Pour faire suite aux attentats du 13 Novembre, une Commission d'Enquête Parlementaire, présidée par l'ancien magistrat Georges Fenech (LR) a vu le jour. Il était question, pour les députés, de mettre le doigt sur les dysfonctionnements qui ont pu voir le jour, dans les opérations de secours, et d'investigation.
Au terme de quelques centaines d'heures d'audition, le tout étalé sur quatre mois, les députés ont établi leur rapport, lequel fait 39 propositions de réforme.
La refonte du renseignement
Il s'agit-là, semble-t-il, du plus gros chantier évoqué par ce rapport. Notons, d'ores et déjà, qu’effectivement, l'activité du renseignement, pour le compte de l'Etat, est très clairsemée.
- la Direction Générale des Services Extérieurs; s'occupe du renseignement pour le compte de l'Etat français, mais à l’extérieur de son territoire
- La Direction Générale du Renseignement Intérieur; qui s'occupe donc du renseignement, mais sur notre sol
- le Service central de renseignement territorial, qui se trouve être une direction relativement récente, que l'on peut qualifier comme étant la nouvelle entité remplaçant les RG
- la Sous-Direction de l'anticipation opérationnelle, qui est son pendant gendarmesque
- la Division Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanieres
Et il ne s'agit là que de Direction Centrales; on peut aussi ajouter, par exemple, le Direction du Renseignement de la Préfecture de Police de Paris, compétente sur Paris et petite couronne, dépendant du Préfet de Police de Paris, ou encore le Service du Renseignement Pénitentiaire, qui dépend du Garde des Sceaux.
Avant tout, il faut se rappeler que, en 2007, Michèle Alliot-Marie, alors Ministre de l’Intérieur du Président Sarkozy, fusionne (attention les acronymes) les Renseignements Généraux (RG) et la Direction pour la Sureté du Territoire (DST), sous l'appellation "Direction Centrale du Renseignement Intérieur", la DCRI. Dépendant de la Police Nationale, cette direction sera ensuite transferée directement sous la compétence du Ministère de l’Intérieur, pour être désormais la Direction Générale de la Sécurité Interieure, la DGSI. Et ce pour être sur le même pied d'égalité que la DGSE.
A noter pour le coté "histoire" de la chose, que la SDAO, coté gendarme, a été créée en décembre 2013.
Voilà donc que ce rapport veut fusionner une partie de ces services (il ne me semble pas question que la DNRED en fasse partie). Je ne peux m'empêcher de penser qu'une fusion, sur le papier, ne peut être que logique, dans la mesure où le renseignement, unifié, ne peut être qu'une bonne chose.Cela apparait clairement comme tout simplement une mesure de bon sens.
Et pourtant, j'y vois deux freins. Le premier est historiquement récent; on a déjà fusionné RG et DST il y a maintenant 9 ans; pour finalement recréer un service qui remplace les RG (le SCRT) il y a deux ans. Pour quelles raisons? La fusion n'était-elle, finalement, pas une bonne chose? A-t-on perdu, finalement, de la matière? Ou y a-t-il autre chose qui n'a pas fonctionné? Je me garderai bien d'apporter une réponse, n'étant pas "de la partie", même si j'ai ma petite idée sur la question.
Ensuite, il va s'agir, là, de faire travailler, communément, des "maisons" distinctes. Police, Gendarmerie, Administration Pénitentiaire. Encore une fois, j'insiste. La mesure parait de bon sens. Mais ces entités, pour l'avoir vu et vécu, ont une histoire et un fonctionnement tellement différents, qu'il est parfois difficile de se comprendre, quand bien même tout le monde parle le français.
Alors que la DGSI est désormais directement chapeautée par le Ministère de l’Intérieur (donc en dehors de la Police Nationale), cette nouvelle entité, Agence Nationale de Lutte contre le Terrorisme, la remplacerait, et serait donc, à plus grande échelle encore, directement rattachée au Ministère de l’Intérieur. Pourquoi pas!
Une fusion en appelle d'autres
D'autres propositions du même type figureraient dans ce rapport (je parle au conditionnel n'ayant encore pu en lire que les extraits repris par la presse).
