Vote sur le mariage pour tous : comme pendant les débats…

(JACQUES DEMARTHON / AFP)

Un vote solennel à l'image des dix jours de débats qui se sont terminés samedi à l'aube. Comme pendant les débats, la gauche était très présente et a voté d'un bloc la loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de même sexe (à quelques rares exceptions). Comme pendant les débats, la droite s'est massivement opposée au texte (à quelques rares exceptions, là aussi).

Comme pendant les débats, Christiane Taubira, devenue icône de la gauche et emblème de cette réforme, a cité des auteurs pour étayer ses propos. Le poète espagnol Antonio Machado et le philosophe français Emmanuel Levinas. Comme pendant les débats, la ministre de la Justice a fait preuve d'humour, expliquant que la loi sur le mariage pour tous n'allait pas supprimer "les jeux amoureux ni chez les hétérosexuels ni chez les homosexuels".

Il restera toujours beaucoup de femmes pour vous regarder, messieurs, pour vous observer, pour essayer de percevoir, sous vos carapaces, la tendresse qui parfois vous habite, pour essayer de percer les défauts qui se cachent parfois sous des dehors affables et pour discerner dans l’entrelacs de vos talents et de vos faiblesses si vous êtes capables de « tracer des chemins sur la mer », comme l’écrivait Antonio Machado. Et, une fois qu’elles vous auront jaugés, les femmes décideront soit de vous faire languir, soit de vous séduire. Ce texte n’y pourra rien : vous serez toujours soit en grâce, soit en péril. En définitive, ce projet de loi nous a conduits à penser autrui, à consentir à l’altérité. Penser autrui, disait Emmanuel Levinas, relève de l’irréductible inquiétude pour l’autre. C’est ce que nous avons fait tout au long de ce débat."

Comme pendant les débats, Christiane Taubira a été longuement et chaleureusement applaudie par son camp alors que la droite, après avoir voté, quittait l'hémicycle, snobant le discours de la ministre.

Comme pendant les débats, c'est Hervé Mariton qui est monté au front pour dénoncer le projet de loi du gouvernement. Avec passion et sincérité. Comme pendant les débats, le député UMP a vanté l'union civile pour les couples homosexuels. Le champion des amendements et des rappels au règlement a dénoncé l'instauration d'un "droit à l'enfant".

Comme pendant les débats, deux visions de la famille se sont opposées. "Nous innovons avec le projet d’union civile quand vous vous enfermez dans une réponse standard. Nous proposons une réponse pragmatique quand votre projet est dogmatique. Nous regardons l’avenir quand vous vous enfermez dans un symbole. Nous célébrons le mariage comme institution quand vous le ravalez au rang de contrat. Nous garantissons l’égalité des enfants quand vous risquez un nouveau droit à l’enfant. Nous célébrons l’enfant comme un don quand vous le réclamez comme un dû. Nous lui devons notre responsabilité quand vous le soumettez à votre liberté. Nous parlons d’amour quand vous êtes sur la pente glissante de l’enfant objet", a énuméré Hervé Mariton, suscitant les applaudissements de l'opposition et quelques protestations sur les bancs de la majorité.

Comme pendant les débats, le rapporteur socialiste du projet de loi, Erwann Binet, sérieux et bosseur, n'a pas surjoué l'émotion. "Une étape est franchie, mais ce n'est pas fini. Je ressens une grande joie, mais je ne suis pas transporté par ce vote. Je suis quelqu'un de réservé, vous savez...", dit-il aux journalistes.

Comme pendant les débats, tout le monde a refait le match dans la salle des Quatre colonnes. Franck Riester, un des deux seuls députés UMP à avoir voté pour le texte, Hervé Mariton et la ministre de Famille, Dominique Bertinotti, ont philosophé sur la famille. Mariton a fait remarquer qu'il n'avait pas reçu le livre offert par la ministre aux députés quand le débat a dépassé les 100 heures. Un livre destiné aux enfants sur les différentes formes de familles (monoparentales, recomposées, homoparentales...). L'ouvrage a surtout le tort, aux yeux d'Hervé Mariton, d'avoir pour titre Un air de familles : "C'est le 's' qui me chagrine, il n'y a qu'une famille." Franck Riester lui a répondu que la loi allait apporter "davantage de famille dans la société". "Le 's' à familles est très important, la République va enfin toutes les reconnaître", a souri Dominique Bertinotti.

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