Pourquoi le salaire des profs a tant baissé ce mois-ci

@ Mario Antonio Pena Zapatería / creative commons

Emoi ces derniers jours chez les fonctionnaires, notamment les enseignants, découvrant le montant de leur salaire en consultant leur compte en banque : tous constatent une nouvelle baisse de salaire, habituelle en janvier depuis des années mais cette fois-ci sensiblement plus importante. Pour ce qui me concerne, la baisse est de 23,01€ par mois, soit 276,12€ pour l’année. Suffisamment pour que j’aie envie d’en savoir plus.

CSG, qu’on pensait

Mon premier réflexe a été de regarder du côté de la hausse de la CSG. On sait que le gouvernement a prévu de compenser, et même mieux, cette hausse de 1,7% de la CSG en supprimant la cotisation chômage, ce qui permet mécaniquement à tous les salariés et à une grande majorité d’indépendants de voir leur pouvoir d’achat augmenter dès ce mois-ci, en moyenne de 1,45%. Une mesure largement vantée par le gouvernement ces derniers temps.

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Sauf que, pour les fonctionnaires, la chose a été plus compliquée : rien ne semblait vraiment prévu au départ, mais finalement la compensation devrait être faite « à l’euro près ». De quelle manière ? En supprimant la CES (contribution exceptionnelle de solidarité, 1%) et en ajoutant une indemnité compensatrice. Au final, la compensation est sauvée, pour les fonctionnaires, et la baisse de salaire de janvier 2018 n’est donc pas imputable à une compensation partielle de la CSG. Mais il faut y mettre deux gros bémols :

  1. il ne s’agit que d’une compensation et non d’une augmentation du pouvoir d’achat, comme pour les salariés ;
  2. cette indemnité constitue en réalité une baisse à retardement: en effet, son montant est calculé sur la base des revenus de 2017 pour cette année 2018 et sera revalorisée pour 2019 sur la base des revenus de 2018. Mais ensuite elle sera gelée !, ce qui signifie qu’à partir de 2020, la hausse de la CSG ne sera plus compensée et la perte de pouvoir d’achat sera plus importante chaque année, la CSG augmentant avec les salaires…

Toujours est-il que, pour ce mois de janvier 2018, ce n’est pas du côté de la CSG qu’il faut chercher. Alors où ?

Cotisations retraite, encore et toujours

Si on a pris l’habitude, chez les fonctionnaires, de redouter la fiche de paie de janvier depuis des années, c’est qu’on y constate invariablement une baisse de salaire. En cause, la hausse des cotisations retraite. En 2010, le gouvernement Fillon a en effet décidé qu’il était temps que les fonctionnaires cotisent autant que les salariés pour la retraite. Un calendrier a donc été mis en place pour aligner ces cotisations sur le privé, en passant de 7,85% en 2010 à 11,10% en 2020. Chaque année depuis 2012, je constate donc une baisse d’environ 8 € chaque mois de janvier, au titre de la « retenue pension civile ». Il y a deux ans, j’avais calculé que cette hausse m’avait couté, sur la période 2010-2016, presque 2000€ nets (lire le post ici).

retenue PC

Cet alignement est bien entendu une très bonne chose, du point de vue de l’équité, même si on peut trouver que l’équité ne fonctionne que dans un sens (voir la CSG). Par ailleurs, en 2020, les fonctionnaires cotiseront autant que les salariés pour leur retraite, cela fera un argument de moins contre eux sur ce sujet. (On en profite d’ailleurs pour redire ici que le Conseil d’orientation des retraites (COR) a publié une étude en 2015 qui dit qu’à salaire égal et à durée de carrière égale, la retraite d’un salarié et celle d’un fonctionnaire équivalent désormais, c’est à lire ici). La bonne nouvelle, c’est que dans trois ans les cotisations retraite arrêteront d’augmenter, on peut rêver d’une fiche de paie stable pour janvier 2021.

