C’est pas moi qui le dis, c’est la DEPP, d’une part, et l’OCDE, d’autre part. Dans des rapports parus ces derniers jours, la première annonce un temps de travail hebdomadaire de 44 h en moyenne, et la seconde confirme une situation salariale peu enviable.
Un instit travaille plus de 44 heures par semaine…
L’étude est signée de la DEPP (Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance, le "département stats" du ministère de l’EN) et porte sur l’année 2009-2010. Elle montre qu’un instit travaille en moyenne 44 heures par semaine, réparties en 25 h 30 heures d’enseignement devant les élèves et 18 h 30 d’activités diverses : préparation des cours (8 h), corrections (3 h 36), réunions et conseils de cycle, de maîtres ou d’école, formations pédagogiques, rencontres avec les parents, documentation, etc. Le temps de travail à la maison annoncé est en moyenne de 9 heures par semaine.
Les instits travaillant en élémentaire annoncent un temps de travail hebdomadaire supérieur à celui annoncé par ceux travaillant en maternelle (43 h 27 contre 38 h 38). C’est surtout le temps de préparation et de correction qui diminue en maternelle (12 h 52 contre 9 h 33). Les directeurs travaillent logiquement plus que leurs collègues.
Sans surprise, les jeunes instits travaillent énormément : chaque semaine un instit de moins de 30 ans travaille 52 heures. 7 heures de plus en préparation, 2 heures de plus en correction et 1 heure de plus en documentation que les instits plus expérimentés. A contrario, c’est entre 30 et 39 ans qu’on travaille le moins (41 h par semaine), et cela remonte ensuite graduellement en vieillissant : les trentenaires ont probablement à gérer leur chronophage progéniture, laquelle accapare un peu moins en grandissant…
… et travaille aussi pendant les vacances
En moyenne, les instits déclarent travailler, partiellement ou totalement, 20 jours de congés sur l’année, moitié l’été, moitié le reste des vacances.
Les jeunes instits sont encore ceux qui travaillent le plus durant les vacances : 27,5 jours de travail sur les vacances chaque année, dont 13,8 pour les seules vacances d’été, pour les moins de 30 ans, à peine moins entre 30 et 40 ans (24,7 jours). En vieillissant, les instits travaillent moins sur leur temps de congés : passée la quarantaine, 15,4 jours chaque année, puis 12 jours pour les instits de plus de 50 ans.
Il est à noter que les instits hommes travaillent moins sur leurs vacances que leurs collègues femmes : 18 jours par an contre 20,6 en moyenne, et même 6 jours seulement en été contre 10,7 pour les femmes !
Personnellement, instit homme entre 30 et 40 ans, toutes ces statistiques me correspondent parfaitement !
L’OCDE insiste : les instits français sont sous-payés
L’organisation économique avait déjà, dans ses Regards sur l’éducation 2012 parus en septembre dernier, montré que les instits français étaient mal payés, que ce soit par rapport à leurs homologues des autres pays de l’OCDE, ou par rapport aux profs de secondaire français (pour plus de détails, relire ce post publié à la sortie du rapport).
Les Regards sur l’éducation 2013 sont sortis fin juin (c'est en anglais, mais bon un tableau reste un tableau, et si vous êtes paresseux, il y a cette synthèse en français), et l’OCDE en remet une couche.
Un instit européen gagne en moyenne, à son entrée dans le métier 29 123 $ annuels ; un instit français 25 646 $, soit 12% de moins que la moyenne. Au bout de 15 ans, l’instit européen en est à 38 602 $ annuels ; l’instit français à 33 152 $ (un instit anglais 44 269 $, un irlandais 54 954 $, un allemand 58 662 $, oui je sais ça fait mal). On entend parfois dire que l’instit français rattrape ce retard en fin de carrière : c’est vrai qu’à l’échelon maximal, le salaire annuel d’un instit français est 48 916 $, contre 45 602 $ en moyenne en Europe. MAIS : il faut à un instit français 34 années de service avant d’y parvenir (contre 24 en moyenne dans les autres pays), et seuls 2 % des instits parviennent à cet échelon "hors-classe"…
Comme les instits français passent davantage d’heures à enseigner que leurs homologues des autres pays (936 h de cours contre 790 h dans l’OCDE), le salaire ramené à l’heure de cours est faible comparé à la moyenne : 35 $ pour un instit français, 51 $ pour un européen, au bout de 15 ans de service.
Par ailleurs, un instit français gagne 75% seulement du salaire perçu par un salarié possédant un diplôme de même niveau (82% dans l’OCDE). En gros, à bac+5, autant chercher un autre boulot que prof. Dans 11 des 31 pays étudiés, le prof gagne autant voire davantage qu'un salarié possédant un diplôme de niveau égal…
Enfin, entre 2000 et 2011, la plupart des instits des pays recensés ont vu leur salaire augmenter (même si depuis la crise de 2008 c’est moins net) : en moyenne +21% pour un instit européen. L’instit français, lui, a perdu 9% de salaire… Seul le Japon fait aussi mal, mais un instit japonais gagne toujours 30% de plus qu’un français !
Conclusion
Ces deux rapports n’apprendront pas grand-chose à ceux qui suivent l’actualité de l’éducation, et encore moins à ceux qui la font (un instit sait bien comme il bosse et combien il touche). Mais d'une part, on est sûr maintenant que la situation ne s'est pas améliorée depuis un an, d'autre part en ce début de vacances d’été ou tout enseignant a déjà entendu au moins une fois « ça y est, encore en vacances pour plusieurs mois ? », il n’est pas inutile de disposer d’un petit lien internet pour étayer sa réponse (mais qu’on ne me reparle pas de cette histoire de 12 mois payés sur 10 !).
Allez, bon barbeuc’.
Nota : un graphiste américain s'était amusé à transcrire sous une forme visuellement très parlante le rapport temps d'enseignement / salaire des instits d'après les données de l'OCDE de 2009. Souvenez-vous, on en avait parlé ici.
Suivez l'instit'humeurs sur Facebook.