des grands flics passés. A l'ancienne, dirais-je. Le temps est passé, les méthodes ont changées. Nos responsables politiques, et peut-être le citoyen en général, n'acceptent plus les méthodes utilisées naguère. Sans même porter de jugement sur cet état de fait. Ajouté au fait que peut-être, l'ex numéro 2 de la PJ lyonnaise s'est peut-être fait dépasser par ses informateurs. Peut-être attiré par la lumière, le strass, les paillettes...

De nos jours, le Commissaire, chef de service, n'est plus celui qui a les mains "dans le cambouis". On lui demande de prendre plus de hauteur, sur les comptes rendus qui lui sont faits par ses subordonnés, on lui demande d'être un gestionnaire,  il participe forcément à l'orientation des enquêtes. Mais, en tout état de cause, n'en est pas un acteur principal, n'est plus au contact. Peut-être Michel Neyret n'était-il pas à sa place (question générationnelle?), en ce sens qu'il était un flic de terrain, dans un rôle d'enquêteur et superviseur!

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu sa décision (évidemment susceptible d'appel).  Michel Neyret a déjà passé quelques mois en détention provisoire et il n'y retournera donc pas, sa peine couvrant la détention provisoire. Mais je me dis que l'essentiel, pour la société qui le juge, est qu'il ne soit plus policier. Et, en tant que civil, il n'a dès lors plus les prérogatives qui ont pu le conduire à commettre ces infractions. Il me semble, dès lors, que pour cette société, l'essentiel est sauf, ses intérêts demeurent préservés. Je ne suis pas certain que qui que ce soit ait à gagner à ce qu'il retourne en prison.

Avec cette condamnation, c'est tout un système qu'on ne veut plus voir. Les tontons rétribués par les stups ayant pu être saisis par ailleurs (ce que le tribunal a appelé un détournement de stupéfiants)... une espèce d'hypocrisie qui voudrait qu'on ai à faire à des informateurs tous très propres, sans problèmes, sans demandes, tous en costume-cravate. Mais qui amènent pourtant de grosses affaires.

Mais soit. On fait ce qu'il nous est demandé de faire. C'est ainsi.

Pourtant, je l'ai dit; le franchissement absolu demeure l'enrichissement personnel. Est-ce le cas pour Michel Neyret? Je n'en sais rien.

Maintenant, comme l'on dit souvent... une affaire en chasse une autre. Neyret "The End"... Next... à ce titre, il est probable que l'ancien patron de l'office des stupéfiants (OCRTIS), Francois Thierry, ait à répondre du même genre d'interrogation quand à la gestion des informateurs, dans les prochains mois. Affaire à suivre.

 

Sur le même sujet, vous pouvez également lire la réaction qui avait été la mienne, alors que Michel Neyret était placé sous mandat de dépôt, à l'issue de sa garde vue. Et vous le trouverez ici.