35663 sur la ligne de départ... pour faire quoi?

C'est le nombre d'inscrits au concours de Gardien de la Paix, session 2016, dont les épreuves ont commencé hier. 35663 à plancher, pour 2800 places. Ils seront donc moins de 10% à intégrer une école de Police à l'issue du concours.

Ils ont ainsi eu à plancher sur trois épreuves distinctes:

  • une épreuve d'étude de texte: plusieurs questions courtes pour lesquelles l'on cherche à connaitre le niveau d'analyse des informations contenues dans un texte
  • des tests psychotechniques, où l'on essaye d'être au plus près de la personnalité du candidat, et ses aptitudes
  • un QCM en deux parties: la culture générale puis, au choix, soit sur l'actualité, soit sur le "Bac Pro Sécurité"

20 ans plus tôt

Ce recrutement exceptionnel, qui fait suite, à la fois aux attentats, mais forcément lié à la cure d'amaigrissement de 2007/2012, se déroule juste 20 ans après que j'ai passé, moi-même, ce concours. Je dois bien l'avouer, les épreuves n'étaient alors pas les mêmes. Alors qu'aujourd'hui le BAC est demandé aux externes, le niveau BEPC suffisait. Laissez tomber les commentaires, je les connais... tous.

J'ai passé une première fois ce concours alors que j’effectuais mon service civil dans la Police Nationale, en tant que Policier Auxiliaire. Rappelez-vous, les épaulettes vertes... C'est une question que l'on me pose souvent, mais "non", je n'ai jamais eu la vocation d'entrer dans la Police. Pas de rêve de gosse. Pour être honnête, j'étais un gamin qui n'avait aucune idée, à 16 ans, de ce qu'il voulait faire. Tout juste étais-je certain que je ne voulais pas rester à cirer les bancs de l'école. Je voulais entrer dans la vie active.

J'ai raté ce premier concours. Je ne saurais vous en donner les raisons. Entre temps, j'ai commencé à travailler dans le privé. Mais j'ai persévéré et me suis réinscrit l'année suivante. J'ai passé les épreuves, les unes après les autres. Et pourtant, il en est une supplémentaire, que j'ai dû passer, sans m'y attendre. J'ai alors été convoqué par la psychologue de la Police. Ne riez pas, encore une fois, je vous vois venir... Ce dernier m'a alors expliqué que j'étais fou qu'il ne voulait pas me "donner" le concours. Il estimait que je n'avais pas ma place. En fait, plus précisément, il voulait que je reprenne mes études pour passer le concours d'officier qui, selon lui, correspondait bien mieux à ma personnalité. Je dois avouer que j'ai dû batailler, me prostituer "vendre" pour que l'on m'accorde la droit d'être recruté. A l'issue d'un long entretien, j'ai finalement convaincu.

Vingt ans plus tard, je me dis c'est elle qui avait raison.

Je suis entré en école de Police quelques mois plus tard. C'était alors un "Centre de Formation de la Police", totalement intégré aux locaux d'une CRS provinciale. La scolarité y a duré douze mois. Une première séquence de quatre mois pleins en école. Un mois de découverte en stage. Puis deux mois de formation théorique, pour deux mois de terrain. Et une nouvelle alternance de deux séquences d'un mois chacune.

Au programme des cours théoriques: droit, sport, tir, self-défense, armement... bref, tout ce qui fait un gardien de la Paix. Et puis, au bout de 11 mois, vient le choix des postes. Un classement est établi, au niveau national, sur l'ensemble des épreuves. Il faut l'avouer, les notes étaient alors très subjectives, puisque même les stages étaient notés. Et, bien souvent, un peu "à la gueule du client". Autant dire que le classement national ne reflétait pas forcément, non plus, le niveau réel des élèves.

Arrive alors la fameuse "liste des postes". Tous les policiers connaissent cela, les magistrats aussi, il me semble. Je m'y revois. Une carte de France. Et des punaises de toutes les couleurs. Détail important: nous avions tous, ou presque, conscience que notre avenir se jouait en région parisienne. Alors même que nous étions 90% de provinciaux. Seuls les tout premiers au classement national auraient peut-être la chance d'arriver à décrocher un poste en province. Encore moins seraient ceux qui arriveraient à directement rentrer chez eux. Ainsi donc, les postes les plus pourvus étaient ceux en CRS. Ils permettaient, à la fois, d'avoir plus de chance d'aller en province, mais aussi, il faut le dire, les CRS étant indemnisés en fonction de leurs déplacements, lorsque l'on a 20/25 ans, ça compte.

J'avais terminé ma scolarité en étant classé à la fin de la première moitié du classement. Je n'étais pas intéressé par le métier de CRS, mais cela m'évitait également les postes de garde statique. Parce que oui, il faut le savoir, de nombreux postes étaient (et c'est encore le cas, je pense), à pourvoir dans des services qui font de la garde statique, tels que la Compagnie de Garde de l'Elysée ou, à l'époque, le SSMI, Service de Sécurité du Ministère de l’Intérieur. Ces services regroupaient à la fois ceux qui voulaient y aller, pour être sur Paris intra-muros, mais aussi, parfois, ceux qui étaient les moins bien classés.

En piste...

