J'avoue, sur le coup, j'ai eu un soupçon. J'ai songé un instant à une provocation quand, sur Twitter, le "65" m'a notifiée qu'il "tenait à me montrer" une vidéo intitulée "L'art de séduire".
Il faut dire qu'il n'est pas rare que quelques anti-féministes, parmi lesquels des "pick-up artists" qui font commerce d'une vision économico-sexiste des rapports (prétendument) amoureux entre femmes et hommes, s'amusent à venir me chercher, sans doute pour jouir dans leur petit coin du plaisir d'une colère qu'ils me supposent ou voudraient exciter chez moi (chacun-e ses motifs masturbatoires). Je me suis donc demandée quelques secondes si le "65", dont je n'avais jamais entendu parler (malgré un récent article dans Le Monde qui lui a été consacré) était de cette espèce. Ou s'il venait à moi avec de bienveillantes et sincères intentions.
Même si je suis parfois méfiante, je suis plus que tout curieuse. Alors, j'ai ouvert le lien. Alors, j'ai regardé la vidéo "L'art de séduire".
Et je suis tombée tout de suite sur des nanas qui ne se laissent pas faire, pas déranger pour rien, pas emmerder au débotté par un play-boy trop sûr de ses irrésistibles "atouts" et de ses "méthodes d'approche" éculées. Des nanas qu'on n'embobine pas avec un pseudo-compliment mal troussé, des nanas qui ne se laissent pas non plus blesser par la remarque vexatoire qui suit trop souvent l'avance repoussée. Des nanas qui se défendent d'un regard beaucoup trop appuyé pour être véritablement flatteur en parlant vrai (et cru) sur ce que la grossièreté d'une démarche outrageuse leur inspire. Des nanas dont le monde ne tourne pas non plus seulement autour des hommes, des nanas qui parlent et rient entre elles, de bon coeur, et osent dire qu'elles aussi, elles ont des attirances, des yeux qui voient et un corps qui désire.
Des nanas, encore, qui, toutes lucides et toutes légitimement fâchées contre la drague lourde soient-elles, laissent sa juste chance à cette autre chose si subtile, si ténue, si touchante et jamais calculable qu'est la séduction. Quand l'émotion tient à presque rien, à la vibration d'une fine corde sensible qui provoque le rire, qui engage le regard, qui ouvre la relation, qui fait le charme. C'est une affaire de personnes, de moment, de hasard peut-être aussi. C'est un risque à prendre encore, non pas celui de prendre un râteau mais de passer peut-être à côté de l'occasion, de se rater pour cette fois-ci ou à jamais. Ca peut se décrire a posteriori mais difficilement se prévoir car sait-on au fond de quoi ça procède, cette magie-là? Ce que l'on sait en revanche, ce que la vidéo montre, c'est que ça repose de toute façon toujours sur un respect fondamental de l'autre et sur une authentique élégance.
Cette façon-là, politique et poétique (oui c'est compatible), de parler de la séduction, ni refusée par défiance ou principe ni concédée à des rapports stéréotypés et méprisants entre les genres, je la trouve rare. Et pourtant, je la trouve tellement utile pour échapper aux caricatures, pour sortir des logiciels oppositionnels qui renvoient trop classiquement la femme à l'objet désiré et l'homme au sujet désirant, pour détricoter les costumes imposés et brouiller la distribution pré-établie des rôles. Pour écrire surtout une définition noble de la séduction : une audace et un vertige qui n'ont pour finalité que la rencontre curieuse entre deux êtres libres et autonomes qui s'offrent la possibilité d'un peut-être ensemble, pour un instant ou plus longtemps, qui sait?...
"L'art de séduire", une production On habite au 65.