Voilà, vous venez de rentrer chez vous après de nombreuses semaines (vous êtes prof) loin de votre quotidien, vos plantes d’appartement sont bel et bien mortes, même les cactus, c’est dire – avec ce qui est tombé dehors pendant six semaines c’est vraiment ballot –, vous constatez un léger dégât des eaux sous le chauffe-eau, S.O.S plombier en vue (ça tombe bien vous avez fait de sacrées économies en crème solaire cet été), vous vous rendez compte qu’il faut d’urgence ouvrir en grand, histoire d’aérer, et, tout à coup, vous vous exclamez : « Crénom de nom, mais au fait, que s’est-il passé pendant mon absence ? Je n’ai regardé que le 13 heures de TF1, au camping, il y a de fortes chances que je sois passé à côté de l’essentiel ». Vous n’avez pas tort, mais si vous lisez ceci, c’est que vous avez rebranché l’ordi, vous êtes donc sur la bonne voie.
Et, puisque vous êtes là, ne vous inquiétez pas, j’ai pensé à vous et pris des notes (pour ce qui concerne l’éducation, le reste, vous allez vous débrouiller, hein).
On va enseigner le code à l’école
Précisons aux étourdis qu’il ne s’agit pas du code de la route (pas de blague, déjà que le permis piéton…), mais du code informatique, et pour les grands largués du bit, ajoutons qu’il ne s’agit pas du code d’accès aux ordis de la salle info, mais de programmation !
Cela fait quelques mois que de nombreuses personnalités, et même l'Académie des Sciences, estiment que l’école devrait apprendre aux élèves les rudiments de la programmation, laquelle favoriserait la réflexion, développerait la logique, l’entraide, la créativité et l’initiative, en sus d’un rôle de formation citoyenne.
Je sais ce que vous vous dîtes, je suis passé par là aussi : « Mais, je ne suis pas formé, moi, je sais à peine aller sur Facebook et créer une feuille Excel ! Et puis, on va faire ça où, dans notre salle informatique vintage ?? ». Rassurez-vous, il a finalement été décidé que cet enseignement du code se ferait à titre plus ou moins expérimental, le gouvernement ayant passé des appels à candidature auprès d'associations afin qu’elles investissent les TAP, pardon, activités péri-éducatives, sur ce sujet.
Si vous voulez vous faire une idée, lisez ce reportage, ça donnerait presque envie. En attendant, rappelons que plus de 16 000 écoles n’ont pas encore accès au haut débit…
Les salaires ont baissé (si si)
Si vous êtes prof, ce n’est pas à franchement parler une grande nouvelle, vous êtes au courant, merci bien. Oui, mais là c’est l’INSEE qui le dit, ce qui ne résout pas le problème mais donne des arguments chiffrés, pour l’apéro chez le voisin demain.
L’étude en question porte sur l’année 2012 et nous apprend par exemple que, si l’ensemble des fonctionnaires voit son salaire moyen reculer de 0,1% (euros constants), les profs voient le leur baisser de 1,5%. Autrement dit, en 2012, le pouvoir d’achat des profs a baissé 15 fois plus que celui des autres fonctionnaires. Autre donnée : pour les salariés « présents sur l’ensemble des deux années chez le même employeur et ayant la même quotité de temps de travail les deux années », les enseignants sont les seuls, parmi les fonctionnaires, à voir leur salaire baisser entre 2011 et 2012, de 0,4% alors que l’ensemble des fonctionnaires voit le sien augmenter de 0,3%.
On attend les résultats pour 2013 et 2014 avec impatience (quoique), vu les baisses constatées ces derniers mois…
Une petite vidéo sur l’adjectif qualificatif attribut ?
Ils sont rigolos, au ministère ! Au cœur du mois de juillet, c’est-à-dire au moment même où aucun prof n’a la tête au travail – vu qu’il a fallu deux semaines pour arrêter de rêver des élèves, la nuit – la page Facebook du ministère linke sur son portail canope, vers une série de vidéos pour l’élémentaire, dont celle-ci, sur l’adjectif qualificatif attribut. Franchement, les gars du ministère, il va falloir réfléchir un peu à la manière de communiquer si vous voulez que les profs utilisent vos outils ! (Elles sont pas si mal que ça, ces vidéos, en plus…).
Publication du 2ème baromètre Unsa éducation sur les métiers de l’éducation
Comme en 2013, le baromètre Unsa sur les métier de l'éducation révèle que l’écrasante majorité des personnels de l’Éducation et de la Recherche (94%) déclare aimer leur métier et être heureux de l’exercer (83%). Ils affirment également à 81% que les missions qui leur sont confiées ont du sens pour eux. Pour autant, les autres réponses montrent bien un état d’esprit plutôt négatif. Dans les réponses de cette année, une priorité ressort : le pouvoir d’achat. 62% des personnels qui ont répondu placent le pouvoir d’achat dans leurs 3 priorités. Ils l’accompagnent des perspectives de carrière (45%) et de la charge de travail (40%). Cette priorité est confirmée par le fait que seulement 13% des personnels déclarent que leur rémunération est à la hauteur de leur qualification. Ce besoin de reconnaissance financière s’accompagne dans les réponses d’un besoin de reconnaissance plus large. En effet, 57% des personnels affirment qu’ils ne se sentent pas reconnus et respectés dans leur pratique professionnelle, seuls 16% estiment que leurs perspectives de carrière sont satisfaisantes, 12% que leurs conditions de travail se sont améliorées dans la dernière année. 37% expriment vouloir changer de métier au sein de la Fonction publique, 17% envisagent une carrière dans le secteur privé. Ces réponses peuvent expliquer en partie qu’ils ne soient que 38% à conseiller leur métier à un jeune de leur entourage.