- fusionner les forces d'intervention, que sont le RAID, la BRI ou le GIGN. Cela me parait, là encore, une mesure de bon sens. Mais, encore une fois, on va faire travailler ensemble des formations qui n'ont pas le même ADN. Peuvent-ils aller plus loin que la FIPN actuelle? C'est une vraie question. A cela s'ajoute la spécificité de chacune de ses unités. Le GIGN a aussi un historique d'intervention en opérations extérieures (OPEX), alors que le RAID, lui intervient en appui judiciaire sur du terrain, alors que la BRI, de son coté, fait aussi du judiciaire, coté banditisme. Encore une fois, sur le papier, et quelque peu de l’extérieur (même si fais partie de la police, je n'ai pas la prétention de connaitre ces unités opérationnelles), on pourrait légitimement créer une Force d'Intervention Rapide, forte de toutes ces unités. Avec, par exemple, un commandement unique, tournant. Un chef émanant de la Police Nationale auquel on adjoint un gendarme; lequel, après trois ans, passe chef, et se voit adjoindre un policier, etc...
Je vais aller encore plus loin que ces propositions, et m'éloigner un peu du rapport "Fenech". La problématique que l'on rencontre ici, autour du renseignement qui est parsemé au sein de plusieurs administrations, est finalement la même dans d'autres domaines.
Je prend l'exemple du trafic de stupéfiants; Les principaux services qui traitent la matière sont l'OCRTIS (Office Central pour la Répression du Trafic Illicite de Stupéfiants, qui dépend de la Police Nationale, la DNRED, aux Douanes. A quoi il faut ajouter la Brigade des Stupéfiants de Paris, qui dépend du Préfet de Police, mais aussi la myriade de services qui, au quotidien, traitent du stupéfiant, à plus ou moins grande échelle, dont, notamment, les Sections de Recherche de la Gendarmerie Nationale.
Là aussi, ne peut-on pas envisager de créer une sorte de DEA à la française? Quand bien-même je sais que, même aux Etats-Unis, la lutte anti-drogue est éparpillée sur plusieurs agences! Il est un fait, et on le voit régulièrement, les gros services anti-drogue se télescopent; volontairement ou pas, je ne n'en sais rien, toujours est-il que régulièrement, des affaires arrivent, et ces services se mettent en cause, les uns et les autres. Pour caricaturer, on pourrait même aller jusqu'à dire qu'en général, police et douanes n'ont pas les mêmes intérêts. La police cherche les dealers, et les douanes cherchent la marchandise! Je sais que, régulièrement, des réunions se tiennent entre services pour se mettre d'accord sur les objectifs. Pour autant, même si, probablement cela marche par endroits, j'y vois là des réunions de grande hypocrisie où chacun va probablement en dire le moins possible, justement, par manque de confiance. Il est un fait; sans qu'il s'agisse de critiquer qui que ce soit, police, gendarmerie et douane, n'ont absolument pas les mêmes méthodologies de travail. Peut-être suis-je, comme souvent, utopiste, mais pourquoi ne pas fusionner tous ces services en un seul et même bloc pour, plutôt qu'utiliser les faiblesses, exploiter les forces de chacun. Ce qui est certain, c'est que le fait de travailler en concurrence est toujours contre productif, et ne fait qu'aider les trafiquants à prospérer.
- - - - - -
Renseignement, forces d'intervention, trafics... on le voit; d'une manière générale, on est directement confronté à l'organisation même des forces de sécurité en France. La Gendarmerie Nationale d'un coté, et la Police Nationale d'un autre coté. Voir même, un peu plus loin, la Préfecture de Police, Etat dans l'Etat, ou encore les douanes. Peut-être est-il temps de passer à des réformes d'un autre calibre. Et plutôt que de conserver des clochers avec leurs querelles, s'appuyer sur les forces de chacun, et regrouper les forces vives qui, en général, ne demandent qu'à travailler et réussir. Mais cela passe par de gros changements. Tous les acteurs sont-ils prêts à cela? Je dois bien avouer que je suis assez pessimiste.
I have a dream...