Viol: Des victimes dans le silence... encore

©Xavier de Torres/Maxppp. 2014/11/22. MANIFESTATION CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES. PARIS. FRANCE. DEMONSTRATION FOR ELIMINATION OF VIOLENCE AGAINST WOMEN. PARIS. FRANCE. NOVEMBER 22 2014. (MaxPPP TagID: maxnewsworldthree625770.jpg) [Photo via MaxPPP]

©Xavier de Torres/Maxppp. 2014/11/22. MANIFESTATION CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES. PARIS. FRANCE.

Elle se trouvait dans le métro. Ne demandant rien à personne. Lorsque, se positionnant derrière elle, il lui a imposé une pénétration digitale. Un viol. 

L'infraction est définie à l'article 222-23 du Code Pénal, comme suit:

"Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol.

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle".

Il n'y a aucun doute, donc. Une pénétration. Non consentie. Un viol. C'est très clair. Une procédure judiciaire est donc en cours; en attendant qu'il soit possible de recueillir le témoignage et, éventuellement la plainte, de la jeune femme.

Il faut bien le reconnaître, il s'agit là de l'une des infractions pour lesquelles il est le plus difficile de déposer plainte. Même si la judiciarisation n'est pas une fin en soit pour les victimes.

Dix ans plus tôt

Point encore de blogs, Facebook ou Twitter.  Les forums étaient alors le premier et le seul espace de discussion public, anonyme. J'avais déjà pu le percevoir dans mon quotidien professionnel, mais en arrivant sur ce site,  j'étais loin d'imaginer le besoin réel d'information. Combien de personnes « perdues », sans réponses, sans savoir à qui s'adresser. Cela m'avait frappé. Je m'étais alors inscrit, en affichant pour la première fois, publiquement, ma fonction de "policier". Beaucoup de méfiance au début, mais au final, des centaines de messages. J'ai toujours fait le choix, dans mes réponses, d'avoir un discours particulier, qui s'adresse "en personne" à chacun ou chacune. Tous avaient leur histoire, leur drame. Parfois même plusieurs. Ils méritaient donc une attention particulière, un message particulier.

Il m'arrive encore aujourd'hui, de recevoir des messages. Preuve, s'il en est, que ce besoin d'information n'est toujours pas satisfait. A l'heure où la Police, la Gendarmerie, disposent de moyens de communication très évolués (sites internet, profils Twitter, Facebook), qui délivrent un message institutionnel, notamment de prévention, rien n'est fait (ou peu) pour celles et ceux qui ont peur de franchir les portes d'un commissariat, pour les y inciter. Pour, ne serait-ce que répondre à quelques questions d'ordre général. Ce sont, bien souvent des victimes, mais aussi des parents, qui sont en recherche de solutions quand au comportement qu'ils doivent adopter devant leur enfant victime de viol. Eux aussi sont perdus. 

Les réseaux ont cela de bien qu'ils permettent, de par l'anonymat, un contact, même virtuel, le temps de rassembler le courage de franchir le pas d'une porte. Un commissariat, un professionnel de santé, une association... peu importe, mais en parler.

Et encore aujourd'hui...

Je dois dire que j'ai été étonné, voir choqué, par certains messages qui m'ont été laissé à l'époque. Combien étaient culpabilisés par leur famille ? "il ne faut rien dire, même si tonton t'a fait du mal, tu vas détruire la famille". Combien y en avait-t-il, violés des années auparavant, se demandant juste s'ils étaient dans leur droit, pour déposer plainte ? Combien n'arrivaient pas à mettre de mots sur les maux ? 

C'était il y a dix ans... Et pourtant, lorsque l'on voit les clichés qui sévissent encore, on se rend compte, au besoin, qu'il n'y a que le temps et la répétition, encore et toujours, qui feront que les choses changeront. Que ceux qui sont victimes soient reconnus en tant que tels, face à ceux qui ont créé ces situations.

Il y a la mentalité d'une "société" face au viol, mais il ne faut pas se voiler la face, il y a également celle des institutions, et des personnels qui la composent. Il est aussi question, dans les cas de refus de plainte, de défiance, envers la police (ou la gendarmerie) et la justice. Même si je crois que les personnels sont aujourd'hui, à la fois, plus formés, et plus sensibilisés, des efforts restent à faire. 

Judiciariser n'est donc pas une fin en soit. Je ne sais la réalité qui consisterait à ce que voir l'auteur condamné, serait important dans la reconstruction d'une victime! Ce discours était répandu il y a quelques années; il semblerait qu'il le soit moins aujourd'hui, voir infirmé. Mais, si déposer plainte n'est pas forcément réparateur, le suivi psychologique, avec l'aide d'un professionnel, me parait encore la démarche la plus importante. Parce que, si "oublier" n'est pas possible,  "apprendre à vivre avec" est une nécessité.