Comment réduire l'utilisation des intrants en viticulture ?

panneaux récupérateurs

La France est le second plus gros consommateur européen de pesticides derrière l'Espagne.

En 2014 des enfants d'une école de Villeneuve sur Blaye, en Gironde, ont été incommodés par des traitements de vignes jouxtant leur établissement.

Suite à cet événement et sous la pression de riverains et d'associations dénonçant les effets toxiques de ces produits sur la santé et l'environnement, le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) s'est positionné pour une sortie de l'usage des pesticides dans le vignoble Bordelais. Par la voix de son président, Bernard Farges, le CIVB, lors d'une Assemblée Générale, affirme que la filière du vin de Bordeaux a les mêmes attentes que les associations en ayant pour objectif la diminution forte, voire la sortie de l'usage des pesticides. L'objectif avec les associations est commun. Par contre, la façon de procéder diffère avec celle réclamée par ces dernières.

L'objectif ne sera pas atteint en quelques semaines ni avec des méthodes simplistes, mais avec des investissements à court, moyen et long terme. Les associations et riverains réclament que les vignes à proximité de lieux sensibles ne soient plus cultivées qu'en agriculture biologique. Ce n'est pas la solution car le bio ne se décrète pas. C'est un investissement long et important mais c'est aussi un état d'esprit et une philosophie qui ne s'imposent pas.

D'une manière plus générale, la diminution de l'utilisation des produits phytosanitaires est un enjeu de santé publique et environnemental. Il s'agit d'aider les viticulteurs à utiliser moins de produits tout en maintenant la performance de leur exploitation. Les producteurs ont conscience de devoir faire des efforts pour répondre à cette demande, encouragés en cela par le fait qu'en traitant moins ils feront des économies.

Le but est également d'empêcher la dérive des traitements dans les vignobles proches des lieux sensibles (écoles, crèches, maisons de retraite, zones d'habitation).

Les attentes de la société en matière de sécurité alimentaire et sanitaire étant de plus en plus fortes, les pouvoirs publics ont institué un « plan écophyto » en 2008 dans le cadre du Grenelle de l'Environnement. Ce plan vise à réduire progressivement l'utilisation des pesticides. Les objectifs ont été revus en 2015 fixant à 2025 la réduction de 50% des produits (25% d'ici 2020 et 25% en 2025). Pour cela des outils ont été mis en place :

  • Formation des agriculteurs à une utilisation responsable des pesticides avec délivrance d'un « Certiphyto » (certificat individuel produits phytopharmaceutiques)

  • Création d'un réseau de fermes pilotes pour mutualiser les bonnes pratiques

  • La mise en ligne, dans chaque région, d'un BSV (bulletin de santé du végétal) pour alerter sur l'arrivée des parasites.

  • Un programme de contrôle de tous les pulvérisateurs utilisés pour l'application des produits.

A partir de ces dispositifs, quelles sont les pistes à exploiter ?

Déjà le matériel (pulvérisateurs). La qualité de la pulvérisation est une source de progrès directement mobilisable par les viticulteurs, il faut pulvériser la bonne dose à la bonne concentration. L'utilisation de matériel avec panneaux récupérateurs permet la réduction de 35% des pertes de produits au sol et dans l'air. Le plan écophyto prévoit des incitations pour aider les producteurs à investir dans des matériels performants, avec les modèles les plus récents on arrive à réduire de 45% la quantité de produits.

Le réseau Dechy : ce sont 1 900 exploitations agricoles engagées dans une démarche volontaire de réduction de l'usage des pesticides.

Dans ce réseau il y a 335 exploitations viticoles (13% en bio et 87% en conventionnel) qui acceptent donc d'expérimenter un certain nombre d'alternatives préconisées pour réduire l'utilisation des fongicides, insecticides et herbicides jusque là mise en œuvre. Quelles sont ces alternatives possibles ?

  • Utilisation de produits alternatifs à efficacité partielle mais couplée à des pratiques complémentaires comme un effeuillage précoce pour limiter les premières attaques des maladies.

  • Un désherbage mécanique, un enherbement naturel maîtrisé et un enherbement semé pour réduire l'utilisation des herbicides.

  • Un bio-contrôle des maladies et des ravageurs : des phéromones sexuelles sont diffusées à proximité des vignes pour désorienter les ravageurs naturels.

Le réseau Dechy porte ses fruits, il fait diffuser les résultats et incite le plus grand nombre à adopter les techniques éprouvées.

Une autre piste est également à l'étude, c'est l'utilisation de cépages résistants aux maladies. Le CIVB ainsi que les Vins de Pays d'Oc s'engagent dans la recherche sur ces cépages.

La réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires dans la viticulture est donc en marche, mais il faudra encore du temps pour arriver au « zéro phyto » car il faudra des mutations profondes des systèmes de production. Il faudra également accepter une prise de risque plus élevée.