"Je lutterai contre le délit de faciès dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens et contre discrimination à l'embauche et au logement. Je combattrai en permanence le racisme et l'antisémitisme"
Le 30ème engagement de la campagne présidentielle du candidat Hollande, de 2012, vient de tomber. Une énième fois.... est-ce la dernière? Rien ne le dit!
Toujours est-il que les députés ont abandonné, cette semaine, dans le cadre d'un débat autour d'un projet de loi "Égalité et Citoyenneté", l'idée du récépissé qui serait donné lors des contrôles d'identités opérés par les forces de l'ordre. Il s'agissait, pour les députés ayant présenté ces amendements de lutter contre ce qu'ils estiment être le contrôle au faciès. Sujet qui revient de manière très régulière, alors même qu'il avait, semblait-il, déjà été tranché, en Octobre 2012, par Manuel Valls, alors Ministre de l’intérieur.
Peut-être la condamnation de l'Etat, pour faute lourde, en Juin 2015, avait-elle redonné de l'espoir aux partisans de cette mesure! Toujours est-il que l’exécutif en place aurait pesé de tout son poids pour que la mesure soit abandonnée.
Le cadre légal du contrôle d'identité
C'est l'article 78-2 du Code de Procédure Pénale, qui nous en parle :
Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :
- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;
- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;
- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;
- ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;
- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
A cette règle, répondant aux besoins "judiciaires", en relation avec la commission d'une infraction, il faut ajouter:
- les contrôles effectués sur demande du procureur de la république, dans un lieu donné, pour un temps déterminé (alinéa suivant)
- les contrôles en relation avec l'ordre public: "L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens".
Ainsi, lors d'une interpellation, le policier doit justifier la manière dont il est arrivé au contact du mis en cause, et notamment, lorsque c'est le cas, si l'infraction est apparue au moyen d'un contrôle d'identité. Qu'est-ce qui a fait qu'il a dû procéder au contrôle?
Pour autant, la majorité des contrôles se font sans qu'il n'y ait d'interpellation, puisque aucune infraction n'a alors été constatée. Et certains estiment qu'ils sont contrôlé au seul motif de la couleur de leur peau.
Quelle réalité autour du faciès? Il n'est pas question de nier que cela puisse exister. S'agit-il de la majorité des contrôles? Certainement pas! Pour autant, il faut bien comprendre que les contrôles se font, forcément, dans des lieux où des heures où les infractions sont le plus constatées. Ainsi,dans ils sont forcément bien plus nombreux dans une ville dense (à fortiori certains quartiers), à fort taux de criminalité, qu'au fin fond de la Creuse. Et ils sont opérés auprès de ceux qui représentent la plus importante population criminogène, oui, les jeunes. C'est un fait. On a bien plus d'infractions commises par des 20/30 ans que par des 60/70 ans; j'exagère le trait, mais l'idée est bien là.
Ensuite, l'on demande aussi aux policiers de lutter contre l'immigration illégale, c'est un fait. Que l'on soit ou non d'accord avec la politique gouvernementale en relation avec l'immigration, c'est un fait. Que l'on nous explique, alors, comment faire pour vérifier de la légalité de la situation administrative d'une personne.
A ce titre, l'article L611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile parle lui du contrôle comme suit:
En dehors de tout contrôle d'identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France à toute réquisition des officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1°) du code de procédure pénale.
A la suite d'un contrôle d'identité effectué en application des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale, les personnes de nationalité étrangère peuvent être également tenues de présenter les pièces et documents visés à l'alinéa précédent.
Il est alors demandé, aux effectifs intervenant de trouver des éléments "objectifs" ; et c'est donc à la Cour de Cassation de trancher sur ce dont il peut s'agir; ainsi, ces éléments objectifs ne peuvent pas être, selon la haute juridiction:
- l'apposition d'affiches en langue étrangère ;
- le fait d'être présent dans une voiture immatriculée à l'étranger ;
- l'entrée ou la sortie d'une ambassade ou d'un consulat étranger...
A cela, s'ajoute un rappel de l'ONU, fait à l'Espagne, en 2009 (source "Libération"), selon lequel "tout contrôle de police s’appuyant sur des caractéristiques physiques (comme la couleur de peau) est illégal et peut avoir des conséquences dangereuses pour la société (racisme et xénophobie)".
