J’ai réussi ma réunion avec les parents

 Hier soir, j’ai eu ma réunion avec les parents d’élèves. Rendez-vous à 18 h 30, histoire d’avoir le plus de monde possible. Banco : presque tous les parents étaient là, sauf la maman du petit Benji vu que celui-ci s’était éclaté la pommette dans l’après-midi suite à un choc aussi violent qu’involontaire avec un CM2 et qu’il fallait d’urgence le recoudre (et puis le changer, tout ce sang sur son T-shirt c’est pas possible).

On a traversé le préau, les parents et moi, on a traversé la cour des grands, descendu les escaliers, traversé la cour des petits, on a monté les deux étages et on est enfin arrivés dans ma classe, essoufflés, et ça m’a permis de leur expliquer pourquoi mes élèves sont toujours les derniers à sortir de l’école : on est très loin de la sortie (accessoirement, on arrête de travailler à 16 h 30, d’où la sortie à 16 h 40 – 45). Chaque parent a cherché l’étiquette de son enfant sur les tables et s’est assis à sa place. Moi, ça me permet d’associer un visage parental à chaque élève, eux de se mettre à la place de leur progéniture (vue sur le tableau, voisinage…).

Et ils ont tous posé leurs yeux sur moi.

A moi de jouer. Cette réunion est très importante : elle va véritablement lancer l’année. Je présente le CE2 aux parents de ma classe, leur dévoile le contenu matière par matière, surtout les nouveautés, les cahiers, les manuels, je leur expose ma méthode de travail, mon fonctionnement au quotidien, les habitudes de la classe, ma manière d’évaluer. Je leur indique les principales difficultés qu’ils vont rencontrer dans l’année, insistant par exemple sur l’importance de l’apprentissage des tables de multiplication, une tannée chaque année, les invitant à être vigilant à cette période. Je leur parle des devoirs écrits, interdits depuis 1956 mais que je compte donner chaque soir de l’année, très raisonnablement, j’appuie sur la nécessité de savoir ses leçons, rappelle aux parents qu’il existe de l’aide aux devoirs dans l’école pour les élèves et les familles qui en auraient besoin.

Je leur parle de la classe. Je leur dis sans ambages que le niveau est moyen, avec de grandes disparités. Je ne leur cache pas le début d’année difficile de certains, presque une majorité, que je cherche en ces premiers jours les leviers pour lancer la machine, comment faire pour mettre les élèves dans le sens de la marche. Je leur dis le manque d’attention, la carence en concentration, les lacunes en persévérance, simple constat en forme de diagnostic. Je leur dis aussi que tout ceci va évoluer, que j’en fais mon affaire, ils acquiescent, certains m’ont dit avant la réunion avoir perçu des changements, déjà, à la maison. Je leur dis que la confiance doit être l’élément fondateur du travail dans la classe, que les élèves ont le droit de se tromper mais pas de ne pas participer, que le sérieux et la discipline de chaque élève est indispensable à sa réussite, sans son aide je ne peux rien pour lui. Je leur dis que le triangle parents – enfant – instit doit fonctionner parfaitement, que la communication entre eux et moi doit être fluide, que leur enfant doit sentir qu’on est sur la même longueur d’onde, à l’école et à la maison. Je les invite à venir me voir, à prendre rendez-vous avec moi, j’ai du temps à leur consacrer.

…Etre sincère, vrai, juste. Leur faire comprendre que leur enfant est entre de bonnes mains. Qu’ils n’ont rien à craindre, mais tout à espérer de cette année. Les amener à penser, même, qui sait, que leur enfant a de la chance d’être dans ma classe…

J'aime ce grand oral de début d'année. Je me sens à l’aise, les mots coulent, souples, mes idées sont nettes, le rythme est bon, je le sens. Les parents m’écoutent avec beaucoup d’attention, acquiescent, réagissent à mes traits d’humour, je vois dans leurs yeux l'approbation, je sens à leur petit sourire satisfait qu’ils adhèrent au discours, au style, au projet. Bien sûr il y a la maman chiante de service qui, bien que d’accord avec ce que je dis, ne peut s’empêcher de poser une question un peu con, pour le plaisir d’intervenir et de me mettre légèrement en difficulté. Les autres parents goûtent peu cette intervention, certains lèvent les yeux au ciel. Je souris, répond tranquillement à la maman.

Cela fait une heure et demie que je parle, dehors il commence à faire plus sombre. Je crois que j’ai fait le tour, il est temps de passer aux petits entretiens individuels pour les parents qui le souhaitent. Certains veulent juste me serrer la main, me remercient, à bientôt. Un papa veut me dire qu’il a conscience des difficultés de sa fille (« parce qu’elle est de fin d’année, née le 30 décembre »), mais il sent que ça va bien se passer cette année. Une maman me dit qu’elle aurait adoré m’avoir comme instit, je souris. Un couple de parents veut juste discuter avec moi, comme ça, pour prolonger. Un papa me dit qu’il travaille à la maison et qu’il est disponible pour toutes les sorties. Je le remercie, j’aurai besoin de lui. Il me dit aussi qu’il dessine et qu’il m’a croqué pendant la réunion. Ah.

Je raccompagne les derniers parents, puis je rentre dans ma classe.

C’est gagné. J’ai réussi mon examen auprès des parents. Je suis content de moi. Je sais que j’ai installé un climat de confiance et de coopération. J’ai atteint mon objectif : je veux les parents avec moi. Maintenant que la communication est établie, de cette manière, il n’y aura pas de contretemps, pas de non-dits, pas de malentendus entre l’école et la maison, mais une vraie coordination. Je sais comme des relations tendues sont néfastes aux progrès de l’enfant, je sais combien une sereine collaboration est décisive pour l’avancée de l’élève, que le fait d’être adoubé par les parents va me faire gagner encore du terrain auprès des élèves, du temps avec ma classe.

En rentrant chez eux, les parents vont retrouver un enfant qui verra immédiatement la satisfaction de maman, la confiance de papa, qui sentira que la réunion s’est bien passée, que papa, maman trouvent M. Marboeuf très bien. Alors l’enfant saura que tout est en place pour que ça se passe bien cette année, que le cadre est clairement posé, que le lien, la continuité école – maison, sont assurés. Et normalement, aux premiers signes de frémissements que j’ai déjà perçus ces derniers jours, vont s’ajouter dès lundi matin et le retour des élèves dans la classe, un surcroît d’attention, de concentration, d’écoute.

Les bases sont posées, solides. A moi de construire là-dessus.

 

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