L'insomnie peut être, parfois, le moment où l'on peut réfléchir des plus calmement, sereinement. A moins que ça soit l'inverse, et que la fatigue nous fasse dire n'importe quoi. Je vous en laisse juge.
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Il est bien là, le débat qui secoue la France, depuis les attentats du 13 novembre. Choisir entre sécurité et liberté? Comme si les deux étaient finalement incompatibles.
Et, à chaque, l'on en trouve un pour ressortir cette phrase attribuée à Benjamin Franklin
"Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux"
Un peu comme si, finalement, ceux qui optaient (si tant est qu'il s'agisse d'un choix) pour un regain de sécurité étaient un peu les "croque-mitaine"; un peu comme s'il s'agissait de parler de sécurité juste pour faire peur, et à des fins maléfiques pour tout le monde.
En ce qui me concerne, vous l'aurez compris, je ne crie pas au loup avant de l'avoir vu. Aujourd'hui, une partie du débat porte sur la déchéance de nationalité.
Faut-il opter pour la déchéance de nationalité?
Le débat est à double niveau, à la fois juridique et moral.
D'abord, puisque c'est ce qui régit notre société, le droit. Il est un fait, et Patrick Devedjian l'a rappelé, cette mesure pourrait poser un problème, allant à l'encontre de l'article premier de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, selon lequel "Les hommes naissent libres et égaux en droits". La mesure étant susceptible de s'appliquer y compris aux bi-nationaux de naissance, l'on voit bien la problématique.
Sur le plan moral, je lis, ici et là, des déclarations de certains bi-nationaux, se sentant, par le biais de cette mesure, comme étant des "sous-citoyens". A cela, je répondrai que, de mon point de vue, ils prennent le problème à l'envers. Il faut tout de même rappeler que le texte s'appliquerait, avant tout, à l'encontre des terroristes; et c'est eux qu'il vise. Donc, s'assimiler à un terroriste parce que l'on a un droit susceptible de nous viser ne me parait pas des plus justes. Je ne m'estimerais pas pédophile parce que l'on pourrait prendre des mesures susceptibles de combattre les agissements de ces hommes.
Alors, j'entends bien, aussi, ceux qui pensent qu'inscrire la décheance de nationalité dans la constitution serait en fait ouvrir une boite de Pandore. Et risquer le fait que cette mesure puisse être ouverte à d'autres infractions... Ce que, d'ailleurs, n'a pas manqué de rappeler Florian Filippot, Vice-Président du Front National. Personnellement, je me dis que, le jour où le Front National arrivera au pouvoir, il n'aura nul besoin d'un texte voté par un autre parti, pour appliquer son programme. Il votera les mesures qu'il aura promises à ses électeurs. C'est donc, à mon sens, un faux argument.
Maintenant, soyons concrets. Terre à terre. Chacun le sait, ce n'est pas cette mesure qui permettra de combattre le terrorisme. Elle a, me semble-t-il, plus une portée symbolique, que concrète dans la problématique qui nous échoit.
Le Gouvernement veut montrer, et c'est naturel, qu'il agit face au terrorisme qui vise notre pays. Et qu'il prend des mesures immédiates pour le combattre. Qui pourrait le lui reprocher? Les citoyens français veulent se sentir en sécurité; et, il est un fait, ce n'est plus forcément le cas. Deux vagues d'attentats ont secoué le pays en un an; la dernière nous a montré que n'importe qui pouvait en être victime. Il ne suffit désormais plus, comme en janvier, d’apparaître comme "cible priorisée" des terroristes, comme pourraient l'être les policiers et militaires, représentants de l'Etat français, ou encore des journalistes acerbes osant critiquer la société dans tout ce qui la représente, y compris le religieux.
Les terrains de réflexion de la société française
A dire vrai, il me semble que nous sommes en présence d'une problématique qui devra se régler en trois tableaux totalement distincts.
Le premier se jouera sur le plan politico-militaire, sur les terrains d'affrontement. Il s'agit avant tout de faire en sorte que ce pseudo état terroriste n'ait plus les moyens de se répandre. Ni financièrement ni géographiquement. Il visera ensuite à ce que les pays sur le sol desquels il a pu se développer (Syrie, Irak, Libye, notamment) retrouvent une gouvernance stable, chaque pays se devant d'être capable, sur son propre sol, de ne pas laisser des groupes terroristes se développer. Et rien que cela, ce n'est pas gagné d'avance, loin s'en faut.
