L'autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP, ex-BVP) a rendu vendredi dernier son rapport "Publicité et Image de la personne humaine" à Madame la Ministre des Droits des Femmes, Najat Vallaud Belkacem. C'est pas triste : "réduction d'un sujet au statut d'objet sexuel", "représentation dégradante", "nudité sans rapport avec le produit", "stéréotypes" et "incitations à la violence" ont toujours cours sur les affiches et dans les spots promotionnels, et les femmes en prennent pour leur grade. C'est un triste fait, la pub aime le sexisme.
Pour moi qui exerce dans la communication depuis 14 ans et confesse (!) aimer ce métier passionnément, l'attirance de la pub pour les images caricaturales et volontiers dégradantes des femmes ne laisse d'être un mystère. Cela d'autant que j'ai croisé surtout des gens intelligents, cultivés et réfléchis dans le marketing & la comm. Si, si, promis!
Au départ, on te demande toujours d'être audacieux, novateur voire subversif...
C'est un secteur où la commande initiale consiste en général à demander aux créatifs de surprendre, d'être audacieux, voire subversif.
Pourtant, à l'arrivée, il n'y a rien de nouveau, d'étonnant, de culotté (!) et encore moins de subversif dans un slogan misogyne ou une image de femme à poil. C'est au contraire, le basique du basique, le banal du banal, le conservateur du conservateur.
Il se révolte quand le "café du coin" contre l'idée dégradée qu'on en a?
C'est le bouge du coin qui débarque au 22è étage de l'agence de publicité où rédacteurs et créatifs archi-diplômés et chèrement payés sont supposés cogiter. Non, en fait, ce n'est pas le bouge du coin qui s'invite à l'agence, c'est l'idée qu'on s'y fait de ce qui se raconte au zinc. C'est l'idée qu'on s'y fait de ce que la fameuse "ménagère de moins de cinquante ans" a envie qu'on lui raconte quand elle remplit son caddie. C'est l'idée qu'on s'y fait de l'opinion publique et des mobiles qui font ouvrir le porte-monnaie de l'acheteur-se.
Cette idée, je la trouve humiliante. Pas seulement pour la mannequin qui pose en petite tenue pour vendre du chocolat ni pour la jeune femme à peine pubère qui incarne un parfum forcément "eniiiiiivrant" et incontournablement "addiiiiiiictif". Je la trouve humiliante pour ses "cibles" (comme on dit dans le jargon), c'est à dire pour nous, hommes et femmes, consommateurs et consommatrices. Nous voilà pris-es pour des crétin-es tellement peu capables de réfléchir qu'il nous faudrait de la bonne grosse blague simpliste et de l'image grossièrement caricaturale pour remarquer un produit, y projeter notre mode de vie et nous précipiter pour l'acheter? Mais qui a dit que c'est ce dont nous avons envie? Qui a décrété que nos désirs sont si peu subtils?
Et notre intelligence, on lui parle ou on lui parle pas?
Je suis une incorrigible optimiste, je veux croire que parler à l'intelligence des un-es et des autres est toujours plus intéressant et plus porteur que de miser sur les réflexes stéréotypés et sur les instincts primaires... Je veux croire encore que mes confrères et consoeurs ont eux aussi envie de mettre leur intelligence et leur réelle créativité en oeuvre quand ils ou elles font leur job.
Alors, on essaie quand de faire de la pub qui nous rend un peu mieux hommage, aux un-es et aux autres?