Depuis quelques jours, la justice des mineurs occupe le devant de la scène puisque le 2 août, une école a fait l’objet de dégradations apparemment commises par un groupe de mineurs âgés de 5 à 13 ans. Deux jours plus tard, la découverte de tombes et ornements funéraires dégradés dans un cimetière de Meurthe et Moselle a rapidement abouti au placement en garde à vue puis à la mise en examen, ce matin, de deux adolescents respectivement âgés de 14 et 15 ans.
Cette succession de faits a évidemment amené plusieurs personnalités politiques, au nombre desquelles M. le député Ciotti, à intervenir pour regretter l’impunité manifestement prévisible de leurs auteurs et solliciter que soit engagée la responsabilité des parents des mineurs interpellés.
Il n’est pas inutile d’apporter ici quelques éclaircissements concernant la responsabilité des enfants en la matière ainsi que celle de leur parents.
Concernant les mineurs, l’article 122-8 du code pénal précise que « les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils ont été reconnus coupables ».
Il résulte de ce texte que la minorité peut être soit une cause d’irresponsabilité pénale, soit une cause d’atténuation de cette responsabilité, en fonction du discernement de l’intéressé.
Le législateur n’a donc pas fixé de seuil lié à l’âge du mis en cause, les tribunaux devant faire une appréciation au cas par cas de la compréhension et de la volonté du mineur de commettre une infraction.
La seule distinction prévue par la loi concerne les mesures qui peuvent être appliquées aux mineurs. Ainsi, les mineurs âgés de moins de 10 ans n’encourent « qu’une » mesure éducative (admonestation, mise sous protection judiciaire...), ceux de 10 à 13 ans des sanctions éducatives (mesure de réparation, placement...), ceux de plus de 13 ans une peine.
Concernant les dégradations commises dans le cimetière de Labry, les mineurs mis en examen ce matin par le juge des enfants devant lequel ils ont été présentés pourront certainement faire l’objet d’une condamnation pénale, si les faits sont établis à leur encontre à l'issue de la procédure d'instruction, compte tenu de leur âge.
Concernant en revanche les dégradations commises à Melun, certains des enfants interpellés ne pourront en aucun cas faire l’objet de poursuites ; un enfant âgé de 5 ans, qui n’a pas encore acquis la notion de loi pénale ni de transgression de celle-ci, ne peut évidemment pas comprendre la gravité des faits qui lui sont reprochés ni avoir eu l’intention de commettre une infraction. De manière globale, on considère qu'un enfant de cet âge ne différencie pas la bêtise de l’infraction. J’ai personnellement dans mes relations une enfant de 5 ans, objectivement intelligente et vive, qui reste persuadée malgré mes explications que je passe mes journées à mettre en prison les élèves qui désobéissent à la maîtresse, pour vous donner une idée.
La capacité des autres enfants du groupe à répondre pénalement de leurs actes sera appréciée au cas par cas par le Procureur de la République et le juge des enfants saisis du dossier, selon leur degré de discernement.
Est-ce à dire que l’impunité des très jeunes sauvageons melunais serait totale, y compris pour leurs parents ?
Les parents ne peuvent pas être poursuivis sur le plan pénal pour les faits commis par leurs enfants, en application du principe de la responsabilité du fait personnel (l’article 121-1 du code pénal prévoyant que « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait »). Les hypothèses de responsabilité pénale pour autrui concernent principalement la responsabilité des chefs d’entreprise pour les faits commis par leurs salariés dans le cadre de l’activité professionnelle, mais en aucun cas les parents de délinquants mineurs.
Les parents sont en revanche civilement responsables des dommages causés par leur enfant mineur sous leur garde. Ainsi, tout dommage causé par un enfant, volontairement ou involontairement, quel que soit l’âge ou le discernement de l’enfant, lié ou non à une condamnation pénale, peut engager la responsabilité civile des parents qui seront condamnés à réparer le préjudice subi.
Souvent, les parents n’ont pas à régler directement les sommes dues puisqu’ils disposent d’une assurance responsabilité civile. Mais dans le cas contraire (ou si leur assureur parvient à se dégager de l’obligation de payer pour son assuré, ce qu’il tente fréquemment d’accomplir), l’indemnisation des préjudices résultant des actes de leur enfant leur incombe.
Que ceux qui se désolent déjà publiquement de l’impossibilité d’atteindre efficacement les enfants mis en cause dans ces deux affaires et leurs parents se rassurent donc : chacun assumera ses responsabilités, mais selon les limites imposées par la loi et non en fonction du retentissement médiatique des faits. Rien que de très normal, en somme.