Le second volet nous vise plus directement, s'agissant de faire en sorte que notre pays ne soit plus cible d'attaques terroristes sur son sol. Eviter que des djihadistes, ne reviennent, formés et coordonnés, comme il semble que cela eut été le cas en novembre dernier. Ou qu'ils s'en prennent à la société, de manière isolé, se revendiquant de l'idéologie djihadiste. C'est avant tout le travail des services qui luttent contre le terrorisme. A l'exécutif et au législatif de faire en sorte que ces services, ainsi que la justice, aient les moyens nécessaires pour être efficaces. Nous avons aujourd'hui les armes pour lutter contre les terroristes qui sont passés à l'acte, ou ceux dont on arrive à démontrer qu'ils projettent de le faire. Mais, que doit-on faire devant des gens qui se sont radicalisés (que ce soit en prison, sur internet, ou par un autre moyen), et qui, en eux-mêmes, vont à l'encontre de tous les principes du "vivre ensemble" de la société française, et qui la rejettent? Doit-on agir sur la simple infraction que de "penser" ou prendre le risque qu'ils commentent l'irréparable? Je comprends bien que cela pose un réel problème, mais pour avoir eu à faire à ce genre de personne, j'avoue qu'il m'est difficile de rester inactif, et juste attendre, en me disant que, "ben non, si ça se trouve, il ne fera jamais rien"!
Mais notre pays va devoir réfléchir sur du long terme. Qu'est-ce qui a fait que des enfants ayant grandis en son sein puissent en arriver à se retourner contre lui? Elle est bien là, la réflexion la plus difficile à mener. Et, de fait, les solutions à apporter! Des jeunes adultes, et parfois même des adolescents, se trouvent plus de points communs avec Daesch qu'avec la France! Durant des années, cette jeunesse issue, le plus souvent, des quartiers populaires, s'est "contentée" de se retrouver dans une délinquance de voie publique voir, pour les plus aguerris, dans le banditisme. Désormais, ça ne suffit plus; un pas est franchi. Ils ne sont plus forcément en mal d'argent (l'on pouvait alors faire l'association avec les crimes crapuleux), mais ils attendent bien plus. Ils veulent faire partie de quelque chose. Quelque part, sans galvauder le mot, ils cherchent une famille, des repères qui ne leurs ont pas été donnés, ou qu'ils ont perdu. C'est d'ailleurs souvent la force des sectes que d'être aptes, par un discours, à proposer une reconnaissance, à ceux qui sont en mal d'en avoir. Au delà même du prisme religieux, ou de l'excuse qui l'habille, c'est précisément à ce type de phénomène que nous avons à faire face.
Ces gamins, s'ils ont choisi cette voie, ont avant tout déduit qu'ils n'avaient, ici, pas d'avenir. Ne se reconnaissant plus dans ce que la France pouvait leur offrir. Ni travail, ni assimilation de ce qu'est ce pays. Aucune vision à long terme, une perte totale de ses valeurs. Certains d'entre eux ont, avant cela, été victimes dans leur propre famille. Et cela pose, pour ces cas-là, un problème qui est précisément celui de l'éducation intra-familiale. Celle-là même qui ne peut être dévolue à l'Etat; pas même par le biais de l'Education Nationale. Comme l'a écrit Victor Hugo, "L'éducation, c'est la famille qui la donne ; l'instruction, c'est l'État qui la doit".
Voilà tout ce à quoi le pays va devoir faire face. Et, à mon petit niveau, je me dis qu'il va falloir prendre des décisions. Nous sommes plongés, depuis des années, dans ce qui semble être un immobilisme, un état stationnaire. Tout à fait à l'opposé de la mondialisation au cœur de laquelle nous nous trouvons et qui a tendance à accroître les fractures si l'on ne s'adapte pas.
La solution ne peut, et ne doit pas être dans le repli sur soi. Ce serait à la fois une faute historique, eu égard à notre passé, mais juste aller à l'encontre du reste du monde en se disant que nous serions les seuls à avoir LA solution.
La vérité est que nous devons nous adapter. Plus profondément que par de petites réformes successives, souvent mises à mal par les pouvoirs qui se succèdent. La société française va devoir se trouver une locomotive et ensuite s'accrocher aux wagons, Et pour cela, elle va devoir renoncer, parfois, à des idées portées par un autre temps. Un temps où l'on n'était pas en guerre face à un ennemi qui n'est pas, au quotidien, clairement identifiable. Et, de la sorte, penser, entre autre, que la sécurité n'est pas forcément le contraire de la liberté. Bien au contraire. Elle peut en être le corollaire. Se dire que, quelqu'un qui se sent en sécurité est libre.
Et c'est peut-être la plus importante des difficultés que nous allons devoir surmonter. Bien plus largement que le seul problème sécuritaire: changer notre logiciel, notre modèle de pensée.