Contre l'incitation au viol sur Internet sous couvert de liberté sexuelle affirmée, la blogosphère féministe mobilisée

2501337C'est le blog "Le courrier de Diké" qui m'a alertée. Quand son auteur-e (?) a récemment relayé la dénonciation datant d'il y a plus d'un an, d'un site de coaching de drague qui, en dehors d'une foule de conseils un peu grotesques pour réussir sa vie amoureuse, venait carrément de franchir la ligne rouge avec un guide décomplexé du "bien baiser"... Lequel n'était autre qu'un véritable appel au "baiser sans consentement si nécessaire".

"L'article que vous vous apprêtez à lire parle de virilité, de force et de domination"

L'introduction de ce billet (vraisemblablement supprimé depuis, mais dont Diké met une copie d'écran à disposition) sur le "bien baiser" était sans ambiguïtés : "L'article que vous vous apprêtez à lire parle de virilité, de force et de domination".

Et l'on n'allait pas être déçu-es par cette "démonstration de la force masculine sur la fragilité féminine" : "C'est l'heure de mettre ses couilles sur la table et de lui monter ce qui signifie se faire pilonner" (voilà qui a le mérité d'être imagé), "les femmes aiment qu'on leur dise quoi faire et comment le faire" (euh...), "montrez-lui qu'elle n'a pas vraiment le choix" (ah?),  "créer rapidement une image du mec qui sait ce qu'il veut et qui l'obtient quand il veut" (donc, même si l'autre ne "veut" pas, c'est ça?), "cela contraste avec le quotidien des pressions, responsabilités et décisions engendrant des conséquences" (chic! Alors, un monde sans "conséquences", les violeurs en ont rêvé, les pros de la "séduction" - euh...- l'ont fait).

"Elle se plaint? Pas pour longtemps."

"Elle se plaint? Pas pour longtemps. C'est un phénomène de rejet de l'autorité, mais une fois cette barrière franchie, elle s'abandonnera à vous" (de l'art d'esclavagiser, en d'autres termes). "Donnez des ordres et soyez inflexible. Ne demandez pas gentiment si, éventuellement, vous pourriez avoir une fellation et éjaculer dans sa bouche..." (oui, enfin, quand on "donne des ordres pas gentiment", on n'est plus tout à fait dans l'ordre du consentement ou je m'abuse?), "elle n'a plus à répondre à un code de conduite ou à se demander si c'est la bonne décision" (nan, mais le mieux, pour bien faire, ça aurait été de la saouler ou de la droguer, pour être sûre qu'elle ne soit plus aucunement en état de se poser des questions et de prendre ses propres décisions). Retenez aussi que "morsures et suçons sont autant d'outils utiles pour laisser sa trace lors d'une première avec une inconnue" (sinon, on peut aussi couper sa tête et la rapporter à titre de trophée à la maison).

"Evidemment, ce n'est pas une solution pour débuter une relation qui se veut durable"

Sachez enfin, c'est important, que "nombre de femmes rêvent de se faire démonter par un inconnu au chibre géant" (on n'a pas de statistiques, on croira l'homme fort et puissant qui s'exprime sur parole, donc) et que "cette méthode est particulièrement efficace quand on rencontre une inconnue qui nous ramène chez elle" (elle ne peut pas avoir, par exemple, envie d'une relation sexuelle un peu plus tendre, équilibrée et consentie, voire, au risque de passer pour prude ou allumeuse, pas de relation sexuelle du tout). "Evidemment, ce n'est pas une solution pour débuter une relation qui se veut durable" (ben non, banane, c'est à réserver aux pauvres filles jetables, celles qu'on laisse à moitié à poil sur un trottoir, une fois accompli son forfait).

On a beau avoir de l'humour (si, si), nous les féministes...

Bon, c'est pas le tout mais on a beau avoir de l'humour (si, si), nous les féministes, faudrait quand même voir à pas confondre la liberté sexuelle (contre laquelle nous n'avons rien et que nous-même apprécions d'exercer dans toutes ses dimensions, à commencer par celle du consentement) et l'incitation au viol (qui nous fait modérément rire parce qu'on a croisé dans notre vie quelques victimes qui avaient un peu perdu le sourire depuis qu'elles avaient croisé un "séducteur" "donneur d'ordre" très à cheval sur son "autorité" en matière de désir à sens unique).

Alors, on l'entend enfin, la parole des femmes et des hommes qui aimeraient voir la liberté (d'expression et sexuelle) - et les femmes, mieux traitées?

Alors, après avoir signalé au Procureur de la République il y a près d'un an le site de coaching qui donne de si bons conseils aux hommes et n'avoir reçu qu'un assourdissant silence en retour, Diké a mobilisé ces jours-ci la blogosphère féministe, avec l'appui de Me Yaël Mellul (connue pour son engagement contre les violences faites aux femmes) et du réalisateur Patric Jean (auteur du film "La domination masculine" adapté de l'essai éponyme de Bourdieu et citoyen engagé dans le collectif "Zéro macho").

L'appel citoyen contre l'incitation au viol sur Internet et la pétition qui va avec ont fait, ces derniers jours, le tour du web avant de faire tomber une dépêche AFP relayée par l'ensemble des grands médias. Les pouvoirs publics pourront-ils continuer à faire semblant de ne pas entendre les femmes et les hommes qui en ont plus qu'assez de voir l'idéal de liberté (d'expression ou sexuelle) - et accessoirement les femmes, se faire ainsi maltraitées par celles et ceux qui font commerce en ligne de domination machiste décomplexée?