Une lourde page, cornée et maculée, s’est tournée hier pour l’éducation.
Une page blanche, donc, pour François Hollande, qui doit être sûr au moment de prendre sa plume qu’il aura à écrire pour un lectorat particulièrement attentif et vigilant.
Les enseignants auront voté majoritairement pour lui, après avoir délaissé le PS en 2007, et l’attente est importante, considérable. J’ai bien dit attente, pas espoir. D’espoir je crois qu’il ne faut plus parler avant longtemps. Mais l’attente, elle, succède à l’amertume et au sentiment de gâchis incroyable devant le bilan éducatif de Sarkozy.
Hollande, Président de la République, devra redonner confiance au monde de l’éducation, et en premier lieu aux enseignants, malmenés, violentés pendant 5 ans. Il lui faudra écouter, entendre, percevoir surtout la réalité au-delà des dires des uns et des autres. De toute façon, il ne pourra pas faire pire que son prédécesseur : ses fausses concertations, ses simulacres de consultation.
Hollande, Président de la République, devra montrer que l’école est bel et bien une priorité nationale, parce qu’elle construit l’avenir du pays chaque jour. Et qu’elle mérite certains égards à ce titre, de la considération tout au moins de la part de tous les français.
Hollande, Président de la République, devra aussi comprendre que les 60 000 postes ne représentent pas une priorité pour une majorité d’enseignants : le mal est fait et les déficits font peur. Qu’il ne se sente pas pieds et poings liés par cette promesse. Moins de postes intelligemment missionnés et attribués feront l’affaire.
Hollande, Président de la République, devra impérativement rétablir la formation des profs : comment la France a-t-elle pu accepter que les enseignants de ses enfants ne soient pas formés ?
Hollande, Président de la République, devra reconstruire ce qui a été détruit quant à l’aide aux élèves en grandes difficultés, sans angélisme et en associant les familles.
Hollande, Président de la République, aura à prouver qu’il a compris où se joue une bonne partie du parcours scolaire : les premières années, celles où l’on apprend à lire, à écrire, sur lesquelles les efforts doivent porter très rapidement, sans dogmatisme.
Hollande, Président de la République, devra voir au-dessus de ses interlocuteurs, plus haut, plus loin ; il devra montrer une véritable vision à long terme de l’école et de l’éducation. Une vision : ce dont l’éducation a tant manqué durant la dernière décennie, peut-être plus. Fort de cette vision, il devra trancher et imposer.
Car Hollande, Président de la République, doit aussi se préparer à déplaire à l’école, et c’est peut-être là qu’on verra son étoffe. Qu’il en soit certain, il se heurtera lui aussi aux résistances endémiques, à la peur de changer, d’évoluer, qui court dans les veines de tout un chacun comme un poison. Les enseignants ne sont ni meilleurs ni pire que les autres français : eux aussi ont peur de l’avenir, se battent pour leur paroisse, pour protéger leurs acquis, comme n’importe qui.
Cependant l’école, qui a le sens de l'intérêt collectif chevillé au corps par essence, sait dans sa grande majorité qu’elle doit changer. Les enseignants ne sont pas aveugles, ils voient bien que quelque chose ne va pas. Ils refusent juste d’être pointés comme seuls comptables quand ils savent parfaitement, pour le voir, pour le vivre au quotidien, qu’il y a de nombreux dysfonctionnements structurels, de nombreux manquements institutionnels. Et qu’on leur demande l’impossible, souvent.
Hollande peut s’appuyer aussi sur cette conscience-là : l’impératif du changement. Il peut s’appuyer enfin, ironie de l'histoire, sur le bilan de son prédécesseur : Hollande ne pourra pas faire pire en matière d’éducation. Mais il doit aussi faire mieux, bien mieux. Parce qu’il l’a annoncé. Parce qu’il le faut.
François Hollande, hier dimanche 6 mai 2012, n’a pas reçu un blanc-seing, loin de là. Il n’y pas d’illusion dans ce vote, comme il a pu y en avoir le 10 mai 1981. Il ne connaîtra pas l’habituel état de grâce des présidents fraichement élus.
La partie sera serrée.
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