Les écoles que vous allez découvrir n’ont rien à voir avec l’école publique. Elles sont hors contrat, parfois illégales, et même clandestines. On y enseigne à des enfants un islam souvent radical.
Pendant plusieurs semaines, nous avons enquêté sur ces établissements qui échappent au contrôle de l’Etat. A Toulouse, dans le quartier du Mirail, cette école hors contrat a ouvert il y a 3 ans. Elle accueille une cinquantaine d’enfants en classe de primaire.
Alors que nous sommes devant l’école, un parent d’élève nous interpelle. Il a inscrit son enfant ici. Il rejette l’école publique. Pour lui, "dans les écoles publiques, le niveau est désastreux, il y a des professeurs qui ne sont pas compétents, c’est la jungle, on laisse les élèves parler mal devant les professeurs sans qu’aucun professeur ne réagisse, c’est désastreux."
Est-ce la seule raison qui incite ce parent d’élève à scolariser son enfant ici ? Nous avons sollicité Abdelfattah Rahhaoui, le directeur de l’école. Il a accepté de nous la faire visiter.
Pendant la visite, voilà ce qu'il déclare : "nous ce qu’on recherche, c’est que ces musulmans stigmatisés et mis sur la marge qu’ils puissent être meilleurs et très bons intellectuels".
Une mixité feinte
Un enseignement classique, le directeur nous le répétera plusieurs fois. Au détour d’un couloir, nous découvrons un autre aspect de cette école. Une assistante, entièrement voilée.
Dans cette classe de CM1, à 9 ans, les fillettes elles aussi sont voilées. La religion prend beaucoup de place et les réponses semblent apprises par cœur. Nous interrogeons un élève : "Pourquoi vous êtes dans cette école ? parce c’est une école musulmane, et nous on est des musulmans et pour apprendre le Coran, le français, les maths et tout et tout et l’arabe aussi..."
Sur l’emploi du temps affiché en classe, huit heures et demi d’arabe, de Coran et d’éducation islamique par semaine, le matin et l’après-midi. Pour l’inspection académique de Toulouse qui a contrôlé l’école en avril dernier, cette répartition pose problème. Dans son rapport, elle écrit : "Pas d’enseignement des sciences, de l’histoire et de la géographie", "Enseignement moral et civique réduit à l’éducation islamique", "L’étude quotidienne du Coran oblitère le temps de façon importante et réduit les séances consacrées aux connaissances et compétences minimales à faire acquérir."
Abdelfattah Rahhaoui conteste ces conclusions. Un autre point aurait attiré l’attention de l’administration : la mixité. Pendant notre visite, nous avons vu des garçons et des filles jouer ensemble. Pourtant, nous avons recueilli le témoignage d’une ancienne enseignante. Pour la protéger nous avons reconstitué cet entretien. A l’entendre, le directeur de l’école ferait tout pour limiter la mixité. Voici ce qu’elle nous raconte : "La récréation tout le monde sort mais toujours un coin pour les filles, un coin pour les garçons. Même quand ils mangent, les garçons dans un coin, les filles dans l’autre. Non pour la mixité, il est dur dur…"
L’inspection académique a décidé d’engager des poursuites. Abdelfattah Rahhaoui est aussi connu des services de police pour sa radicalité. Le 15 décembre, le tribunal a ordonné la fermeture immédiate de l’école après 3 ans d’activité. Abdelfattah Rahaoui a été condamné à de la prison avec sursis pour enseignement non conforme, ouverture illégale d’un établissement scolaire et violences sur mineur. Il a décidé de faire appel. Mais la semaine dernière, l’école accueillait toujours des enfants.
A Toulouse, l’éducation nationale connaissait l’existence de l’établissement. Mais d’autre écoles se rendent indétectables. Elles sont clandestines.
Des écoles indétectables par les autorités
A Saint-Denis, au nord de Paris, au pied de cet immeuble, rien n’indique la présence d’une école. Et pourtant, chaque matin, des parents y déposent leurs enfants. Une trentaine de garçons et de filles de 2 à 10 ans. Les fenêtres sont obstruées. Le portail est cadenassé. Pas de récréation, les enfants restent à l’intérieur toute la journée.
Nous nous faisons passer pour des parents qui cherchent à inscrire leur enfant. Nous abordons une enseignante. Elle nous explique la répartition des cours: "Le matin c’est les ateliers. Et l’après midi c’est tout ce qui est langue, arabe coran anglais."
Le directeur s’occupe du primaire. Il est débordé. "Franchement je n’ai pas le temps j’ai ma classe. J’ai ma classe, il faut que je m’en charge, je peux pas les laisser tout seuls."
Quant aux parents, leurs motivations sont religieuses. Un parent nous dit : “tu vois, ta fille elle rentre, elle récite une petite sourate, des invocations, elle parle un peu arabe, c’est d'la bombe. C’est bien le père noël ? non c’est pas bien".
Cette école n’est déclarée auprès d’aucune administration. Elles est clandestine. Comment des enfants peuvent-ils se retrouver dans ces établissements hors-la-loi ? Le mode d’emploi se trouve sur internet. Sur certains forums, des centaines de mères musulmanes tiennent des propos radicaux contre l’école publique. On peut y lire. "Il est interdit au musulman d’étudier dans ces écoles. Ces écoles sont devenues une corruption pour les jeunes et une nuisance pour l’enseignement."
Pour retirer leurs enfants de l’école publique, ces mères utilisent un moyen légal : prétendre faire l’école à la maison. Un simple courrier envoyé à la mairie suffit.
Dans le Val d’Oise, ces déscolarisations auraient augmenté de 40 % en un an. A Sarcelles, 90 enfants sont sortis de l’école chaque année. Certains d’entre eux se retrouvent dans ces écoles hors-la-loi. Le maire, François Pupponi, a signalé aux autorités une école clandestine sur sa commune. Sans effet jusqu’à présent. Il s’inquiète des risques pour la société.
A Saint-Denis par exemple. L’école est inconnue des services de l’état. Officiellement, elle est gérée par une association dont l’activité déclarée à la préfecture est assez vague: "l’éducation, la formation et l’enseignement des enfants, des jeunes et des adultes”
Quand on pose la question au directeur, il répond : “On n’est pas une école. Arrêtez s’il vous plaît. On fait du soutien scolaire. Arrêtez, commencez pas à nous embêter. C’est pas bien ce que vous faites monsieur. On a rien fait de mal !”
Pourtant accueillir des enfants toute la journée, ce n’est plus du soutien scolaire.
Nous avons sollicité la préfecture, l’éducation nationale. Personne n’a souhaité nous accorder d’interview. Nous avons pu joindre la mairie. Au téléphone, elle déclare : “On a diligenté beaucoup d’interrogations en interne. Personne, absolument personne, n’avait connaissance de cette école. Tout le monde a tout à fait pris conscience de la gravité de la chose.”
Depuis nos appels, les policiers sont intervenus. Voici ce qu’ils ont constaté dans l’école : "la présence de rats, l’absence de chauffage et de prises de courant aux normes, la dispense d’un enseignement manifestement religieux”.
Fin décembre, les policiers ont fait évacuer les lieux. Selon l’éducation nationale, les descolarisations ont augmenté de 36 % en 3 ans. Impossible de savoir combien le sont pour raison religieuse.