Pour Marie Claire, le pire de Cannes, ce n'est ni Ozon, ni Polanski, ni DSK sur les marches...

Marie ClaireLa presse féminine ne laisse de m'étonner.

Il y a quelques semaines, je m'entretenais avec plaisir avec une journaliste de Marie Claire particulièrement sensibilisée aux problématiques féministes et sincèrement soucieuse d'approfondir une des vraies questions qui met en jeu en les stéréotypes sexistes, à savoir la séduction.

Après l'avoir prévenue que je venais d'écorner son journal à propos de la campagne "les hommes en talons" et qu'elle me fit savoir que ça ne la gênait pas et que c'était précisément pour ma liberté de ton qu'elle s'adressait à moi (vanité narcissique, quand tu nous tiens), j'eus avec elle un long et stimulant échange. Je me sentis, je le confesse, flattée (re-vanité), de voir mon blog Ladies & Gentlemen cité dans le numéro suivant de Marie Claire. Je fus aussi, je l'avoue, assez convaincue que par-delà ses ambiguïtés, la presse féminine est capable de recruter de vrais talents du journalisme et de produire, parfois, de vrais articles engagés. Et parce que l'on a de toute façon toujours tort de rester confortablement assis-e sur ses préjugés, je m'abonnai donc à la newsletter du mensuel.

Ainsi, je reçus ce soir un courrier m'invitant à consulter un article sur les "pires moments du festival". Je cliquai avec appétit, pensant lire quelque chose sur la sélection désespérément masculine et le défenseur acharné de sa virile spécificité, j'ai nommé Thierry Frémeaux, sur les sorties navrantes de François Ozon ou de Roman Polanski, sur la montée des marches d'un DSK accueilli en star, sur les call-girls "invitées" à divertir les Festivaliers...

Mais non. Les pires moments de Cannes 2013 selon Marie Claire, sachez-le, c'est des montres Cartier et des bijoux Chopard volés, un cambriolage en Ferrari, un coup de feu qui effraie les chroniqueurs du Grand Journal sans blesser personne et...Afida Turner, autrement appelée "Leslie du Loft" qui s'incruste sur le Tapis Rouge et s'en fait virer manu militari par les vigiles. Eh beh...

Ce n'est pas l'ambiguïté ou le paradoxe qui me dérangent. Je crois que l'ambiguïté, quand elle est fondée en espace de remise en question, est porteuse de dynamique réflexive et permet les perceptions anti-caricaturales. Mais parfois, elle est aussi simplement le prétexte à être tout et son contraire à la fois.

C'est dommage, j'avais bien envie d'aimer le nouveau Marie Claire, moi, avec ses chroniques de Caroline Fourest, ses reportages sur les femmes d'affaires vietnamiennes ou les salariées de Virgin qui refusent de porter un uniforme trop moulant...

Ce qui est dommage, c'est aussi que capable de remettre presque tout en question, parce qu'elle est quand même faite par des gens intelligents et cultivés pour la plupart, la presse féminine n'évoque jamais dans ses colonnes son propre statut et ses propres aliénations.