"une bonne chose de faite". Voilà ce que m’inspire l'interpellation de Salah Abdeslam, qui s'est déroulée hier, en Belgique. Presque quatre mois après les attentats de novembre dernier, celui que l'on présente comme l'unique "rescapé" des assauts, est désormais sous main de justice.
A déjà, de nombreux médias évoquent le "procès". Je dois avouer que cela m'a surpris, tellement c'est incongru, et éloigné de la vérité, telle qu'elle se présentera, au regard du système qui est le notre aujourd'hui.
Et maintenant?
Avant tout, il va falloir que la procédure qui mène à son transfèrement en France (et non son extradition) aboutisse. Je vois peu de raisons pour que cela ne fonctionne pas. Mais, le droit est ainsi fait. Même en étant terroriste (présumé), il a des droits, et des recours possibles.
Une fois qu'il sera en France, on peut imaginer qu'il sera mis en examen, et placé en détention provisoire. Là encore, peu de suspense. Sauf qu'il n'est pas tout seul dans ce dossier. Combien de personnes sont à ce jour mises en examen, que ce soit en France ou en Belgique? Certes Abdeslam apparaît aujourd'hui comme la pierre angulaire de ce dossier, et il y tient un rôle bien évidemment fondamental. Ce qui ne veut pas dire que des investigations ne sont pas encore nécessaires pour déterminer le rôle et l'éventuelle responsabilité des autres protagonistes. A la fois ceux déjà interpellés et peut-être ceux qui sont encore dans la nature. Y compris jusqu'aux leaders de l'Etat Islamique, vraisemblablement en Syrie.
Il va falloir interroger toutes ces personnes, au fur et à mesure que progressent les investigations. Leur laisser la possibilité de se défendre, au regard des éléments portés à l'instruction.
Il y a ensuite toutes les victimes, parties civiles, qu'il va falloir entendre. Puis, toutes les expertises en cours. Qu'elles soient techniques (téléphones, ordinateurs) ou psychologiques. Viendra ensuite le temps de synthétiser tout cela, ce qui permettra aux magistrats (juges d'instruction et parquet) de demander un renvoi, ou non, devant la Cour d'Assise spéciale.
Et là, je ne parle pas de toutes les demandes d'actes, pour chacune des parties. Ni de tous les recours qui seront, sans nul doute, exercés. Qu'il s'agisse de la défense ou des parties civiles.
Notez que l'on met environ cinq années d'investigations (qu'il s'agisse de la phase policière ou d'instruction) pour amener un dossier de braqueurs de fourgon devant un tribunal. En général un petit groupe de cinq à dix personnes, et l'une ou l'autre partie civile.
Alors... imaginez juste cela à l'échelle d'un attentat. Quand bien même les moyens alloués aux enquêteurs et magistrats sont démultipliés. Ce n'est pas demain la veille que les caméras se retrouveront salle des pas perdus, à attendre que se présentent les avocats de Salah Abdeslam.
Pour être encore plus précis sur ces délais, selon l'article 145-2 du Code de Procédure Pénale, en matière de terrorisme, la détention provisoire ne peut excéder 4 ans, étant précisé qu'une prolongation exceptionnelle de 2 x4 mois peut être décidée par la chambre de l'instruction. Bien évidemment, la logique veut que ces délais commencent au jour où la 1ère détention provisoire a été décidée.
Laissons donc faire les enquêteurs, ainsi que les magistrats.
Retour à la réalité
En attendant, que cela soit clair. On le sait, et on nous le répète tous les jours; le risque ne s'est pas éloigné. Il n'est pas moins important depuis hier que la semaine dernière. On pourrait même imaginer que, dans une certaine mesure, cette interpellation "arrange" les affaires des "Daeschiens" présents sur le sol européen. Cette "traque" focalisait beaucoup d'attention. C'était donc, pour eux, un risque d'exposer de nombreuses personnes encore dans la clandestinité.
Alors... Oui, cette interpellation est à saluer. On va pouvoir poser beaucoup de questions à cet homme. L'on verra bien les réponses qu'il apportera... et celles qu'il n'apportera pas. Mais tout ça n'a rien de ce que l'on pourrait qualifier de "coup fatal" porté à l'organisation terroriste Daesch. On le sait. Ils sont nombreux à s'offrir à cette idéologie, prêts à aller jusqu'au sacrifice pour faire mal à tous ceux qui s'opposent à eux, tous ceux qui ne sont pas dans leur idéologie guerrière, destructrice et sectaire. C'est le cas depuis maintenant des mois... nous sommes au milieu d'un "coup" à plusieurs bandes, qui se joue, à la fois sur notre territoire, mais surtout dans la guerre menée dans les espaces syriens, irakiens et, désormais, Lybiens. Et la partie est bien loin d'être gagnée.
Salah Abdeslam... Il était un.... parmi tant d'autres.