J'entends bien, et je veux bien que l'on se plie à tout cela. Mais derrière ces recommandations, qu'on nous le dise... de quelle manière peut-on deviner ceux qui sont en situation légale ou non! Et que l'on nous dise aussi d'où viennent ceux qui enfreignent ces règles d'immagration? Il est un fait: depuis plusieurs années, l'immigration irrégulière provient majoritairement soit d'Afrique, soit des pays en guerre que sont désormais l'Afghanistan, la Lybie, la Syrie, ou encore, de Chine, voir d'Europe de l'Est, avec la population rom. Je n'invente rien. Nous n'avons que peu d'immigration illégale des continents américains ou de l’Océanie! Ou se trouve donc la solution? Que ceux qui critiquent l'action nous disent comment ils procéderaient. Mais qu'ils nous le disent sans dogmatisme, en appliquant la politique qu'il nous est demandé d'appliquer.
La fausse bonne idée
La dernière fois que l'idée de lutter contre le contrôle au faciès était portée par les parlementaires socialistes, l'un des arguments forts résidait dans le fait que les forces de l'ordre ne pouvaient jamais être identifiés. Désormais (depuis 2013), policiers et gendarmes portent, un numéro d'identification dit "RIO"; et ce qu'ils soient en tenue ou en civil (alors apposé sur le brassard). De fait, cet argument n'a déjà plus de poids, quand bien même il faut reconnaître qu'il n'est pas toujours aisé de mémoriser un numéro à 7 chiffres, dans le cadre d'une opération de police, ou qu'il arrive (c'est le cas de certaines opérations de maintien de l'ordre) que des policiers ne portent pas ces numéros.
Au numéro RIO s'ajoutent les moyens vidéos, déployés avec force, et sous plusieurs aspects. Tout d'abord, il n'est désormais plus rare que les interventions de police soient filmées de l’extérieur, permettant ainsi, en cas de difficulté, de faire "remonter" l'information auprès de l'IGPN. Et il en est de même pour les contrôles d'identité. Ensuite, dans peu de temps, seront généralisées les "caméra piéton" que porteront désormais les policiers dans leurs interventions. Et les députés socialistes ont obtenus du gouvernement, lors des discussions de ces derniers jours, qu'un test soit effectué en filmant les contrôles d'identité au moyen, justement, des caméras dont ils seront dotés. Un amendement a donc été retenu en ce sens.
Admettons que l'on soit d'accord avec le principe (et, vous l'aurez compris, ça n'est pas mon cas). Concrètement... Il s'agirait, comme nous le dit ce twittos, Deus Le Padre, de contrôler un individu; lequel, au second contrôle et aux suivants, donnerait son receptissé? En lieu et place de sa pièce d'identité?
Et en ce qui concerne le récépissé en lui-même, le document... il m'apparait très hasardeux. Il ne faudrait que quelques jours après son entrée en vigueur pour que le document soit falsifié, et que ces papiers prospèrent un peu partout. Il nous faudrait alors faire des vérifications sur les papiers qui seraient distribués? Infaisable! Et perte de temps. Y compris pour celui qui s'en réclamerait. Donc contreproductif. Quid aussi de celui qui est contrôlé une fois; le papier lui donne-t-il une espèce de "permis"... pour la journée? la semaine? Est-ce que, parce qu'il est contrôlé une fois, il ne pourra plus l'être et que celui lui donnerait une sorte d'impunité?
J'ajoute ensuite qu'à l'heure où l'on nous parle de simplification de la procédure, il s'agirait, encore une fois, d'alourdir les procédures administratives et judiciaires, et ce de manière significative.
Et quelle sera la suite, pour les policiers? On va analyser les contrôles qu'ils font. Leur dire qu'ils ont, tel jour, contrôlé trop ou pas assez de personnes? Peut-être un jour trop d'hommes de type africain, tel jour trop d'origine asiatique? Et le lendemain, pas assez de plus de 35 ans? Ceux-là même qui sont contre le fichage souhaiteraient donc que les policiers, eux, soient fichés?
Bref, cela n'est, à mon sens, pas réalisable. Une fois encore, les seuls qui bénéficieraient principalement et concrètement de ce type de mesure seraient ceux qui pourrissent la vie des autres au quotidien, les multirécidivistes, réitérants, et autres trafiquants en tous genres. Eux exploiteraient cette mesure, et en abuseraient, comme pour chaque nouvelle mesure de ce type. Et cela ferait, une fois de plus, reculer l'efficacité des forces de l'ordre. Et les démotiver, encore un peu plus, alors qu'elles sont, jour après jour, un peu plus sollicitées, et qu'elles répondent, malgré tout, toujours présent. Ce n'est précisément pas le genre de signal que l'on attend de nos gouvernants.
La solution du 'récépissé' ne règle pas au fond le problème des contrôles discriminatoires lorsqu'ils se produisent".
Cette phrase, de 2012, est signée Dominique Baudis, alors Défenseur de Droits. Et il a raison.