Qui se serrait, mercredi 19 novembre au soir à Paris, dans une petite salle bondée à deux pas de l'Académie française ? Trente à cinquante personnes, dont Jean-Luc Mélenchon, Pierre Laurent, Martine Billard, Gérard Filoche, Pervenche Berès et autres personnalités du PS ou du Front de gauche, venus écouter Liêm Hoang-Ngoc et Philippe Marlière.
Le premier, économiste, membre du bureau national du PS et ex-eurodéputé, a été évincé de la liste socialiste aux dernières européennes dans le Grand Est, au profit du syndicaliste Edouard Martin. Le second, professeur de science politique à l'University collège de Londres, a quitté le parti socialiste en 2009. Tous deux présentaient, chez leur éditeur , La gauche ne doit pas mourir ! Le manifeste des socialistes affligés. Un désaveu de la ligne "blairiste" Hollande-Valls. Et une réponse au "oui, la gauche peut mourir" lancé le 14 juin 2014 au conseil national du PS par le Premier ministre.
Contre le "blairisme à la française"
La ligne de fracture qui traverse le PS est connue. Pour Liêm Hoang-Ngoc, François Hollande a "changé au grand jour le logiciel de la gauche", en assumant un "credo social-libéral, blairiste à la française" : 41 milliards "sans contreparties en faveur des profits des entreprises". "En terme de partage, ce n'est pas une politique de gauche. Si au moins ça marchait, mais ça ne marche pas !" " Et d'estimer que d'ici trois ans, "la défense de ce bilan posera problème" au PS.
"S'il n'y a pas de changement de cap, en 2017, il n'y a plus de PS", a assuré l'économiste, qui souhaite peser sur le congrès du PS en juin 2015 . Un spectre hante désormais la rue de Solférino, celui du PASOK. Le parti socialiste s'est effondré en Grèce à 8% aux européennes, après avoir mis en oeuvre, avec des conséquences dramatiques, le plan d'austérité imposé par la troïka. Pour Philippe Marlière, parlant plutôt de la France, "un gouvernement à la politique néo-libérale qui fait qu'on se déporte vers la droite joue le jeu de l'extrême-droite".
Reconstruction de la gauche, année zéro ?
Reconstruire la gauche avant l'effondrement prévisible du PS : telle est l'ambition de ce "manifeste des socialistes affligés", qui se veut un "trait d'union entre composantes de la gauche" . A en juger par l'assistance, leur propos a trouvé un écho au Front de gauche, d'autant que le combat cher à Jean-Luc Mélenchon en faveur d' "une 6ème République anti-césariste" est soutenu par Philippe Marlière : il n'existe aucun autre pays en Europe, selon l'universitaire, où "une personne peut concentrer autant de pouvoirs" que le chef de l'Etat français.
Glissons sur la passe d'armes à fleurets mouchetés entre Gérard Filoche et Jean-Luc Mélenchon dont l'enjeu était de savoir si, comme le prône l''inspecteur du travail, "la bataille principale, c'est le PS" et surtout son congrès l'an prochain. Pour son ex-camarade de parti (qui s'est beaucoup essayé à infléchir la ligne majoritaire du PS avant de claquer la porte), le combat est perdu d'avance.
Et laissons la place aux interrogations du communiste Pierre Laurent : "Le PS a structuré la gauche pendant 30 ans. La gauche qui vient, ça va être autre chose. La question est : 'est-ce qu'on va aller vers cette gauche qui ne va pas se reproduire sur elle-même ?". De cette gauche à venir, il n'y avait, ce soir-là, guère de représentants, y compris en terme générationnel.
-> La gauche ne doit pas mourir. Le manifeste des socialistes affligés. Liêm Hoang-Ngoc, Philippe Marlière (Les liens qui libèrent, 13,50 euros)