Plusieurs traits sont à noter :
- de tous les personnels de l’Education Nationale, les profs sont de loin ceux qui ont le plus le sentiment de ne pas être reconnus et respectés (31% contre 55%) ; cela recoupe l’enquête TALIS de l’OCDE, qui avait établi (en juin, voir synthèse ici) que les profs de collège français n’étaient que 5% à penser que leur métier était valorisé par la société, soit 6 fois moins que la moyenne des autres pays…
- « en se penchant sur une analyse des réponses par métiers, il ressort que les professeurs des écoles sont les personnels qui vivent le plus mal les choix politiques faits dans leur secteur d’activité (seulement 14% sont en accord avec ces choix…ce chiffre étant même ramené à 11% si l’on se focalise sur les femmes professeurs des écoles). Il en est de même sur la question de la reconnaissance et du respect, où les réponses positives ne concernent que 30% d’entre eux. Il apparaît donc clairement que les évolutions et le pilotage fluctuant des réformes du système éducatif sont plus mal vécus par les enseignants que par les autres personnels. La question de la reconnaissance est très significative du fait que ces personnels ne parviennent pas à avoir une vision claire et partagée des choix faits au sein de leur ministère. Les difficultés de mise en œuvre, les retours en arrière, les consignes parfois contradictoires sur les décisions de réforme ne favorisent pas l’appropriation. La refondation de l’École a du mal, pour le moment, à se traduire concrètement dans les classes et nos collègues enseignants ne le vivent pas bien ».
Le secondaire français pointé du doigt
Fin juillet, France Stratégie publie un rapport qui juge l’enseignement secondaire déficient et coûteux. La France dépense trop pour le secondaire (deux fois plus qu’en primaire, si on considère le coût par élève), compte tenu des résultats enregistrés. « Les dépenses en enseignement secondaire ne démontrent pas une performance remarquable au regard des autres pays », explique les auteurs. Principal accusé : le redoublement, très coûteux et dont les bénéfices sont minimes.
Le ministère, furieux, réagit vivement : «ce rapport est indigent, mélange les choux et les carottes en recyclant approximativement les données de l'OCDE» indique-t-on dans l'entourage du ministre qui se demande « s'il ne serait pas plus judicieux de supprimer France Stratégie.» (le Monde) Dans la foulée, échange de vue à fleuret moucheté entre le ministre Hamon, qui n’a pas apprécié, et l’auteur de rapport, qui n’a pas apprécié qu’on n’ait pas apprécié. Histoire de départager tout le monde, Claude Lelièvre fait le point sur son blog.
Publication du classement de Shanghai
Vous vous languissiez des classements internationaux, PISA est déjà bien loin et vous avez du vous contenter, ces derniers temps, du dernier classement FIFA ? Voici le classement des meilleures universités du monde, appelé classement de Shanghai, qu’on peut voir de plusieurs manières : soit on la joue volontairement catastrophiste, comme le Figaro, qui parle de « faillite silencieuse de l’université française » (mais pourquoi donc sent-on un parti pris légèrement politique ?), soit on se borne à observer que les « universités françaises maintiennent leur rang », elles sont 21 dans les 500 premières, une de plus que l’année dernière.
Particulièrement intéressant, l’avis d’Alain Beretz, président de l’Université de Strasbourg, 95ème du classement (4ème française) : « Nous sommes certes heureux d'être bien classés, mais ces palmarès sont ineptes ! On ne résume pas la qualité d'une université, qui mène plusieurs missions de front, par une seule note et sur la base de données peu fiables. Inscrire dans les objectifs stratégiques de notre enseignement supérieur et de notre recherche celui de grimper dans les classements me paraît donc une erreur » (le Monde.fr). Un peu les mêmes critiques que pour PISA et le classement de la FIFA, finalement.
Le prix des nounous a augmenté avec les nouveaux rythmes scolaires
L'étude semble assez étayée pour qu’on lui accorde quelque crédit, même si ce n’est pas l’info du siècle : dans les départements où les nouveaux rythmes scolaires ont été mis en place pour plus de 50 % des élèves, cette année, le coût d’une baby-sitter a nettement plus augmenté que dans les autres départements (6,16% contre 3,54%)… L'Ariège, où 98,5% des élèves sont déjà concernés par la réforme, connaît la hausse la plus forte : 10,26% par rapport aux chiffres de 2013. Même le Tarn-et-Garonne, qui enregistre l'augmentation la plus faible des départements appliquant déjà la réforme (4,32%), reste au-dessus de la moyenne nationale.
J’avais, il y a quelques mois, calculé la somme annuelle que me coûteraient les changements dus à la mise en place des nouveaux rythmes, mais j’avais omis cette donnée-là…
Et puisqu’on risque de beaucoup reparler des rythmes scolaires, on recommande chaudement cette interview de George Fotinos, spécialiste de la question depuis 30 ans, et dont le recul est salutaire.
De la drogue dans une maternelle parisienne
Pas de quoi faire trembler la brigade des stups, mais bon quand même : 7 grammes de cocaïne, 300 grammes de résine de cannabis et une balance de précision ont été trouvés dans une école maternelle du 20ème arrondissement de Paris. Je serais le propriétaire du lot confisqué, devant le jury je plaiderais le malentendu : « Il s’agit de matériel pédagogique, monsieur le Président, pour une séance de mesures de masses ».
A milieu de tout ça, n’oublions pas l’essentiel : dans une semaine tout juste a lieu la prérentrée. Il est temps de se mettre sérieusement au boulot.
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