Au 1er janvier 2018, en tout cas, comme prévu, le taux de retenue PC est passé de 10,29% à 10,56%, soit une hausse de presque 7€ pour ce qui me concerne. Ce qui n’explique pas encore le montant, de 23 €.

Il faut toujours lire avec attention son courrier : la MGEN augmente ses cotisations

C’est sur les réseaux sociaux qu’on a attiré mon attention sur un fait qui m’avait échappé : la MGEN, mutuelle ultra-majoritaire chez les enseignants, dont la cotisation est directement prélevée sur le salaire, a augmenté le montant de ses cotisations en janvier 2018 !

On ne peut pas dire que la MGEN ait beaucoup communiqué sur ce sujet, et on peut les comprendre d’une certaine manière, mais je ne peux en vouloir qu’à moi-même, je n’avais qu’à lire correctement mon courrier. En effet, celui daté du 4 décembre 2017 m’indique très clairement « les informations relatives à votre cotisation pour la période du 01/10/2018 au 31/12/2018 », tout y est annoncé. Alors que la cotisation n’avait que peu bougé ces dernières années, la voici qui explose, passant de 1442€ en 2017 à 1640€ en 2018 ! Une augmentation de près de 200€, soit presque 14% d’augmentation de ma cotisation MGEN sur l’année ! Un petit calcul rapide m’informe que cela représente environ 16€ par mois. Qui additionnés aux 7€ de cotisation retraite constituent précisément le montant de 23€ en moins sur mon salaire de janvier 2018. Nous y voilà.

Les raisons de cette augmentation sont un peu floues. Nulle part la MGEN ne s’en explique. On pourra tout de même aller consulter cet intéressant échange qui date de septembre dernier, entre des adhérents et le Président MGEN de Bretagne, lequel dit notamment que « l’erreur de MGEN est très certainement de n’avoir pas anticipé les impacts des contextes endogènes et exogènes avant cette année. Ces hausses de cotisations étaient très certainement inévitables mais une augmentation brutale n’est jamais bonne et surtout jamais comprise par les adhérents. Il faudra en tirer les leçons et savoir mieux expliquer les choses, être beaucoup plus pédagogiques avec nos adhérents ».

En guise de pédagogie, voici la réponse adressée à un adhérent s’étonnant de l’augmentation de la cotisation, il y a quelques jours :

mgen réponse 2

A ceux qui se poseraient la question, voici un intéressant billet de blog de Julien Delmas : « faut-il garder la mutuelle MGEN ? ».

Vaches maigres

Au-delà de la baisse de salaire de janvier, les profs ont raison d’être pessimistes sur leur salaire. Dès cet automne, on annonçait ici-même le retour des vaches maigres. Les premiers mois du quinquennat Macron ont en effet été très clairs : gel du point d’indice pour 2018, probablement jusqu’à 2022 ; retour du jour de carence ; report d’un an au moins de l’application du PPCR, moins médiatique mais plus impactant car il devait sensiblement améliorer le traitement des profs (par exemple les certifiés et les professeurs des écoles devaient en moyenne gagner 7 points d’indice au 1er janvier 2018…) ; prime REP (promesse de campagne) non intégralement versée… Autant de coups portés au portefeuille.

Pourtant, le candidat Macron avait écrit, dans sa lettre à la fonction publique, en avril dernier : « J'augmenterai votre pouvoir d'achat, comme celui des salariés des entreprises : vous paierez moins de cotisations et votre salaire net sera augmenté d'autant. » D’après Les Echos, on considère désormais, à l’Elysée, que le dégel du point d’indice (2 fois 0,6%, en 2016 et 2017, qui ont à peine couvert l’inflation après des années de gel) réalisé sous Hollande constitue une hausse suffisante du pouvoir d’achat.

L’Elysée n’a pas dû mettre au courant le ministre de l’EN, car JM Blanquer (« l’école de la confiance ») déclarait il y a quelque jours sur France Inter : « Sur le quinquennat, nous avons le but de revaloriser le métier », ce qui « passe par la question salariale ». C’était dimanche 28 janvier. Le lendemain, on découvrait notre salaire de janvier, donc.

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