Le 10 janvier 1991 a été votée la loi Evin, écrite et proposée par le député éponyme. Elle a pour but de lutter contre le tabagisme et l'alcoolisme en limitant fortement le droit à la publicité.
Nous allons nous intéresser au volet alcool de la loi.
Que dit la loi à ce sujet ?
Elle interdit :
- La publicité dans la presse pour la jeunesse et la diffusion de messages publicitaires à la radio le mercredi, et les autres jours entre 17 heures et 24 heures.
- La publicité à la télévision et le cinéma.
- La distribution aux mineurs de documents ou objets représentant ou vantant les mérites d'une boisson alcoolisée.
- La vente, la distribution et l'introduction de boissons alcoolisées dans tous les établissements d'activités physiques et sportives (une autorisation d'ouverture de buvette, lors d'une manifestation sportive, peut toutefois être délivrée)
Elle limite :
- les affichages publicitaires à certaines indications. Ceux-ci doivent être accompagnés d'un message sanitaire sur l'abus d'alcool.
Cette loi, toujours en vigueur aujourd'hui, a subi quelques évolutions, notamment avec la loi Bachelot qui autorise la publicité sur certains sites internet. Mais l'équilibre de la loi Evin reste intact et le message « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé » est bien ancré dans les esprits.
Par contre elle est régulièrement critiquée car elle n'est pas claire et est source d'insécurité juridique.
Pourquoi à nouveau ce débat et cette polémique sur la loi Evin ?
Ce manque de clarté de la loi a fait que plusieurs médias ont été condamnés pour des articles sur le vin, en vertu de la loi Evin.
Pour cette raison, dans le cadre de la loi Macron, le sénateur Gérard César a déposé le 6 mai dernier un amendement visant à faire la distinction entre l'information et la publicité sur l'alcool. Le 10 mai les députés ont, à leur tour, adopté cet amendement, ce qui a aussitôt déclenché le débat à coup d'arguments de part et d'autre.
Les arguments des opposants à l'amendement (professionnels de la santé et ministère) :
Il remet en cause la loi Evin et on sacrifie la santé publique au nom de l'économie.
Les arguments de ceux qui sont favorables à l'amendement (représentants de la viticulture) :
Il ne remet pas en cause la loi Evin, il ne fait que la clarifier et la préciser. Avec la loi actuelle il est difficile d'évoquer le vin et l'oenotourisme dans la presse. Il y a nécessité d'une meilleure distinction entre l'information et la publicité. Le texte vise à exclure l'information du dispositif de la loi dans la mesure où un journaliste ou un média n'est pas supposé avoir un intérêt à la promotion dudit produit.
Ils ont reçu l'appui de Maître Le Morhedec, avocat à la Cour, qui dit : « l'amendement ne modifie ni l'énumération restrictive des supports de publicité autorisés, ni celle tout aussi restrictive des mentions autorisées dans les publicités ».
Pour mettre fin au débat, le gouvernement, ainsi que le Président de la République, sont intervenus en admettant que la loi Evin méritait d'être clarifiée mais qu'il fallait conserver son équilibre. Le gouvernement vient de réécrire l'amendement controversé. Selon cette nouvelle version, « ne relèverait pas de la loi Evin les contenus liés notamment à une région de production ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d'une identification de la qualité ou de l'origine, ou liés à un terroir protégé ».
Dans le fond tout le monde est d'accord pour lutter contre l'alcoolisme mais on peut se poser la question sur la réelle efficacité de la loi Evin, de toute évidence elle n'a pas empêché l'alcoolisation excessive chez certains jeunes appelée « binge drinking » (nouvelle tendance de consommation qui consiste à boire de l'alcool ponctuellement, le plus rapidement possible et en grande quantité).
Alors où se trouve la faille ?
Je pense personnellement que nous commettons l'erreur de prendre le vin comme « bouc émissaire ». C'est sans doute volontaire car en France tout le monde connait le vin et en le faisant passer pour un alcool cela permet de mieux frapper les esprits. C'est ainsi que chaque reportage sur l'alcoolisme, à la télévision ou sur internet, est illustré par des vidéos montrant des rayons de vins en magasin. Beaucoup de personnes ne disent plus « nous allons boire du vin » mais « nous allons boire de l'alcool ». Certains professionnels de la santé considèrent les viticulteurs comme des fabricants d'alcool.
Le problème est que dans la majorité des cas d'alcoolisme ce n'est pas le vin qui est responsable. Il serait peut-être judicieux de s'intéresser aux types d'alcool consommés dans les discothèques, lors des « binge drinking » ou ceux consommés par les conducteurs responsables d'accidents.
Le vin est un produit culturel donc qui s'apprend. Plutôt que de le stigmatiser il vaudrait peut-être mieux en faire l'éducation. Les canadiens le font et ça marche.
Pour conclure, citons la Chine où le gouvernement a décidé d'encourager la consommation de vin pour enrayer celle de leurs nombreux alcools forts locaux qui pose un réel problème de santé publique.