Me voilà affecté dans un commissariat de région parisienne. Nous étions alors précisément 101 dalmatiens à arriver sur le département en question. Me voilà, avec un copain, arriver sur Paris. C'est important, je n'y avais jamais mis les pieds autrement que pour passer le périphérique et me rendre sur la côte normande. Bien sur, au début, il a fallu se loger. Autant dire que personne ne vous aidait pour cela à l'époque (est-ce que cas aujourd'hui? pas sur). J'ai donc, avec un "pote" réservé une chambre d’hôtel. Manque de chance, il y avait à l'époque un colloque très important, ce qui fait que les hôtels les plus proches et abordables étaient tous pleins.

Me voilà, au terme de mon premier soir en région parisienne dans un hôtel... à Sarcelles. Sur les hauteurs. Je ne sais si vous connaissez cette ville, mais le provincial que j'étais s'est retrouvé très impressionné devant cette vue. Des tours, en long, en large et en travers... Partout. Me voilà au deuxième jour, et il faut rejoindre le commissariat local. Nouvelle précision importante: le GPS n'existait pas, à l'époque, et c'était donc avec un plan qu'il fallait s'y rendre... Je me suis retrouvé sur le boulevard circulaire de la Défense, à en faire deux fois le tour... persuadé qu'il s'agissait du périphérique. Les parisiens, vous comprendrez.

J'ai finalement intégré une brigade de nuit. J'avais fait ce choix pour éviter les bouchons parisiens du jour. Un groupe d'une douzaine de personnes. De tous âges. Le chef de brigade était alors un Brigadier-Chef. Les stagiaires que nous étions voyaient cela comme un aboutissement... alors autant vous dire qu'un officier ou un commissaire de Police...

Et là, une de mes premières nuits. Je me retrouve "chauffeur" de la TV (l'indicatif donné à un véhicule). Le chef de bord est un "chef". Je conduis... et lui, très efféminé, adorateur de Pascal Sevran et sa "chance aux chansons", de passer un bras derrière l'appui-tête de mon siège. Il me regarde... et me dit "alors, raconte-moi ta vie, jeune homme"... Mon premier grand moment de solitude. J'ai bien vite compris qu'il s'agissait, pour lui, d'une forme de bizutage avec tous les "petits jeunes" qui arrivaient.

Quelles perspectives?

La réforme de 1995 était passée par là. Il était désormais possible, pour des gardiens de la Paix, d'avoir une fonction d'enquêteur, et donc de travailler dans les métiers d'investigation. D'autres se destinaient plus à la BAC, mais j'avais plus la fibre "papier/enquête" que "saute-dessus / flag". Au bout de trois ans, j'ai donc intégré l'Unité d'Investigations et de Recherches. Ceux que j'y côtoyais étaient pour moi des demi-Dieux. C'est précisément à cet instant que m'est venue cette vocation. J'ai ensuite passé le "bloc OPJ" et enchaîné les services d'investigation.

Tout ça pour dire que celui qui est motivé a, en entrant dans la police, une large palette de métiers à sa disposition, fonction de ce qu'il aime. Le commissariat, les CRS, l'investigation, le renseignement... toutes ces spécificités, et d'autres, regorgeant, encore elles-mêmes, d'autres spécialités. Chacun est en mesure de trouver sa place. Le tout est d'être motivé, sérieux, et de saisir les opportunités qui se présentent. Il y a de quoi prendre beaucoup de plaisir.

Nos métiers sont exigeants, difficiles, usant, parfois risqués. Il faut le dire, l'on est rarement accueilli avec des fleurs. Les "gens" appellent la police, le plus souvent, lorsqu'ils ont des problèmes. Il nous arrive d'être découragés. L'on a l'impression d'être des "mal-aimé" de la société. Chaque fait divers dans lequel est impliqué un policier laisse l'impression que tout le monde généralise. Et ça touche L'on nous parle, systématiquement de la dernière contravention reçue, de la politique pénale du moment... Bref, c'est un métier de tous les instants. Un métier où l'on ne sait que rarement de quoi la semaine sera faite, qui l'on va rencontrer, dans quelles circonstances, ce qui évite aussi la routine, qui peut être dangereuse. Et puis, soyons honnêtes, la reconnaissance ne vient pas forcément de là où on l'attend.

Pourtant, s'agissant d'un métier au contact de l'humain, c'est précisément là que l'on y trouve la plus belle des choses: l'enrichissement. Non pas financier, là il faut choisir un autre métier, mais intérieur. Il faut avoir toujours conscience que, en tant que "service public", nous sommes au service de la population.  Et celle-ci sait parfois être reconnaissante. En ce qui me concerne, c'est bien souvent de là que m'est venue la satisfaction. Ce sont encore les meilleurs remerciements que l'on puisse obtenir.

 

Alors, à vous tous, candidates et candidats.... Bon courage, pour cette année. A ceux qui passeront l'admissibilité, il vous restera ensuite les épreuves de pré admission (tests physiques) et d'admission (tests oraux, et pratiques). Alors, pour les plus chanceux, vous pourrez vous prévaloir, bien plus que le simple grade, du titre de GARDIEN DE LA PAIX.

Précisément où notre métier prend tout son sens.