Jean-Luc Mélenchon s'est plié à la quasi-obligatoire déclaration de patrimoine par un billet de blog railleur qui commence par un autoportrait hérissé de piques ("mes cheveux sont naturels et ils ne sont pas teintés") et se conclut par sa recherche d'appartement.
Arrêtons-nous sur une phrase et une seule : "Je possède 12 000 livres de toutes sortes que j’ai commencé à accumuler dès mes quatorze ans." On laissera aux croisés du fact-checking le soin de vérifier si 12.000 livres tiennent entre les murs de son trois pièces parisien ou si le député européen inclut ceux de sa maison de campagne du Loiret.
Mais notons surtout que, dans le surréaliste déballage de ces derniers jours qui a vu Arnaud Montebourg mentionner son fauteuil Eames et Eva Joly ses kayaks en carbone, le président du Parti de gauche est le seul à évoquer, fût-ce en plaisantant, sa bibliothèque comme richesse.
12.000 livres, mais lesquels ?
Dommage d'ailleurs que Jean-Luc Mélenchon n'ait pas poussé assez loin l'opération transparence. Douze mille livres -supposons le chiffre exact- mais lesquels ?
Faute de liste, restent les indices : sur ses lectures, l'homme s'est volontiers trahi. Selon ses biographes Lilian Allemagna et Stéphane Alliès (Mélenchon le plébéien, Robert Laffont), le député européen a tout dévoré sur la Révolution Française. En spécialiste, il a ainsi conseillé au comédien Fabrice Luchini - rapporte Le Lab Europe 1- la lecture de Jules Michelet (Histoire de la Révolution française) plutôt que celle de Jean Jaurès (Histoire socialiste de la révolution française),d'Albert Soboul (1789, L'an I de la liberté) ou d' Eric Hazan (Une histoire de la Révolution française).
Il lui arrive aussi de déclamer Victor Hugo, comme l'a raconté Pierre Assouline pendant la campagne présidentielle. "François Hollande reconnaît qu’il lit Les Misérables bien qu’il se garde de trop le citer en public, mais lorsque Mélenchon à Villeurbanne dit de mémoire des extraits du 'plus grand roman populiste', la salle surchauffée l’écoute religieusement comme s’il était la réincarnation de Hugo ! Et lorsqu’il récidive le lendemain à Montpellier en citant des vers tout aussi révolutionnaires du poète, l’effet de sidération est le même" ("L'axe Hugo-Mélenchon", billet du blog La République des livres).
Un grand lecteur, combien d'électeurs ?
Si souvent traité de "populiste", Jean-Luc Mélenchon a donc été le seul à s'enorgueillir d'une bibliothèque particulièrement riche. L'idée ne semble pas avoir effleuré les très littéraires Laurent Wauquiez (normalien, agrégé d'histoire et député UMP de la Haute-Loire) ou Bruno Le Maire (normalien, agrégé de lettres modernes, député UMP de l'Eure et auteur d'un Jours de Pouvoirs qui s'arrache en librairie). Tous deux ont pourtant été parmi les plus prompts à rendre public leur patrimoine (ici et là).
Non, l'idée ne les a pas effleurés et ils ont probablement raison. Des livres, ça vaut quoi et ça intéresse qui ? Ca ne vaut rien ou presque (sauf livres rares): la plupart des bibliothèques familiales partent en dons ou au pilon. Ca intéresse qui ? Quelques profs qui ont, comme l'ex-candidat du Front de gauche à la présidentielle , dépassé la soixantaine ? Osons la vraie question : une vaste bibliothèque est-elle électoralement payante ? Pour un grand lecteur, combien d'électeurs ?
Bonus :
Débat le 2 octobre 2011 entre Jean d'Ormesson et Jean-Luc Mélenchon sur France 2. Il y est notamment question du dernier livre de l'écrivain, La conversation (sur Napoléon).