Ca fait déjà quelques semaines que ça m'énerve sérieusement, d'entendre parler des Municipales à Paris comme d'un "combat de femmes" (pourquoi pas un combat de boue, tant qu'on est dans les fantasmes?).
D'abord, parce qu'étrangement, dans les Municipalités où il n'y a que des hommes qui se présentent (ce qui n'est d'ailleurs pas le cas à Paris), on n'entend jamais parler de "combats d'hommes", comme si c'était une évidence et que le vrai sujet état ailleurs. Ensuite, parce que précisément, tout le temps passé à se préoccuper de savoir si ça fait ou pas une différence que des femmes fassent campagne (vous espérez quoi? Que la course au pouvoir sera plus "propre", plus "polie", plus "feutrée"?) et à imaginer que ça en fera forcément une, de différence, en termes de gouvernance quand l'une d'elles sera élue (Là encore, qu'imagine-t-on? Qu'elles seront plus "conciliantes", plus "attentives" ou au contraire sujettes à des crises "d'hystérie" leurs jours de ragnagnas?), tout ce temps et toute cette énergie perdus à bavasser sur le genre des candidates ne sont pas occupés à parler des vrais sujets qui intéressent les électrices et électeurs et des projets que ces candidates comme les autres portent. Cette façon de traiter des femmes politiques comme d'une fantaisie exotisante, ça commence un peu à fatiguer. Pour rappel, la loi française sur la parité a quand même quatorze ans!
Ce matin, dans la série "la femme candidate, cette curieuse espèce à part", je crois que le Télégramme a cependant décroché la palme du titre condescendant à l'égard des femmes qui briguent un mandat de maire : "Nantes. Le bal des débutantes".
C'est supposé valorisant pour les trois têtes de listes "jeunes et féminisées" qui sont présentées dans le papier. C'est oublier que les "débutantes" en question ont entre 35 et 39 ans, tout de même. En tant que femme dans cette tranche d'âge, qui a déjà, mine de rien et sans vouloir la ramener, un petit brin d'expérience de la vie et des responsabilités qu'elle m'a vue prendre en divers domaines, j'avoue que je n'apprécierais guère de me faire nommer ainsi, façon courge poussée après la dernière pluie, si je devais m'engager en politique.
C'est aussi oublier que ces femmes dont on parle ne vont pas vraiment au "bal" dimanche prochain, elles n'ont pas prévu d'enfiler leur plus jolie robe et leurs petits escarpins pointus pour aller danser la valse avec le Prince charmant. Ben non, elles ont réuni leurs forces, leurs idées, leur énergie, leur talent et aussi une équipe dans l'intention de se faire élire démocratiquement au poste de premier-e magistrat-e d'une ville de 288 000 habitant-es.
Quant à l'expression "le bal des débutantes", pour la culture générale de qui se sera flatté-e de son brillant esprit en pondant un jeu de mot aussi peu élaboré pour titrer son papier, elle désigne un événement d'une désuétude accomplie qui de présentation de la fraîche chair féminine aristocratique juste sortie du couvent aux monarques en vue de préparer les mariages arrangés s'est mué en défilé de haute couture qui pomponne et enrubanne les "filles de" (bonne famille, dirigeants...) du monde entier dans le but de récolter des fonds pour des oeuvres caritatives. En d'autres termes, "le bal des débutantes", ça n'a strictement rien à voir avec la démocratie et moins encore avec la parité... Merci aux électrices et électeurs de Nantes de se montrer un peu plus fin-es que les journalistes de leur quotidien régional, quand dimanche prochain, ils iront choisir l'une de celles qui les représentera dignement et les gouvernera avec sens des responsabilités pendant les six prochaines années.