En temps normal, il serait d'usage que je vous présente mes vœux de nouvelle année. Comme on le fait tous, avec nos proches, collègues, durant tout ce mois de Janvier. Et pourtant, je ne peux m'empêcher (et je pense que vous êtes nombreux à l'avoir noté) que la dernière fois que nous avons de même, cela n'a pas été très heureux. Et c'est le moins que l'on puisse dire.
Il y a un an, jour pour jour, onze personnes étaient assassinées en plein cœur de Paris. Parmi elles, deux policiers. Franck Brinsolaro, garde du corps de Charb, et Ahmed Merabet, appelé en intervention. Je n'oublierai jamais cette vidéo, ces mots prononcés par Ahmed, à celui qui deviendra son bourreau. Celui qui n'aura pas hésité à abattre un homme blessé, à terre. Pas un policier, pas un gendarme ne devra jamais oublier ce 7 janvier 2015.
Le lendemain, c'est Clarissa Jean-Philippe, policière municipale à Montrouge, qui est abattue. D'une balle dans le dos. Preuve, encore, s'il en est, de ce courage de niveau zéro qui traverse les terroristes.
La traque des terroristes commence. Le 8 janvier, c'est l'Hyper Casher de la porte de Vincennes qui est attaqué, faisant de nouvelles victimes. Le jour même, les trois terroristes mourront sous les balles.
Le 11 janvier, plusieurs millions de français manifesteront dans toutes les villes de France. Au moins l'espace d'une journée, les fous auront réussi à rassembler les français.
Trois mois plus tard, un autre terroriste verra son projet avorté; cette fois-ci par sa maladresse, se tirant littéralement une balle dans le pied. Il aura pourtant eu le temps de faire une victime, Aurélie Chatelain.
Alors que les français s’apprêtent à rentrer de vacances, un drame est évité, grâce au courage de trois militaires américains en voyage en France, et d'un professeur d'anglais. In extremis, ils sauvent les passagers du Thalys entre Amsterdam et Paris. C'était un carnage assuré.
Et puis, précisément au moment où l'on ne voit plus rien venir, où l'on a tous repris le cours de nos vies, l'horreur franchit un nouveau cap. C'était il y a tout juste deux mois. 131 personnes trouvaient la mort, alors qu'ils profitaient tout simplement de la vie. Attablés à un comptoir, à siroter une bière ou écouter de la musique dans une salle de concert. Cette fois-ci, ce ne sont pas des journalistes, ni des policiers, ni même la communauté juive, qui ont été visés. Non. Chacun d'entre nous aurait pu être dans ce bar, cette salle, ce restaurant.
Alors, précisément le jour où j'avais envie de vous adresser quelque vœu traditionnel, ce mercredi 7 janvier 2016, la vie, dans ce qu'elle fait de plus moche, se met à nous rappeler que non, finalement rien ne sera plus jamais comment avant. La peur? Non, certainement pas. La crainte? Même pas. Mais il suffira d'un décérébré tout seul, en mal de reconnaissance pour nous rappeler les risques que désormais nous courrons.
Nous étions tous, ce midi, une fois encore dans nos vies. A travailler, éventuellement à parcourir l'actualité, concentrée sur les commémorations du premier anniversaire des attentats de Charlie. Lorsque les unes journalistiques ont changées. Un policier venait de faire feu, devant le commissariat du 18ème arrondissement parisien. Un homme est au sol, mort. Il s'était présenté un hachoir à la main, tentant, selon les premières informations, de rentrer ans le commissariat. L'enquête nous dira ce qu'il a été précisément. Acte isolé? Peut-être.
Quoi qu'il en soit, dans ces moments-là, on ressasse l'idée selon laquelle, non, rien ne sera jamais plus comme avant.
Et pourtant, nous sommes là. Les jours se suivent. Les semaines. Et les saisons, même si elles aussi, semblent troublées.
Mais, demain, nous nous lèverons. Nos enfants iront à l'école, nous irons travailler. Et puis, ça sera le traditionnel week-end, durant lequel nous tenterons, parfois en vain, de nous reposer.
Bref, c'est la vie. Chaque matin, la vie devra reprendre son cours. Quoi qu'il advienne. En cela, les terroristes, quelle que soit leur idéologie nauséabonde, leurs motivations, n'arriveront jamais à la leurs fins. Quand-bien même il est possible que nous souffrions de l'horreur qu'ils voudraient propager.
Aujourd'hui, 07 janvier 2016, je ne sais pas ce que c'est qu'être Charlie. Ou ce qui fait qu'on ne le serait pas.
Mais notre liberté sera toujours bien plus forte que la prison dans laquelle ils se sont enfermé les fous.
Pro patria vigilant: « Ils veillent pour la Patrie ».Franck, Ahmed, Clarissa, vos vies ont été volées alors que vous protégiez et représentiez la France. Vos collègues ne l'oublieront jamais.
Et sinon, au fait.. A vous tous, très bonne année 2016.