Sur la fresque de la salle de garde de l'hôpital de Clermont, je n'ai pas écrit jusqu'ici.
Parce que d'autres, dont notamment Martin Winckler, sur le blog de l'école des soignants, l'avaient fait mieux que je n'aurais su le faire, parce que j'avais trouvé de la contradiction utile dans des articles divers évoquant tour à tour autant de sujets intéressants et/ou importants que la culture carabine, les traditions souvent édifiantes et parfois scabreuses de peinture murale, le besoin de "décompression" et d'exultation cathartique de celles et ceux qui traitent heure par heure avec la maladie et la mort (pas seulement médecins d'ailleurs, mais aussi infirmier-es, aides-soignant-es qu'on n'entend pas ici, et de façon générale très rarement...), le sens et les interprétations du serment d'Hippocrate, la portée sur le réel des images et des messages... Et bien sûr, la liberté d'expression. Comme on l'entend, ce qu'on en fait, ce qui nous heurte dans celle des autres, ce qui nous retient ou nous décide dans la nôtre.
Ce qui me décide justement, aujourd'hui, à m'emparer de l'affaire à ma façon, c'est ce qui l'a suivie. Quand l'association Osez le Féminisme (dont je ne suis pas membre et ne partage pas toutes les positions, s'il faut préciser que je n'ai pas d'intérêts ici) a dénoncé dans un communiqué, ce qui est aussi un format de l'expression, l'existence de cette fresque représentant un viol et la publicité crâne que certain-es médecins en faisaient, notamment sur les réseaux sociaux. Exercice du simple et libre droit d'information et de critique de la part de l'association, non?
Pourtant, ce n'est pas sur le terrain de l'expression "artistique" ou éditoriale que, réuni-es en collectif de "médecins pigeons", des internes et praticien-nes révolté-es par ce qui est semble-t-il vécu par elles et eux comme une intrusion et une agression, ont riposté. Criant à la censure (et osant quand même, pour certain-es, afficher un "Je suis la fresque" d'un goût louche), ils ont certes publié ici et là, sur le social web essentiellement, des propos éventuellement discutables mais relevant de la liberté d'expression (autant qu'en procédait le communiqué d'OLF). Mais ils et elles ont aussi diffusé les coordonnées personnelles de la porte-parole d'Osez le Féminisme, Anne-Cécile Mailfert, en invitant de façon toute directe à la harceler de coups de fil et de SMS insultants et menaçants. Il faut y ajouter des photo-montages scabreux la mettant en scène, ainsi qu'une autre responsable de l'association.
Parfaitement fondée à déposer plainte, quand il y va désormais non plus de liberté d'expression, mais d'atteintes à l'image et de diffamation ("restrictions" admises depuis 1882 à la liberté de la presse et d'expression), et surtout de harcèlement (délit pénal), Anne-Cécile Mailfert a décidé de porter l'affaire devant la justice.
Il faudra à l'association, qui n'est ni riche ni arrosée de subventions comme certaines légendes urbaines veulent bien le dire, faire face aux frais de justice. Notamment, à ceux qui correspondent aux constats d'huissier et à l'intervention d'avocats. A cette unique fin, a été lancée une collecte sur la plateforme HelloAsso (laquelle, soit dit en passant, ne perdrait rien à écrire "donateurs et donatrices" plutôt que "donateurs" seulement - M'enfin, passons là-dessus pour le moment). Aussitôt que j'en fus informée, j'ai contribué. Pas par militantisme féministe ici, pas non plus comme si je signais là un bulletin d'adhésion à Osez le Féminisme, toujours pas comme si je devenais soudainement en accord avec TOUT ce que ce mouvement prend comme partis et que dans l'urgence et l'émotion, je perdais toute faculté de regard critique à son propos.
Mais parce que, nom d'une déesse, ne compté-je parmi les millions de celles et ceux qui, sans être forcément d'accord avec ce que les autres disent et la façon dont ils et elles le disent, entendent se battre pour qu'ils et elles puissent le dire! Parce qu'alors que nous avons récemment toutes et tous pris conscience de notre attachement à la liberté d'expression et du fait que pour que celle-ci s'exerce effectivement, il y faut des conditions et des moyens, il me parait juste le minimum de pouvoir garantir à une association que sa décision de se défendre en toute légalité contre les attaques personnelles dont ses victimes ses représentantes, ne mettra pas en péril son existence. Car ce n'est rien d'avoir le droit de dire, si l'on est plus là, ou simplement plus assez plus fort-e, pour pouvoir le faire.