Emma, ma voisine de blog, dont je vous encourage vivement à aller lire les tribulations de (pas si) "mauvaise mère" (qu'elle le dit), m'a envoyé hier soir un petit mail comme un coup de coude complice : un lien vers une étude scientifique américaine sur les ressorts de l'ambition féminine...
Où l'on peut vérifier, travail poussé d'une chercheuse en psychologie de Columbia à l'appui, une intuition forte sur le rôle des pères dans la construction de l'identité féminine : moins un homme est sexiste et plus il participe aux tâches ménagères, plus ses filles auront de chances de réussir professionnellement.
Comment ça se joue ? Dans des mécanismes psychologiques on ne peut plus classiques, mais qui sortent un peu des réinterprétations simplistes du complexe d'Oedipe. La relation parent-enfant, si elle permet d'expérimenter son identité de genre et de s'initier à la séduction a aussi et surtout pour fonction de donner à la fois des étalons et des autorisations, aux filles comme aux garçons.
Donner un modèle "normal", "bon" et "juste" de conciliation vie professionnelle/vie familiale
Les étalons, ce sont les échelles de valeur transmises par l'éducation, c'est tout ce qui fait que l'on considère comme "normal", "juste" et "bon" ce qu'on voit à la maison. Quand papa lave la vaisselle et passe l'aspi autant que maman, c'est "normal", "juste" et "bon" que les tâches soient réparties et que chacun-e joue plusieurs rôles dans sa vie, s'inscrive dans plusieurs espaces d'existence.
Les fonctions ne sont pas strictement réparties entre celui qui travaille beaucoup au dehors et celle qui nettoie beaucoup à l'intérieur : il y a pour l'homme et la femme, le père et la mère, un espace public et un espace intime, qui se concilient et s'articulent.
Les filles qui voient leurs pères prendre du temps pour participer aux corvées ménagères se défont naturellement de l'idée que ce sont plutôt des tâches féminines et se libèrent instinctivement de la responsabilité du domestique : elles la perçoivent comme partagée, tout simplement. Et trouvent "normal", "bon" et "juste" pour un homme comme pour une femme d'avoir une vie professionnelle, avec ses joies et ses contraintes ET une vie familiale, avec ses plaisirs et ses obligations.
Apprendre à nos enfants à tout aimer... Et surtout à s'aimer dans tout
Les autorisations, c'est tout ce que les parents permettent à l'enfant d'exprimer comme désirs et comme ambitions pour lui-même. C'est tout l'inverse des projections qui nous font dire qu'on attend un petit footballeur quand notre fœtus XY nous envoie un coup dans l'estomac à 6 mois de grossesse ; qui nous font rêver d'une future normalienne quand on a une dévoreuse de bouquins ou d'un futur polytechnicien quand on a un petit gars qui compte bien...
Les autorisations, c'est toutes les possibilités qu'on offre à nos enfants de tout aimer, et surtout de s'aimer dans tout. D'être aussi fier-e d'eux-mêmes quand ils tapent dans la balle ou quand ils dessinent des petites fleurs, quel que soit leur genre, de se sentir à leur place au cours de danse et à l'entraînement de rugby, quel que soit leur genre, de se sentir beau ou belle, en rose ou en bleu ou dans toute auteur couleur, quel que soit leur genre, d'assumer leurs émotions et leurs ambivalences, leur sensibilité et leur force, quel que soit leur genre...
Tu seras une femme, ma fille, celle que tu auras choisi d'être
Les papas anti-sexistes, dit l'étude de la chercheuse en psychologie sociale Toni Schmader, ne privent pas leur petite fille de poupées, ne reportent pas leur désir d'avoir un fils sur elles et n'en font pas des "garçons manqués". Ils les autorisent seulement à être celles qu'elles veulent et ils les valorisent dans tout ce qu'elles font, même quand ce n'est a priori pas "féminin", pas "prévu" pour elles. Ils les traitent comme des enfants avant de les voir comme des fillettes. Ils leur disent en somme "tu seras une femme, ma fille, la femme que tu auras décidé d'être". Ils leur offrent l'immense liberté de se choisir et de se sentir légitime dans leurs désirs et leurs ambitions. Ils leur donnent l'indispensable confiance qui rend le dépassement et l'accomplissement de soi possibles.
Allez, les papas! Soyez féministes, votre fille vous le rendra au centuple!