La féministe que je suis est régulièrement confrontée au reproche d'avoir des sujets de préoccupation prétendument dérisoires. Il n'est pas rare qu'on m'oppose l'urgence chômage quand je parle de l'urgence égalité salariale, l'urgence crise du logement quand je parle stéréotypes sexistes, l'urgence quartiers des cités quand je parle violences faites aux femmes...
J'ai l'habitude de voir renvoyée la question de l'égalité femmes/hommes à de lendemains plus cléments pour ne pas dire à un bien pratique "p'têt ben plus tard, faudra voir quand le plein emploi, quand la faim dans le monde, quand l'effet de serre, quand le vaccin contre le sida, quand tout ira bien et qu'on aura plus qu'à peigner la girafe, alors, oui, si on a le temps, on s'inquiètera du sort des femmes." J'ai l'habitude et ça ne m'impressionne pas. Je suis à peu près sûre qu'hommes comme femmes, nous sommes capables de faire plusieurs choses à la fois, de nous intéresser à de multiples sujets, de nous inquiéter de nombreux enjeux et même de les articuler entre eux, voire allez, comme je suis très optimiste, de piger que la mixité et l'égalité peuvent réellement être un plus à tous et toutes dans la recherche de solutions aux fameux "vrais" problèmes de l'humanité.
Mais qu'elle n'est pas ma surprise quand je découvre qu'en matière de préoccupations dérisoires, les défenseurs de la virilité, parfois, se placent franchement là, pour le coup. Qu'elle n'est pas ma surprise de découvrir que la proposition de loi d'un député suédois visant à obtenir des hommes qu'ils fassent pipi assis plutôt que debout fait débat et mérite que presque toute la presse s'y arrête (chez nous, de TF1 à Marianne en passant par Europe 1 et Métro, le Figaro, Atlantico et on en passe...).
Et que ça blablate sur les risques de "délation conjugale", et que ça ricane jaune (!) sur le mode "ça alors, c'est cocasse", et que ça s'inquiète en réalité d'une éventuelle tentative de castration, voire de harcèlement contre les hommes, plus jamais à l'abri du vent mauvais que fait souffler la menaçante domination féminine, laquelle vient désormais les poursuivre jusqu'aux latrines.
Alors, ça se rassure, aussi, en faisant appel à de fumeux arguments médico-scientifiques : pisser assis réduirait les risques de cancer de la prostate et boosterait la libido. Ah! Alors, ça change tout : si c'est pour mieux affirmer sa virilité au lit, ça mérite peut-être de s'assoir sur la cuvette pour faire pipi.
Euh... Sinon, un peu de bon sens, peut-être : faire pipi assis, notamment dans des toilettes partagées (en famille, en entreprise, dans les lieux publics), c'est juste plus hygiénique. Et du même coup, un poil plus convivial pour la personne qui suit.
Il n'y a pas de débat, les gars : pisser debout n'est pas une marque de virilité. Pisser debout ne sert pas à marquer son territoire chez l'humain. Pisser debout ne sert à rien d'autre qu'à éclabousser le rebord (et éventuellement ses pieds) et à dégueulasser les trottoirs et les couloirs de métro quand on a un bu quelques bières de trop (mais qu'on pourrait quand même se retenir. Comment je fais, moi, d'après vous?).
Alors, on s'assoit une bonne fois pour toutes sur le pot et sur le sujet ?