C’est le Café Pédagogique qui a relayé l’info en reprenant un article du Huffington Post US dans son édito du jour : aux Etats-Unis, les écoles ouvertes par des personnalités se multiplient. Le dernier en date est le rappeur Pitbull, qui a ouvert fin 2013 à Miami une école ou le sport joue un rôle important et destinée aux élèves au bord de la rupture scolaire. « On m’appelle Monsieur Education », se vante le rappeur. D’autres avant lui ont ouvert une ou plusieurs écoles : parmi les plus connus, Magic Johnson, l’ex-star des L.A. Lakers, a ouvert une quinzaine d’écoles destinées aux élèves décrocheurs. L’ancien tennisman Andre Agassi a créé un fonds chargé fin 2013 de construire 23 écoles. Will Smith également ouvert une école qui, suspectée de s’appuyer sur la scientologie, a fermé ses portes en 2013.
Chez les filles, la tendance est à l’export. La présentatrice vedette Oprah Winfrey a ouvert des écoles pour filles en Afrique du Sud, Madonna plusieurs écoles au Malawi (pays d’où elle a aussi ramené deux enfants adoptés), Angelina Jolie une école de filles en Afghanistan, Serena Williams une école gratuite au Kenya, où l’école est payante. La colombienne Shakira a quant à elle déjà ouvert huit écoles, la dernière en février 2014, dans son pays.
Charity business
L’engouement des stars pour le caritatif scolaire ne date pas d’aujourd’hui : Alicia Keys a fait de nombreux dons d’instruments de musique à l’école de son enfance, Denzel Washington a donné rien moins que 2,25 millions de dollars à l’université catholique de Fordham où il suivit sa scolarité et fit ses premiers pas sur les planches, Sandra Bullock a fait un don à une école de la Nouvelle-Orléans après le passage de l’ouragan Katrina, Meryl Streep a fait un chèque de 10 000 dollars à une école de Rhodes Island en apprenant que sa rivale aux Oscars, Viola Davis, finançait ladite école…
On ne va pas jouer les cyniques, après tout, le charity business est très important aux Etats-Unis, chacun a le droit d’avoir ses bonnes œuvres et même d’être sincère dans ses engagements.
Il semble néanmoins qu’il ne faille pas mettre tout le monde dans le même sac Vuitton. Il y a les écoles fondées par les stars sur les deniers de leur fondation (Angelina Jolie avec les bénéfices de sa ligne de joaillerie, Serena Williams ou Shakira avec leur fondation, etc.) dans des pays où le besoin éducatif est fort, notamment pour les filles. Et il y a la création d’écoles dont le financement mêle finances publiques et investissements privés.
Fonds privés, argent et politique publics
L’école du rappeur Pitbull est le dernier exemple de financement du programme National Alliance for Public Charters School, créé au début des années 1990 et dont le but est d’amener de l’argent privé dans le système scolaire, particulièrement dans les écoles en difficulté et les zones défavorisées, et ce en augmentant l’autonomie des établissements afin de coller aux problématiques locales. Les 6500 charters schools ont jusqu’ici formé 2,5 millions d’élèves.
Le système mis en place par Andre Agassi pose une autre question. L’ex-tennisman a créé un fonds nommé Canyon-Agassi Charter School Facilities Fund dont le but est de financer la construction de sa "marque" de charters schools. Fin 2013, 23 étaient en projet, et le but est d’arriver rapidement à 100. Le hic, c’est qu’Agassi a levé 750 000 000 de dollars (!) grâce à un groupe d’investisseurs californien appelé Canyon Capital Realty Advisors LLC. Andre Agassi n’a pas caché que pour lui, « le secteur privé est mieux pour l’école » et admet que « ses » écoles relèvent du secteur privé. Problème, elles font partie des charters schools et à ce titre, bénéficient de financements publics. Sur son blog, la spécialiste de l’éducation Diane Ravitch révèle que l’école modèle d’Agassi, à Las Vegas (où la rotation importante des enseignants engendrerait de sérieux problèmes de discipline, d’après un journal local) touche une allocation publique de 6 530 $ par élève chaque année, plus de la moitié du coût total. Cela représente aussi le double du budget alloué à une école publique standard.
Par ailleurs, si un fonds d’investissement comme Canyon Capital s’intéresse à l’éducation, on doute que ce soit par pure philanthropie, mais bien pour faire des bénéfices directs et sans trop tarder. Comment, sur quel modèle économique, avec quelles conséquences pour l’éducation, pour les enseignements ? L’éducation peut-elle, doit-elle être rentable à court ou moyen terme pour des sociétés spéculatrices ?
Vu d’ici, c’est sûr, tout ceci paraît pour le moins fantasque. N'empêche, si on n'en est pas encore à une école Yannick Noah financée par Dassault ou L’Oréal, certaines grandes firmes comme Total lorgnent déjà sur l'école de la République...
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