C'est bel et bien un "drame familial", qui est survenu hier, Samedi, à Ales. Une jeune femme de 25 ans a été tuée, par balle, dans son véhicule. Ce sont les termes employés par le procureur de la République de Nîmes, selon cet article du site France Tv Info. La particularité: l'auteur des coups de feu est policier. Et il a fait usage de son arme de service pour commettre ce qui doit bel et bien être qualifié d'homicide volontaire. Après les faits, il se serait, de lui-même, constitué prisonnier, au commissariat de Police de la ville.
J'ai appris cette nouvelle hier; comme de nombreux "observateurs" de l'actualité. Une info qui passe. Je ne lis même pas l'article en entier. Je pense à cette jeune femme de 25 ans, sa famille... c'est terrible. Comment en arriver là?
L'Etat d"Urgence: l'info de trop
Jusque là, un fait divers. Aussi horrible que cela soit. Pas d'excuse parce qu'il s'agit d'un policier. Au contraire, dirais-je. Mais cette info n'arrive pas seule. Les premières analyses... Très vite. Et je ne l'ai pas vu venir. ETAT D'URGENCE. Ce sont les mots magiques du moment. Les "pour", les "contre" chacun y va de ses arguments... Oui, depuis quelques semaines maintenant, les policiers, dans le cadre de l'Etat d'Urgence, ont un port de l'arme, hors service, un peu plus "assoupli", plus "large" qu'à l'ordinaire.
CQFD. Dès le premier jour où cette mesure a été votée, nombreux sont ceux qui n'attendaient que cela: LA BAVURE. Histoire d'un peu plus en rajouter au débat politique, pour dire que "oh mon Dieu" l'Etat d'Urgence et tout ce qui en découle, c'est le mal. Que les policiers, ces cow-boys modernes, en useront, et certainement abuseront. "vous allez voir", qu'ils nous disaient. Et j'ai précisément le souvenir d'une telle conversation, où l'on mettait en garde.
Donc, ce qui devait arriver... arriva. Ceux-là pourront mettre une croix dans la case "bavure à cause de l'Etat d'Urgence". Il était, bien sur évident que n'importe quel fait qui se produirait serait comptabilisé de la sorte. Et peu importe le fait de savoir si c'est effectivement lié ou non. Il tire, il est policier, il a son arme en dehors de son service. Ça suffit.
Un fait divers... malheureusement pas unique
17 octobre 2011: un policier "joue" (???) chez lui, avec son arme de service, et tue, accidentellement, sa compagne, à Carrière sous Poissy, dans les Yvelines.
7 Mai 2014: un policier de 32 ans se rend au domicile de sa compagne; sous les yeux de celle-ci, il tue leur fille de 4 ans, avant de se suicider.
nuit du 12 au 13 juillet 2014: c'est un policier de la Sûreté Publique de Monaco qui tue sa femme, avant de retourner l'arme contre lui.
Trois faits divers retrouvés en deux minutes à l'aide d'un moteur de recherche. Aucun de ces faits ne s'est déroulé alors que nous nous trouvions sous ce régime particulier qu'est l'Etat d'Urgence. Chaque année, une cinquantaine de policiers se donnent la mort, souvent avec leur arme de service. Et aucun d'eux n'a attendu l'Etat d'Urgence pour passer à l'acte.
Alors, lier ce meurtre avec une crise politique n'a strictement aucun sens. Relier ces deux événements, c'est précisément faire la même chose que ce que font certains politiques: utiliser un fait divers pour en faire de la récupération. Et ce sont précisément les mêmes qui dénoncent chaque jour ce genre de comportement, qui, cette fois-ci, sont à la manœuvre. Ils font exactement ce qu'ils dénoncent.
Je me permet de citer une phrase que j'ai pu lire: "Il y a suffisamment de choses a contester dans l'etat d'urgence sans y lier des actes qui n'en procèdent pas". C'est très clair. Je n'ai même pas de position tranchée sur l'Etat d'Urgence, et l'usage qui en découle. Je fais partie de ceux qui, ramènent, tous les jours leur arme de service au domicile. Dans le stricte respect des consignes qui nous sont données. Et en toute sécurité pour ceux qui sont sous le même toit que moi. Et je n'ai jamais eu à m'en servir. Ni même avant les événements de Novembre. Et il y a une infime chance (et c'est tant mieux) que cela arrive.
Pourtant, les règles de port d'arme n'ont été que partiellement "assouplies" depuis les événements de Novembre. Auparavant, il était déjà possible de ramener une arme à domicile, au milieu d'un cycle de travail, à condition de rester sur sa zone de compétence. Et cela sans même compter les spécificités de services spécialisés.
Nul besoin, donc, de nouvelles règles, pour voir survenir ce genre de drame. Rien ne permet de relier l'Etat d'Urgence et ce meurtre. Ce policier a usé d'une facilité offerte à un moment précis. Peut-être aurait-il eu son arme, même hors Etat d'Urgence. Peut-être aussi aurait-il enfreint un règlement qui lui aurait interdit de l'avoir. Peut-être aurait-il utilisé une autre arme, un autre moyen, pour parvenir à ses fins... Nous n'en savons et n'en saurons jamais rien.
Laissons donc cette affaire où elle est. Des familles endeuillées par la perte d'un proche.
Enfin, je me permettrais d'avoir un regard, pour une fois, sur "les trains qui arrivent à l'heure". Cela n’intéresse pas la presse, donc l'on en retrouvera jamais trace. Mais à ceux qui s'interrogeraient sur le port de l'arme, par les policiers, hors service, je dis que cet usage a déjà bien souvent pu aider, dans de nombreuses circonstances, sur des épisodes bien moins tragiques. Des cas où des policiers, sont intervenus, pour empêcher une situation de dégénérer. Et très souvent sans qu'ils n'aient eu à faire feu.
Alors, pour un cas, un jour, en France, ne tirons pas de généralités, dont les conséquences seraient juste contre-productives à bien des égards. Tout cela, juste pour compléter un argumentaire politique.